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Dans la Drôme et en Ardèche
Sur les traces du picodon

Appellation depuis 36 ans, le petit palet de chèvre est revenu sur l’histoire fromagère du picodon et de la filière caprine de Drôme et d’Ardèche.

Les journées d’ethnozootechnie caprine organisées par le groupe caprin de la société d’ethnozootechnie se sont tenues le samedi 20 juillet à Saoû dans la Drôme. Profitant de la fête du Picodon, une trentaine de curieux ont replongé au cœur de l’histoire de picodon et de cette filière de qualité fortement attachée à son terroir.

L’histoire des départements drômois et ardéchois compte parmi ses pages le nom familier du picodon. « Autrefois, les chèvres produisaient très peu en hiver. C’est pourquoi les fermiers, voulant garder le précieux lait jusqu’au cœur des frimas, ont créé un fromage : le picodon. » C’est ainsi, du moins, que les éleveurs racontent les origines de ce produit de terroir. Avant l’arrivée des grandes surfaces, les coquetiers, qu’on pourrait rapprocher de grossistes ambulants, avaient pour activité la collecte et le négoce des œufs et des volailles principalement, mais aussi des chevreaux et des fromages. Leur rôle était important dans les campagnes avant les années 60. Ils répondaient à la grande diversité de production des fermes paysannes.

L’appellation picodon pour faire face à la standardisation des produits

Les années 70 observent une modernisation et une spécialisation de l’agriculture, ainsi que l’arrivée des néoruraux. On observe aussi, à cette période, les premières fusions de laiterie. La vente directe et la demande de produit fermier se maintiennent jusqu’à la crise de surproduction. Les années 80 sont le cadre de l’arrivée de produits laitiers standardisés avec les grandes surfaces. Il faut se faire une place dans un marché concurrentiel. Les éleveurs en montagne se maintiennent alors que ceux de la plaine se retirent, suite à la spécialisation et la modernisation de l’agriculture qui favorisent l’arboriculture et les cultures céréalières en plaines. Les producteurs et les transformateurs se regroupent pour plus de reconnaissance. C’est dans ce cadre que l’Appellation d’origine contrôlée picodon est reconnue en 1983 alors que la demande d’appellation remonte à 1963 et la création du syndicat de défense et de promotion du picodon à 1975.

Dans les années 90, la voie de l’industrialisation continue, mais la filière caprine « ne veut plus être le parent pauvre de l’élevage » explique Jean-Claude Balmelle, éleveur retraité ardéchois. S’accroît alors, une volonté de reconnaissance, d’être représenté, et de se professionnaliser. La station du Pradel, inauguré en 1989, et le PEP caprin sont des exemples de travail en réseau et de mise en commun des connaissances. La diversification de la demande et l’apparition de nouvelles formes de mise en marché, comme les magasins de producteur ou les Amap, commencent au début du XXIe siècle. Daniel Gilles, éleveur et maire de Saoû, illustre : « à Saoû, nous n’avons pas de magasin de producteur, mais une épicerie indépendante qui travaille avec les producteurs locaux. Elle emploie quatre salariés et occupe un local de 50 m². »

Un strict cahier des charges et une attache forte au terroir

Le picodon a su évoluer. Le petit palet au lait cru s’est ainsi vu redéfinir un cahier des charges, relocaliser sa zone d’origine, officialiser la méthode affinée Dieulefit, renforcer son lien au terroir… Après 35 ans d’évolution, le plan de contrôle du picodon couvre une soixantaine de pages. « C’est une fierté de défendre un produit du terroir », revendique Paule Ballet, animatrice du syndicat du picodon. Cependant, entre 1994 et 2019, la filière caprine drômo-ardéchoise a perdu les trois quarts de ses fromagers fermiers et de ses livreurs affineurs ainsi que 56 % de ses livreurs laitiers. La filière affineur a également perdu de sa superbe.

Aujourd’hui, les exploitations se répartissent à égalité entre livreur laitier et fromager fermier. En Drôme-Ardèche, la clientèle est assurée par des locaux, habitués à la consommation du fromage, mais aussi par les nombreux touristes présents l’été.

Les voisins ne le valorisent pas assez !

Hélas, la filière caprine fait face au problème de renouvellement des générations. La région est confrontée à des difficultés d’installation par manque d’accès au foncier et une faible attractivité du métier. En effet, les faibles revenus et la pénibilité en élevage sont des limites auxquelles s’ajoutent des prix du foncier élevés. « Les terres agricoles partent à des prix surélevés pour une utilisation non agricole, critique Éliane Bres, éleveuse drômoise. Une personne sans famille et terres ne peut plus s’installer. » Aujourd’hui, la prédation par le loup est un autre problème pour les éleveurs caprins, et la valorisation des chevreaux reste une question en cours pour la filière.

Heureusement, l’AOP est un vecteur de maintien des exploitations laitières sur le territoire et, pour Éliane Bres, « la filière caprine est la seule où il y a encore des installations. »

« Pour certains éleveurs, le cahier des charges est trop contraignant, explique Karine Mourier, présidente du syndicat. Pour d’autres au contraire, il ne l’est pas assez ». Les avis divergent aussi sur les prix de vente. Le label a un coût financier et la valorisation qui suit n’est pas toujours assez élevée. Certains éleveurs défendent qu’ils vendent leur fromage pour tous, y compris pour les faibles revenus. Et d’autres trouvent légitime de mieux valoriser l’appellation. « Toute entente sur les prix est interdite », rappelle cependant Paule Ballet. « Mais s’entendre avec ses voisins sur un niveau de prix minimal, ça serait bien, estime Karine Mourier. Il faut réfléchir nos prix pour pouvoir en vivre. »

Pour les éleveurs du syndicat, il faut renouer avec le consommateur grâce à l’image du terroir et des producteurs. Le syndicat du picodon veut pour la suite faire connaître le logo AOP picodon et les valeurs associées, introduire les valeurs environnementales dans son cahier des charges, capter les fermiers non adhérents et lutter contre l’usurpation d’appellation. Continuer une mobilisation collective semble toujours plus d’actualité face aux attaques récurrentes contre le lait cru.

Des atouts naturels à faire valoir

L’AOP picodon

Aire géographique délimitée aux départements de la Drôme et de l’Ardèche et les cantons voisins de Barjac dans le Gard et de Valréas dans le Vaucluse.
Races de chèvres : Alpine, Saanen, Massif central, Provençale et Rove, ou d’animaux issus de croisements de ces races
Le troupeau sort en pâturage, en parcours ou sur un parc d’exercice (5 m² par chèvre minimum, ombre et eau).
Alimentation : fourrage à 100 % de l’aire géographique et composé de douze espèces de plantes différentes. Céréales à 100 % de l’aire géographique et les aliments complémentaires ne peuvent dépasser 390 kg par chèvre et par an. OGM interdit
Fabrication fromagère : fromage obtenu par coagulation du lait de chèvre cru entier, non standardisé et non homogénéisé, avec addition d’une faible quantité de présure. Minimum 12 jours d’affinages pour les fromages non lavés et 15 jours pour les lavés. Le picodon « affiné méthode Dieulefit » subit une phase de séchage naturel et au minimum deux lavages.
165 opérateurs (79 laitiers, 77 fermiers, 3 affineurs et 6 laiteries)
530 tonnes produites par an (1/3 fermier, 2/3 laitier)
20 000 chèvres en AOP
30 % des chevriers en AOP sont bios

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