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Les multiples avantages agronomiques du lisier acidifié

L’acidification du lisier limite les pertes d’azote ammoniacal et les nuisances olfactives à l’épandage. Cette technique, encore inconnue en France, est très développée au Danemark.

L’acidification au champ du lisier a connu un essor important au cours des dix dernières années au Danemark, notamment du fait de la réglementation imposant aux agriculteurs de réduire leurs émissions d’ammoniac. Par exemple, l’épandage de lisier sur prairie ne peut se faire que par injection directe dans le sol. Il ne peut se faire en surface qu’à condition d’acidifier le lisier, qui permet de transformer l’azote ammoniacal, particulièrement volatile, en sel d’ammonium. Cette dernière formulation chimique présente les plus faibles pertes dans l’environnement, grâce à sa charge d’ions positifs. Les cations ammonium (NH4 +) se fixent en effet sur les minéraux du sol. Les émissions d’ammoniac issues principalement des activités agricoles (élevage, fertilisation) engendrent plusieurs formes de pollution : formation dans l’air de particules fines néfastes à la santé, pluies chargées en azote qui eutrophisent les milieux naturels. C’est aussi une perte d’élément fertilisant pour les cultures. La volatilisation d’ammoniac à la suite d’un épandage varie dans de fortes proportions en lien avec les caractéristiques de l’effluent (type de lisier, teneur en azote ammoniacal, matière sèche, pH), les conditions climatiques (température, vent), l’état du sol (humidité, couvert végétal) et la technique d’épandage utilisée. Le calculateur Alfam mis au point par des chercheurs danois permet d’estimer le niveau des pertes en renseignant ces différents paramètres. Il est disponible en ligne sur le site www.biocover.dk.

Plus efficace pour les digestats

Riches en azote ammoniacal et de pH élevé pouvant dépasser 8.0, les digestats sont encore plus sensibles à la volatilisation de l’ammoniac que le lisier. De ce fait, leur acidification se traduit par un gain d’efficacité agronomique plus important. Mais pour abaisser le pH en dessous de 6.5, la quantité d’acide consommée est aussi plus importante, de 3 à 5 litres par m3 contre 1 à 2 litres pour les lisiers. Outre la réduction des pertes d’azote, l’acidification engendre d’autres effets agronomiques intéressants. Le plus notable est l’apport de soufre. À raison de 1,4 kg de SO3 par litre, l’acide sulfurique est le fertilisant soufré le plus économique. Au Danemark, les agriculteurs demandent fréquemment de doser la quantité d’acide en fonction du besoin en soufre de leurs cultures, ce qui leur évite un apport d’engrais azote soufré plus onéreux. Les retours en termes d’amélioration des rendements semblent assez nets pour le colza, mais aussi pour les prairies, car les apports de soufre par les pluies sont aujourd’hui très faibles, 5 à 10 fois moins importantes que dans les années quatre-vingt, suite à la baisse de l’usage du charbon et à la désulfurisation des carburants à base du pétrole.

Manganèse et phosphore plus disponible

Les gains de rendements générés par l’acidification évalués dans 30 essais comparatifs réalisés entre 2010 et 2017 sont en moyenne de 2,2 quintaux par hectare. L’ajout d’acide est sans effet sur les micro-organismes des lisiers et vie du sol. Aucune baisse de pH du sol n’est mesurable à court terme. Cependant, un léger supplément de chaulage est à prévoir dans les sols acides, de l’ordre de 1 kg de chaux par litre d’acide utilisé. L’acidification engendre aussi une meilleure disponibilité du manganèse et du phosphore. 40 % du phosphore passe sous forme soluble facilement absorbable par les jeunes racines. L’engrais starter peut être économisé. Dans le cas d’une culture en ligne comme le maïs, l’idéal est même de positionner l’apport de lisier au niveau des futurs rangs de semis, ce qui est possible par une double géolocalisation de l’épandage et du semoir. Comparé à l’enfouissement, l’épandage de surface avec acidification sur prairie présente des avantages qui compensent plus ou moins son surcoût : débit de chantier plus important, moindre consommation de carburant et usure du matériel, moins de tassement de sol et non destruction du couvert herbacé par des disques ou des socs. C’est pourquoi la technique est aussi utilisée par les éleveurs laitiers. La mise en œuvre de cette technique en France sera l’occasion de mieux évaluer ses avantages et inconvénients sur ces multiples facettes et de préciser les situations où la balance coût/bénéfice est la plus intéressante dans le contexte national.

Jusqu’à 14 kg d’azote de gain pour la culture

Pour un lisier dosant 3 kg d’azote ammoniacal par tonne, épandu sur sol humide à une température de 15° (en moyenne) et par vent modéré (20 km/h), la perte d’azote ammoniacal est évaluée à 45 % si l’apport est réalisé en plein et n’est pas rapidement enfoui ou suivi d’une pluie. Avec une rampe à pendillards, elle est ramenée à 26 % et descend à 12 % si le lisier est acidifié à pH 6.4. Ainsi, pour un apport de 33 m3 par hectare avec rampe à pendillards, l’acidification induit un gain non négligeable de 14 kg d’azote efficace pour la culture.

 

Des additifs pour amender le lisier

Le module frontal du SyreN intègre un dispositif pour l’incorporation d’additifs. Il est ainsi possible, au moment du remplissage de la tonne, de traiter le lisier avec un inhibiteur de nitrification d’azote qui retarde la transformation de l’azote ammoniacal en nitrates, limitant ainsi les pertes par lessivage. Ce procédé diminue également les émissions de N2O, un gaz à effet de serre puissant, et améliore la qualité des récoltes (hausse de la valeur nutritive et gain en taux de protéines). La cuve à additif donne aussi la possibilité d’incorporer du sulfate de fer, afin de diminuer certaines odeurs, comme celle d’œuf pourri des eaux usées des stations d’épuration. Elle peut s’utiliser également pour apporter du nitrate de manganèse dans le but de corriger les carences du sol.

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