Vers des paillettes de semence plus efficaces
Les avancées scientifiques lèvent petit à petit les freins à l’augmentation du recours à la congélation des semences de béliers.
La semence de bélier peut autant être congelée que les autres espèces animales », annonce Eli Sellem, chercheur chez Allice, l’organisation professionnelle d’élevage représentant l’ensemble des filières de l’insémination bovine, caprine, ovine et porcine. La complexité de la congélation des spermatozoïdes des béliers arrive plus tard dans le protocole, notamment lors de l’insémination, après décongélation. Alors que chez les autres espèces de rente, l’insémination avec des paillettes congelées peut se faire suivant un protocole classique avec un pistolet, la brebis n’est pas réceptive par cette voie-là. « Avec de la semence congelée en insémination classique, on frôle le zéro de fertilité, reconnaît Eli Sellem. Les spermatozoïdes, stressés par la congélation et la décongélation, ne parviennent pas à trouver leur chemin jusque dans l’utérus. Ils sont freinés par le mucus de la brebis qui fait une barrière physique et chimique. » C’est pour cette raison que les brebis inséminées avec de la semence congelée subissent une laparoscopie, petite opération chirurgicale qui consiste à déposer la semence directement dans l’appareil génital de la brebis, via une incision externe.
Des différences de semence entre béliers
Forts de cet état des lieux, les chercheurs ont voulu approfondir leurs connaissances sur la congélation des semences ovines. Le programme OUEB (optimisation de l’utilisation des semences de béliers) a démarré il y a deux ans et s’est terminé fin 2019. Eli Sellem explique avec enthousiasme que devant les résultats très positifs, un nouveau projet devrait voir le jour courant 2020, pour continuer à creuser les conclusions de OUEB. Les chercheurs ont déjà mis en lumière des différences de composition moléculaire (glucides, protéines et lipides) entre des semences provenant de plusieurs béliers. Ces béliers ont été choisis selon la congelabilité de leur semence. Certains affichaient des résultats satisfaisants avec seulement 35 à 41 % de pertes après décongélation alors que d’autres étaient à plutôt à 70 % de pertes sur leurs paillettes. « Nous avons réussi à montrer que des différences existaient entre les semences de béliers d’une même race. À l’avenir, si les centres peuvent connaître la capacité de leurs béliers à produire de la semence congelable, cela pourrait améliorer l’utilisation des ressources génétiques et assurer un taux de réussite supérieur à l’actuel avec de la semence congelée », apprécie Eli Sellem.
Un cocktail de molécules pour protéger le sperme
Reste à améliorer également la qualité de la semence une fois décongelée. « Nous avons travaillé sur l’ajout de molécules dans les paillettes qui pourraient protéger les spermatozoïdes, surtout lors de la congélation avec la formation de cristaux de glace qui dégradent les cellules », témoigne le chercheur. Les scientifiques ont pu ainsi mettre en évidence un ensemble de molécules qui amélioreraient les paillettes, mais l’étude nécessite d’être enrichie par de nouveaux tests sur un plus grand nombre de béliers et de races différentes, toutes les expérimentations ayant été conduites jusqu’ici sur des moutons Île-de-France. « Nous sommes sûrs qu’il existe des différences selon les races, on le perçoit déjà en Lacaune lait par exemple, où les résultats sont meilleurs », reprend Eli Sellem.
Fluidifier le trafic par le mucus
La voie mâle est sur le devant de la scène scientifique mais pour autant les chercheurs n’oublient pas les femelles. « Nous savons que c’est le mucus vaginal de la brebis qui empêche la bonne circulation des gamètes mâles jusqu’à l’utérus, lorsque ceux-ci ont subi une congélation », explique Eli Sellem. Les chercheurs d’Allice et de l’Inra ont donc prélevé plusieurs échantillons de mucus de brebis et en ont analysé la composition moléculaire. Ils ont également administré à plusieurs brebis un traitement visant à fluidifier le mucus. Après cette fluidification, les spermatozoïdes avaient plus de facilité à se déplacer, même pour ceux issus de paillettes congelées. Le prochain programme de recherche visera à étendre ces essais sur un plus grand nombre de brebis, afin peut-être de permettre aux paillettes congelées d’être inséminées par la voie normale.
Pas de sexage pour les ovins
Le sexage des gamètes, déjà bien utilisé en élevage bovin, n’est pas prévu chez les petits ruminants pour tout de suite. Il faut compter 90 % de déchets pour un éjaculat, ce qui reviendrait pour un bélier à ne conserver qu’une ou deux paillettes. La réussite du sexage approche cependant les 95 % en bovin lait. "Les gamètes mâles contiennent les chromosomes sexuels, soit X, soit Y, explique Eli Sellem. Ces deux chromosomes n’ayant pas la même taille, nous parvenons à identifier quel spermatozoïde donnera un mâle ou une femelle." Néanmoins cette technique est coûteuse et les volumes ne sont pas là en production ovine.