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"Un sirop sucré met vite les cochettes en confiance"

Un essai réalisé à la ferme expérimentale de la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire démontre que l’utilisation d’un appât sucré en quarantaine facilite la création d’une relation de confiance entre les futures reproductrices et l’éleveur.

Avec le projet Sécuritruie, la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire étudie, à la ferme expérimentale des Trinottières, l’impact de la domestication des cochettes sur leur comportement lors des interactions avec l’éleveur au cours de leur carrière de truie reproductrice. 

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Pour apprivoiser les femelles dès leur arrivée en quarantaine, les opérateurs de l’élevage distribuent un appât qui peut être soit une boisson sucrée (sirop), soit un aliment (aliment 1er âge sevrage précoce). Après un temps de domestication plus long, la boisson sucrée s’avère ensuite plus facile à utiliser.

Domestication en deux étapes

Les cochettes sont livrées toutes les dix semaines par lots de 12 femelles de deux âges différents. La domestication se déroule en deux temps en dehors des périodes de repas habituels. D’abord une étape de découverte une semaine après leur arrivée, puis une étape de renforcement, trois semaines plus tard. La phase de découverte s’effectue à travers la barrière sans entrer dans la case des cochettes. Elle se poursuit jusqu’à ce que toutes les femelles soient venues goûter l’appât. Avec l’aliment, cette étape dure environ cinq minutes pour un groupe de six cochettes. Les animaux sont rapidement attirés par le bruit familier des granulés d’aliment dans un seau. Avec le sirop, la phase de découverte dure dix minutes environ pour un groupe de six femelles. Il faut attendre qu’une première cochette vienne goûter le sirop. Ensuite on observe un phénomène de contagion positive au sein du groupe et toutes les autres femelles viennent assez rapidement. La phase de renforcement s’effectue dans la case au contact des cochettes. Elle est généralement très rapide (deux à cinq minutes), car les animaux reconnaissent l’appât qui leur a déjà été présenté trois semaines auparavant. Cette phase est répétée toutes les trois semaines durant le séjour des femelles en quarantaine, si possible avec des opérateurs différents. Quel que soit l’appât utilisé, la plupart des cochettes se laissent facilement caresser même s’il y a parfois un individu un peu plus craintif. Toutefois, l’aliment peut générer davantage de bousculades, car plusieurs femelles veulent manger en même temps dans le seau. La méthode de domestication utilisée permet de dissocier l’appât de l’opérateur. Les femelles reconnaîtront l’appât quel que soit l’opérateur, y compris un intervenant non familier. Cette méthode vise à faciliter les interventions qui seront réalisées par du personnel extérieur à l’élevage et non familier des animaux (technicien, vétérinaire).

Premiers retours d’expérience positifs

Au cours du projet, l’objectif est de vérifier si le temps investi avec une cochette en quarantaine permet de faciliter les interventions ultérieures sur l’animal au cours de sa carrière. Pour cela, les femelles domestiquées seront observées pendant leurs deux premiers rangs de portée, à l’occasion des déplacements, ou des manipulations individuelles (échographie). Des premières observations démontrent que pour les déplacements collectifs, les femelles suivent assez naturellement un opérateur portant un seau avec des granulés d’aliment grâce au bruit familier produit. Ce n’est forcément pas le cas avec un bidon de boisson sucrée, qui ne produit aucun son reconnaissable. Dans le cas des déplacements individuels, l’utilisation de l’appât quel qu’il soit peut aider au franchissement d’un obstacle en apportant une motivation supplémentaire à l’animal. Certaines interventions comme les échographies ou encore les mesures d’épaisseur de lard dorsal (ELD) sont difficiles à réaliser sur des cochettes bloquées. En effet, du fait de leur petit gabarit, elles disposent d’une grande liberté de mouvement à l’intérieur des stalles de verraterie. Il en découle des risques supplémentaires de blessure pour l’éleveur (par exemple si son bras ou sa jambe se retrouve coincé entre l’animal et le barreaudage). La distribution de l’appât permet d’immobiliser suffisamment longtemps une cochette non bloquée (en liberté dans une case par exemple) pour réaliser ces interventions. Si la cochette est seule dans la case, n’importe lequel des appâts peut faire l’affaire. Dans le cas où plusieurs cochettes sont présentes dans une case, la boisson sucrée sera plus efficace pour immobiliser un seul animal à la fois. Avec l’aliment, plusieurs femelles veulent manger en même temps dans le seau, ce qui pourrait être contre-productif en générant davantage de bousculades. Le projet Sécuritruie va se poursuivre, notamment lors des interventions sur les porcelets sous la mère. Le temps de travail nécessaire (nombre d’opérateurs, durée par opérateur) sera également analysé. Les résultats complets du projet seront disponibles début 2025.

Florence Maupertuis, florence.maupertuis@pl.chambagri.fr

Avis d’expert - Laura Derouet responsable du cheptel truies de la ferme expérimentale des Trinottières

 
Trinottières
© D. Poilvet

Une étape incontournable dans la gestion du troupeau

« La domestication des cochettes avec les méthodes testées dans le cadre du projet Sécuritruie prend très peu de temps. J’y consacre environ cinq minutes par semaine. Seul le premier contact dure un peu plus longtemps. Mais le sirop sucré les met vite en confiance et facilite les interactions par la suite. J’estime que la domestication des cochettes dès leur arrivée en quarantaine est une étape incontournable de la gestion du troupeau de truies. Leur bien-être est amélioré car elles sont moins stressées. La domestication facilite aussi le travail sur beaucoup d’aspects : vaccination ou traitements injectables, manipulation des animaux malades, transferts, interventions en maternité (adoptions, soins aux porcelets…). À la ferme des Trinottières, nous utilisons un flacon de Régumate vide et sa canule pour distribuer le sirop aux cochettes. Quand nous commençons la synchronisation des chaleurs, cela nous fait gagner du temps car elles reconnaissent immédiatement le conditionnement du Régumate et elles viennent rapidement à nous. »

Le projet Sécuritruie évalue des méthodes de domestication

Pour garantir la sécurité des intervenants en élevage de truies, il est primordial d’instaurer une relation de confiance entre l’éleveur et ses truies. En effet, d’après la MSA, les manipulations des animaux constituent la première cause d’accident dans les élevages porcins. La sécurité de l’éleveur et de ses animaux est donc un enjeu majeur, et ce d’autant plus que les attentes sociétales poussent à l’arrêt de la contention des truies. Le projet Sécuritruie vise à instaurer une relation de confiance entre l’éleveur et ses truies pour améliorer le confort de l’opérateur (conditions de travail, sécurité) et des animaux lors de manipulations ou d’interventions ultérieures. La méthode utilisée consiste à tester différentes méthodes de domestication des cochettes en quarantaine dès leur arrivée dans le troupeau en utilisant le goût prononcé des porcs pour le sucre pour établir des contacts positifs. L’objectif est aussi d’évaluer l’efficacité de la domestication sur la relation Homme-animal, et notamment les bénéfices en termes de conditions de travail (sécurité, temps de travail) tout au long de la carrière de la truie. Le projet Sécuritruie est cofinancé par le conseil régional des Pays de la Loire et le Casdar (fonds PRDA). Il a reçu le soutien du RMT (réseau mixte technologique) Travail. Il rassemble plusieurs partenaires : la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire, la ferme expérimentale porcine des Trinottières. Trois autres organismes sont associés au comité de pilotage : la Chambre d’agriculture de Bretagne, la MSA 49 et l’Inrae.

Florence Maupertuis

De meilleures performances grâce à la domestication

Le projet Rhaporc piloté par l’Ifip en 2018 s’est intéressé à la relation Homme-animal et a développé des outils pour l’améliorer en prenant en compte le point de vue des deux acteurs. Des enquêtes ont été réalisées en 2018 dans 52 élevages. Les notes au test d’approche montrent que les cochettes sont plus confiantes que les truies, et que la confiance diminue au cours des cycles successifs. Peut-être parce que les éleveurs prennent du temps pour apprivoiser les cochettes mais n’entretiennent pas par la suite cette confiance par des pratiques positives. Plus généralement, nous avons montré que les truies les plus confiantes mettaient bas et sevraient plus de porcelets que les autres. L’analyse des relations entre tous les paramètres collectés montre que les éleveurs considérant que la relation à l’animal est centrale dans leur métier sèvrent en moyenne plus de porcelets (13 par portée contre 12,1 en moyenne pour les autres éleveurs). Leurs truies sont plus significativement plus confiantes que celles des autres élevages. Ils mettent en œuvre plus fréquemment un certain nombre de pratiques positives, comme instaurer des contacts quotidiens avec les truies (parler, toucher…) et apprivoiser les cochettes avec des façons de faire variées : passer du temps dans la case, alimenter manuellement, utiliser du jus de fruits, avoir des contacts réguliers (parler, toucher, mettre la main sur le dos, gratouiller), intégrer l’apprivoisement dans le planning de travail, faire passer tous les salariés dans les cases de cochettes… autant de pratiques qui favorisent une confiance mutuelle et facilitent le travail à venir.

Valérie Courboulay

Côté web

Pour plus d’informations sur l programme Rhaporc, cliquer ici

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