L’arrêt de la caudectomie en élevage de porcs s’accompagne toujours d’une part de caudophagie.
L’arrêt de la coupe des queues des porcelets à la station expérimentale de la chambre d’agriculture de Bretagne s’est accompagné de morsures à des niveaux et des degrés de gravité variables.
L’arrêt de la coupe des queues des porcelets à la station expérimentale de la chambre d’agriculture de Bretagne s’est accompagné de morsures à des niveaux et des degrés de gravité variables.


Aucune queue de porcelets n’a été coupée depuis 2023 à la station expérimentale de la chambre d’agriculture de Bretagne de Crécom (Côtes d’Armor) qui abrite un atelier porc de 114 truies naisseur-engraisseur.
Mais toutes ne sont pas restées intactes jusqu’au départ abattoir. Des porcs ont été victimes de morsures, en postsevrage ou en engraissement, entraînant au mieux des plaies légères, au pire un raccourcissement sévère des queues, voire l’écartement des animaux vers l’infirmerie.
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Sur toute la durée de présence en postsevrage puis en engraissement 44 % des porcs ont gardé une queue intacte, avec au plus quelques traces de griffure. Pour les 56 % restants, des morsures ont été observées soit en postsevrage, soit en engraissement, soit aux deux stades de l’élevage. Lorsque les morsures à la queue ont lieu sur les jeunes animaux en postsevrage, la cicatrisation des plaies permet à l’animal de poursuivre sa croissance sans impact notable sur les résultats techniques. Ces résultats ont été calculés à partir d’un suivi réalisé par la chambre d’agriculture de Bretagne sur 1 020 porcelets en postsevrage et 919 porcs en engraissement issus de 5 bandes successives logés sur caillebotis. L’état des queues était noté entre 0 (aucune marque visible) et 3 (plaie importante avec perte d’une partie de la queue) (voir « repère » ci-dessous).

Plus de morsures en postsevrage
L’impact des morsures est plus important en postservage qu’en engraissement. En fin de postsevrage, 80 % des porcs avaient une queue avec note 0 ou 1 pour une queue de 18,4 cm de long, tandis que 10 % présentaient des plaies importantes (note 3) qui se traduisent par un raccourcissement de la queue à 13,3 cm en moyenne. En fin d’engraissement, les notes 0 ou 1 sont données à 89 % des porcs pour une longueur de queue de 24,2 cm, la note 2 à 6 % des animaux, la note 3 à 5 % des porcs pour une queue de 15,3 cm. Ces moyennes cachent cependant une très forte hétérogénéité dans la répartition des morsures entre les cases. En postsevrage, les porcs à note 3 sont répartis sur un tiers des cases, ce qui implique que pour les deux tiers des cases aucun animal à queue lésée n’est observé. Si on regarde encore plus finement, 61 % de ces animaux sont concentrés dans seulement 10 % des cases. Entre le postsevrage et l’engraissement, 45 % des animaux suivis aux deux stades gardent la même note, pour l’essentiel une note 0, 23 % voient leur note se dégrader en engraissement, et pour 32 % la note en fin d’engraissement est meilleure que celle de fin de postservage, traduisant une cicatrisation des plaies.

Un effet bande très marqué
Aucune case, au sens de son emplacement dans la salle, ne ressort comme étant davantage touchée. Un effet de la bande est très marqué, tant en postsevrage qu’en engraissement. Les porcs à note 3 en postservage sont pour 38 % d’entre eux dans la bande 3, et en engraissement pour 48 % dans la bande 4. Le caractère aléatoire de la répartition des morsures dans les cases souligne les différences individuelles dans le tempérament des porcs à mordre, certains étant parfois qualifiés de « mordeurs compulsifs ». La moindre modification de l’environnement ou la présence d’un peu de sang sur la queue d’autres porcs, entraîne chez eux une envie irrésistible de mordre.
Yannick Ramonet, yannick.ramonet@bretagne.chambagri.fr
Repères
Les notations de l’état des queues
Yannick Ramonet, chambre d’agriculture de Bretagne
L’impact sur le bien-être de l’animal ne se mesure pas qu’au travers des pertes et saisies
« Entre nos différents suivis à la station de Crécom, le taux de porcs victimes reste sensiblement équivalent. Malgré l’attention portée aux animaux et l’expérience du personnel dans la conduite des porcs à queue longue, nous nous heurtons à un taux de 5 à 10 % de porcs qui présentent des lésions importantes à la queue en engraissement ou postsevrage. Pour l’éleveur, l’attention est souvent portée sur les pertes au cours de la phase d’élevage ou sur les animaux en fin d’engraissement qui partent à l’abattoir et les risques en termes de saisies et de pertes économiques. De ce côté, les résultats peuvent être considérés comme « acceptables », les performances de croissances sont correctes, et la grande majorité des animaux sont bien valorisés. En revanche, vu du côté du porc, la situation est plus déplaisante, le nombre de porcs victimes de caudophagie à un moment de leur vie reste élevé si l’on inclut les morsures de plus faible intensité ou les plaies qui se sont cicatrisées. Ce résultat va dans le même sens que ceux observés en Finlande, en Italie ou en Suisse à l’abattoir où les porcs à queue non intacte représentent plus de la moitié des animaux. Les travaux sur l’arrêt de la coupe de la queue se poursuivent à la station de Crécom, par de nouveaux essais sur l’aménagement des cases, l’enrichissement de la case et la gestion de la caudophagie. L’objectif reste d’élever des porcs à queue non coupée en réduisant autant que possible les risques de morsures pour que le système soit compatible avec les attendus des éleveurs et le bien-être du porc. »