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Sébastien Maitrot a misé sur la culture de salicorne

Biologiste de formation et aujourd’hui maraîcher dans le Finistère, Sébastien Maitrot s’est spécialisé dans la culture de salicorne. En dix ans, il a mis au point une technique de production qui fonctionne.

« En 2009, entre deux emplois, j’ai travaillé comme saisonnier chez Gilles Fournier, adhérent de Savéol qui exploitait 8 ha de serres de tomate et poivron à Guipavas, explique Sébastien Maitrot. Gilles Fournier souhaitait alors se diversifier. Comme j’avais une formation en biologie marine et douze ans d’expérience en aquaculture, il m’a demandé de tester différents légumes de la mer. » Des essais sont d’abord menés à Guipavas sur la salicorne. Puis Gilles Fournier a l’opportunité de reprendre un site de 3,5 ha jusqu’ici en tomate et fraise, à Lanhouarneau, toujours dans le nord Finistère.

Sébastien Maitrot y continue la culture de salicorne et teste d’autres plantes halophytes (aster maritime, plantain maritime, betterave maritime, criste marine, mertensia (plante huître), du pourpier, de la ficoïde glaciale et des algues (spiruline, ulves). « Pour certains légumes, le marché n’était pas encore là, se rappelle le maraîcher. Il y avait aussi des problèmes techniques sur certaines cultures. Sur la mertansia par exemple, il y avait beaucoup de pucerons et d’oïdium et pas de produits homologués. La lutte biologique s’installait mal. Il fallait récolter les feuilles manuellement… » Au final, le choix est fait de ne continuer que la production de salicorne.

Irrigation à l’eau salée

Aujourd’hui, Sébastien Maitrot est en phase de reprise de l’exploitation de Gilles Fournier avec un autre salarié. Le site de 3,5 ha de serres verre de Lanhouarneau est entièrement occupé par la salicorne, de la variété Salicornia europaea. Les graines, achetées en Belgique, sont semées chaque semaine de mi-janvier à septembre, pour des récoltes d’avril à octobre. Les cycles durent deux mois et demi à trois mois et demi, permettant en moyenne deux cultures et demi par an. Pour accueillir la culture qui nécessite une irrigation à l’eau salée, des bâches sont étendues au sol, sur les anciens rails des tomates, pour récupérer l’eau. La bâche est remplie de terreau constitué des pains de coco utilisés en tomate à Guipavas, qui sont récupérés après la culture et broyés à l’épandeur.

« Nous en rajoutons sur toute la surface tous les deux ans, précise Sébastien Maitrot. Nous avons testé un mélange de terreau et de sable, mais le résultat n’était pas meilleur. » Les planches de 1,70 m de large sont arrosées par aspersion à l’eau douce après le semis. Puis l’irrigation au goutte-à-goutte se fait à l’eau salée. « Nous avons un forage et des réserves d’eau, indique le maraîcher. Nous mélangeons du sel de carrière à l’eau. » Le taux de sel, la fréquence des irrigations et les besoins en température et aération ont été affinés au fil des années. La principale difficulté est le désherbage, la récolte mécanique impliquant une culture parfaitement propre.

« Certains lots de graines contiennent des graines d’adventices, explique Sébastien Maitrot. Des graines de tomate arrivent aussi avec le terreau. Enfin, il y a les graines qui entrent par les ouvrants. » Au moins deux fois par semis, un désherbage manuel est donc réalisé grâce à un chariot spécifique que le maraîcher a fait construire. Les cultures peuvent aussi être touchées par le mildiou en début de saison. « En général, en cas de mildiou, nous broyons la culture, car il n’est pas possible de trier les brins abîmés, précise le maraîcher. En 2022, nous testons toutefois un biostimulant qui semble être assez efficace. » La salicorne peut aussi être attaquée par des pucerons, des chenilles.

Du matériel qui résiste à la rouille

La récolte se fait mécaniquement avec une machine que le maraîcher a fait construire sur le modèle d’une récolteuse à thé et qui coupe des brins de 10 cm, à 5 cm du sol. « Au-dessous, les tiges sont trop ligneuses. » Les salicornes sont lavées dans deux bains bouillonnants puis séchées sur un tapis ajouré. Elles sont ensuite conditionnées manuellement en colis de 5 kg, 2,5 kg ou 1 kg, en barquettes de 150 g ou encore en vrac pour les mareyeurs ou l’industrie. Le rendement atteint en moyenne 3,5 kg/m²/an.

Trois permanents travaillent sur l’exploitation, complétés par quelques saisonniers pour le conditionnement et les désherbages. « Une difficulté est le matériel nécessaire, souligne Sébastien Maitrot. J’ai dû concevoir ou adapter la plupart des matériels que nous utilisons. Il faut aussi du matériel robuste, qui résiste au sel. Nous devons changer le broyeur tous les deux ans. Et nous en sommes à la 4e récolteuse ! » Pour l’avenir, Sébastien Maitrot entend bien continuer sa production de salicorne. Il réfléchit aussi à d’autres légumes de la mer, voire à l’aquaponie du fait de son expérience dans le domaine.

Une bonne demande en barquette 150 g

 
La salicorne est vendue en GMS au rayon fruits et légumes et parfois au rayon poissonnerie. © V. Bargain
La salicorne est vendue en barquette ou en vrac au rayon fruits et légumes ou au rayon marée des GMS, aux grossistes, notamment pour la restauration, et à l’industrie pour la transformation en condiments. En juillet-août, la production est concurrencée par la salicorne de cueillette. Au total, le marché en France s’élève à environ 300 tonnes. « Pour Savéol, toujours en quête de productions possibles sous serre, la salicorne représente un petit marché de 120-150 tonnes par an, indique Catherine Legal, directrice marketing. La demande est bonne en GMS en barquette 150 g ainsi qu’en industrie. Les volumes sont stables depuis quelques années et il n’est pour l’instant pas prévu de développement en dehors de l’exploitation de Sébastien Maitrot. »

 

Parcours

1995 : Maîtrise de biologie marine

1996 : Formation de chef de projet en aquaculture

1997 à 2009 : salarié en Belgique et en France en aquaculture (poissons d’ornement, esturgeon, tilapia, truite…)

2009 : salarié de Gilles Fournier d’abord en tomate puis en production de légumes de la mer

2022 : début de reprise de l’exploitation de Gilles Fournier, en association

Une plante riche en oligo-éléments et vitamines

 

Au moins deux désherbages manuels par semis doivent être réalisés. © V. Bargain

Plante halophyte (qui aime le sel), la salicorne offre un goût un peu salé et une consistance à la fois croquante et tendre. Elle peut se consommer crue, en salade, sautée à la poêle, blanchie ou encore en condiment comme des cornichons. Elle est riche en vitamines A, B1, B15, C et D, ainsi qu’en magnésium, calcium, potassium, fibres… Si l’essentiel de la consommation provient de la cueillette, plusieurs pays en produisent désormais : Israël, Brésil, Mexique, Portugal, Angleterre, Pays-Bas, plaque tournante du commerce de la salicorne en Europe, Belgique, Allemagne et surtout en France, premier pays producteur en Europe, avec Savéol comme principal opérateur.

Deux variétés peuvent être cultivées : Salicornia bigelovii, très résistante à la chaleur mais assez fibreuse, cultivée dans l’hémisphère Sud, au Portugal et pour partie aux Pays-Bas, et Salicornia europaea, plus riche en eau et plus tendre, la plus cultivée en Europe. Un autre intérêt de la salicorne, outre son apport alimentaire, est sa capacité à fixer le sel, qui pourrait permettre de l’utiliser pour désaliniser des terres rendues impropres aux cultures du fait d’une trop forte teneur en sel, ou encore pour fixer les dunes ou végétaliser des zones désertiques tout en produisant de l’alimentation.

 

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