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Pomme de terre bio : peut-on lutter contre le doryphore sans spinosad ?

Face au manque de moyens de lutte contre le doryphore en agriculture biologique, le projet Alterspino expérimente plusieurs voies pour trouver une alternative au spinosad. [Article rédigé par Samuel Ménard]

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Le doryphore étant un insecte difficile à maîtriser, les stades cibles des substances testées sont les stades les plus vulnérables .
© Acpel

Le projet Alterspino, piloté par la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), a permis de tester plusieurs moyens de lutte contre les doryphores, en station d’expérimentation et chez des producteurs en bio. En effet jusqu’en 2019, les maraîchers biologiques pouvaient utiliser un insecticide de biocontrôle spécifique et très efficace pour lutter contre les larves de doryphore à base de Bacillus thuringiensis (Bt) : le NovodorFC®.

Faute de demande de renouvellement d’autorisation de mise sur le marché par l’entreprise qui le commercialisait, ce produit n’est plus accessible sur le marché. À ce jour, la seule alternative viable, en cas de forte infestation, est le traitement au spinosad. Cette substance active, initialement autorisée jusqu’en 2017, voit son approbation au niveau européen renouvelée tous les ans. Un rapport de l’Efsa (publié le 20 janvier 2025) préconise la classification du spinosad en tant que « suspecté de nuire à la fertilité » et souligne un manque de données en matière d’écotoxicité notamment sur les risques pour les oiseaux, les mammifères, les organismes aquatiques et les abeilles.

Interventions à la tombée de la nuit

De fait, dans le cadre du projet Alterspino, l’Acpel (station d’expérimentation légumière en Nouvelle-Aquitaine) a pu tester l’efficacité insecticide de différentes substances homologuées, comme Capsanem, ou non homologuées, comme Limocide, la tanaisie et la caféine. Le doryphore étant un insecte difficile à maîtriser, les stades cibles des substances testées sont les stades les plus vulnérables et donc les premiers stades larvaires L1 et L2. Avec une stratégie de pulvérisation adéquate, quatre applications tous les six jours, la caféine et les nématodes entomopathogènes Capsanem permettent de lutter contre les larves de doryphores lorsque les interventions sont réalisées.

Il est nécessaire d’intervenir sur des stades larvaires juvéniles (L1, L2), soit une semaine après l’apparition des premiers œufs, avec une cadence d’un traitement par semaine, pour un total de quatre traitements (idéalement une intervention tous les six jours). Les applications sont réalisées à une concentration de 3 millions de nématodes par litre sur la base d’une bouillie à 1 000 litres par hectare, et de 1,5 % pour la caféine sur la base d’une bouillie à 400 litres par hectare. Pour les nématodes entomopathogènes, une condition supplémentaire est nécessaire. Les interventions doivent se réaliser à la tombée de la nuit, dans l’objectif de disposer d’une hygrométrie maximale (>75 %) pendant plusieurs heures (8 heures pour avoir l’efficacité maximale). En revanche, les différentes préparations à base de tanaisie (décoction, extrait alcoolique, purin ou huile essentielle) n’ont pas montré d’intérêt dans la lutte contre les larves de doryphore.

Tester des décoctions de café ou de guarana

Aujourd’hui, les pistes de substitution du spinosad telles qu’elles ont été testées ne sont pas envisageables en production. En effet, la piste Capsanem à 3 millions de nématodes par litres n’est pas praticable actuellement par les producteurs à cause du coût de la stratégie de traitement. En 2025, l’objectif de l’essai est de savoir si une stratégie à base de nématodes est économiquement abordable. Deux concentrations de nématodes entomopathogènes (1,5 million et 0,75 million de nématodes par litre) ainsi que différentes cadences (trois passages au lieu de quatre) seront testées.

En ce qui concerne la caféine, celle-ci n’a pas été approuvée comme substance de base, au journal officiel de l’Union européenne du 3 octobre 2024. Ainsi, les expérimentations à base de caféine pure ne seront donc pas renouvelées en 2025. En revanche, il serait intéressant de tester des décoctions de café ou de guarana pour savoir si ces préparations présentent un intérêt dans la lutte contre les larves de doryphores. En ce qui concerne la piste Limocide, elle sera de nouveau testée en 2025 pour valider ou non les résultats issus des expérimentations de 2024.

La lutte mécanique peut aussi être utilisée

Hors traitement, la lutte mécanique peut également être utilisée contre les larves de doryphores. Le principe est de brosser les plants de pommes de terre pour faire tomber les larves de la plante et de récupérer ces dernières dans un bac pour ensuite pouvoir les détruire. Deux outils existent. Le landoryphore conçu par l’Atelier paysan permet d’enlever les larves de doryphore rang par rang. Cet outil que l’on pousse à la main, brosse le feuillage des plants de pommes de terre grâce à deux balais entrainés par une perceuse. Cette solution présente une forte contrainte de temps.

« Il m’a fallu trois jours pour nettoyer une parcelle de 2 400 m2, à raison de trois passages de huit heures », témoigne un maraîcher de Charente-Maritime. Le Colorado Beetle Catcher est une machine équipée de huit rotors à entraînement hydraulique avec des pales en plastique, qui secouent le feuillage des pommes de terre. Récemment développé, cet équipement est conçu pour être attelé à l’avant ou à l’arrière d’un tracteur et pour travailler sur une largeur de quatre billons de pommes de terre. Cette machine permet d’éliminer 90 % des larves de doryphores, mais son prix n’est pas compatible avec les faibles surfaces implantées en pommes de terre par les maraîchers.

Quatre substances insecticides testées

Substances homologuées

Capsanem (Steinernema carpocapsae) : ce sont des nématodes entomopathogènes qui pénètrent dans la larve de doryphore et qui libèrent des bactéries symbiotiques dans la cavité corporelle de leur proie. Ces bactéries transforment les tissus de l’hôte en nutriments assimilables permettant aux nématodes de se nourrir, de se développer et de se reproduire à l’intérieur de l’hôte. La larve de doryphore meurt dans les quelques heures ou les jours qui suivent l’infection.

Substances non homologuées

Limocide : ce produit de biocontrôle à base d’huile essentielle d’orange douce assèche les insectes à corps mou.

Tanaisie : cette plante fait l’objet d’une dizaine de publications depuis 1984 sur ses capacités de protection des cultures pour les parties feuillage contre des insectes phytophages.

Caféine : cette molécule est connue depuis longtemps ! De façon empirique, elle aurait des effets insecticides.

Le cycle biologique dépend de la température

Les doryphores (Leptinotarsa decemlineata) détruisent partiellement ou totalement le feuillage des Solanacées. En cas d’infestation forte, la récolte peut être très sévèrement diminuée. En hiver, le doryphore hiverne dans le sol, à des profondeurs comprises entre 25 et 40 cm. Au printemps, après une pluie et lorsque la température du sol atteint 14 °C, l’insecte adulte émerge du sol. Le doryphore ne peut survivre qu’en présence d’un nombre limité de plantes hôtes de la famille des Solanacées : aubergine, tomate, belladone, morelle, avec une nette préférence pour la pomme de terre. Après deux semaines d’alimentation, les adultes ont la capacité de se reproduire.

Après l’accouplement, la femelle pond de nombreux œufs jaune-orange qui éclosent après 4 à 10 jours selon la température ambiante. Les larves se nourrissent du feuillage et parviennent à leur développement complet après 3 mues, elles atteignent la même taille que les adultes en fin de développement. Une larve consomme, au cours de son cycle, 35 à 45 cm2 de feuilles ! Les adultes peuvent dévorer 10 cm2 de feuilles par jour. Puis ces larves descendent dans le sol où elles se nymphosent pendant 8 à 15 jours selon les conditions climatiques. Une à quatre générations se succèdent la même année. La durée de vie de l’insecte adulte est de 1 à 2 ans. (Source : ephytia)

Rédaction Réussir

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