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Pour la première fois en France
Un Mondial de tonte très show !

Le tant attendu Mondial de tonte de moutons s’est tenu au Dorat en Haute-Vienne. Grand public et professionnels étaient au rendez-vous pour faire rayonner l’agriculture et le savoir-faire français.

Un soleil de plomb, une foule cosmopolite survoltée, des supporters et des tondeurs venus des quatre coins du monde. Telle est la recette du 18e championnat du monde de tonte de moutons (golden shears en anglais) qui s’est tenu du 4 au 7 juillet au Dorat, en Haute-Vienne. Entraînée par son athlétique président Christophe Riffaud, l’équipe des 500 bénévoles et l’Association pour le mondial de tonte de moutons (AMTM) a concocté un programme de réjouissances avec toujours la ferme volonté de mettre en avant le savoir-faire artisanal français et l’agriculture nationale. Ce ne sont pas moins de 62 000 visiteurs qui sont venus encourager les 334 athlètes de 34 pays. C’est d’ailleurs la première fois qu’un mondial de tonte rassemble autant de nations. Largement diffusé sur les médias locaux, nationaux et internationaux, « le mondial de tonte a su inspirer de la curiosité et instaurer une musique positive autour de la tonte sportive », se réjouit Jean-Claude Leblois, président du conseil départemental de la Haute-Vienne.

Chacun à son poste pour une tonte réussie

Dans le chapiteau de plus de 2 500 places, des commentateurs français ou anglophones se sont relayés pendant les quatre journées d’épreuves pour expliquer les gestes et les règles de la tonte et du tri de laine. Sur l’estrade, c’est un ballet bien huilé qui se déroule, avec un quatuor indispensable pour la tonte sportive. Le tondeur bien sûr, armé de sa tondeuse électrique ou de ses ciseaux de tonte (ou forces), l’attrapeur qui présente les animaux au tondeur, le ramasseur et/ou trieur de laine, qui accompagne le tondeur dans son travail et libère le plancher des chutes de toison et enfin le juge, qui ne quitte pas des yeux les mouvements de la lame sur la brebis. Les juges passent d’un athlète à l’autre toutes les 30 secondes, afin d’éviter tout biais de jugement dans la notation finale. D’ailleurs, pour remporter le tournoi, il ne suffit pas d’être le plus rapide pour tondre vingt brebis. Il faut attendre les résultats des juges qui vont inspecter les brebis tondues. Chaque bout de laine restant, chaque coupure coûte des points de pénalités au tondeur. Ce dernier n’a pas lui-même idée de son score à la fin de son passage, même si dans le feu de l’action il perçoit toujours la qualité de son travail et les éventuelles erreurs qu’il pourrait commettre.

Lames aiguisées et sens aux aguets

En avant-première du public, les athlètes découvrent leur classement sur le mur des résultats au dans le pavillon qui leur est réservé. Là, tout le monde parle un peu anglais, pas trop français et beaucoup de langues du monde entier. C’est une ruche sans cesse en activité de sportifs transpirants, d’entraîneurs empressés et de tondeurs qui affûtent leurs lames sur les meules mises à disposition. Richard Jones, athlète qui représentant le Pays de Galles et actuel tenant du titre de champion du monde de tonte machine détaille, essoufflé : « j’aiguise mes lames avant chaque passage, il faut qu’elles soient parfaitement affûtées sinon on risque de blesser la brebis. » Bien que les pays du Commonwealth soient largement représentés, on peut croiser au détour d’une buvette, un tondeur japonais trinquant avec un Brésilien et un Uruguayen.

Cosmopolite, festif et disputé

« Avant l’esprit de compétition, ce qui est célébré cette semaine c’est surtout l’amitié entre les peuples », aime à rappeler Christophe Riffaud. Ainsi, bien que le mondial soit la raison d’être de cet évènement, les spectateurs ont pu se délecter de nombreuses épreuves, notamment les championnats de France, le tournoi All Nations, les face-à-face amicaux France – Pays de Galles et France – Espagne… Pour Adèle Lemercier, en équipe de France pour le tri de laine, le mondial permet de « revoir beaucoup de tondeurs et de trieurs qui font aussi les circuits internationaux. C’est lors des mondiaux que l’on se rend compte vraiment des techniques différentes qui existent, notamment dans le tri de la laine. Surtout entre les pays venant de l’hémisphère nord et ceux venant du sud », note-t-elle, avant de s’accorder un moment de détente en prévision de la finale qui l’attend. Pour Thimoléon Resneau, tondeur à la machine en équipe de France : « l’ambiance est super, mais ça ne me fait pas oublier que je suis là pour gagner. Les épreuves s’enchaînent, mais je tiens bon physiquement ! ».

La laine française doit être mieux valorisée

Comble de l’originalité, une course contre la montre a eu lieu entre deux corps de métier de la filière ovine. Un boucher contre un tondeur. Le challenge était de voir qui serait le plus rapide pour soit découper un demi-agneau, soit tondre deux brebis. Le boucher est allé plus vite mais sans débiter les côtelettes… Le mondial est aussi l’occasion pour les responsables professionnels de faire passer des messages auprès des politiques régionaux. Michèle Boudoin, présidente de la FNO, a interpellé le président de Nouvelle-Aquitaine sur l’absence de valorisation de la laine en France. « Nous produisons une laine de qualité, mais faute de moyens et d’outils, son circuit est complètement illogique, alerte-t-elle. Notre laine est expédiée à très bas coût en Chine pour être lavée et préparée. Elle revient ensuite sur notre territoire pour être utilisée par les industriels français. » Si l’industrie textile était absente du mondial, l’artisanat, lui, était bien présent. Le travail de la laine et ses débouchés ont fortement intéressé les visiteurs, qui, pour certains, découvraient cette matière trop souvent boudée. Les badauds ont aussi pu goûter les spécialités régionales et françaises grâce à un marché de producteurs, à une centaine de mètres du chapiteau central.

L’Écosse, futur hôte du Mondial

L’agneau du Limousin a fait parler de lui, notamment grâce au food-truck de l’interprofession de la viande et du bétail, où un chef s’est affairé pendant toute la durée du mondial. Xavier Nicolle, délégué général d’Interbev Nouvelle-Aquitaine, explique : « beaucoup de gens ont redécouvert l’agneau, qu’ils ne consommaient normalement jamais. C’est souvent dû à une mauvaise expérience, mais nous sommes ici pour prouver que l’agneau n’a pas toujours un goût très fort et qu’il peut être facile à préparer. » Le chef ne laisse aucun morceau de côté, du gigot aux abats en passant par les ris, tout peut être décliné en une multitude de saveurs. En guise de clôture du championnat, une vente aux enchères des tondeuses électriques a eu lieu. Une tondeuse valant autour de 1 400 euros, la meilleure vente a atteint 1 600 euros. Son heureux propriétaire verra son bien gratifié de la dédicace du tondeur finaliste. Il faudra maintenant atteindre trois ans avant la prochaine édition, qui se déroulera en 2022 à Édimbourg en Écosse.

Dans les coulisses du mondial

Pour chacun des six postes de tonte de l’estrade, quatre bénévoles sont mobilisés pour amener les brebis, les attraper et les ramener dans le tunnel d’attente avant qu’elles ne repartent vers leur élevage. © B. Morel

Caché du public, c’est un véritable commando d’attrapeurs et de bénévoles qui s’occupent de répartir les brebis en plusieurs lots et de les acheminer vers l’estrade où elles prendront part à leur manière au mondial de tonte. « La quinzaine d’élevages qui fournissent les animaux est située dans les 45 kilomètres autour du Dorat. Nous avons fait appel à un transporteur et nous disposons d’une flotte de 10 bétaillères pour assurer les roulements », détaille Hughes Lachaume, superviseur bénévole de la gestion des animaux. Les premiers agneaux et brebis de la journée arrivent vers 4 h 30 le matin et les derniers à quitter le site partent aux alentours de 19 h 30. Les animaux prêtés par les éleveurs doivent être homogènes, assez laineux et avec des courbes bien formées (s’il y a des creux et des os saillants, la tonte est plus pénible). « On prévoit toujours une vingtaine d’animaux en trop, au cas où un des tondeurs ait une réclamation », rassure Hughes Lachaume, lui-même éleveur et fournisseur de 1 100 brebis. Après la tonte, les brebis passent par une goulotte, un toboggan qui les emmène directement dans un enclos. Aussitôt un bénévole les maintient et présente leurs flancs, ventre, gorge au juge, qui notera les éventuels oublis de laine ou les coupures. Les 5 000 brebis tondues pendant le mondial donneront plus de 10 tonnes de laine. Celle-ci sera vendue en partie à un artisan local qui l’utilisera dans la confection de matelas et de futons, le reste partira à l’export en Chine, au Japon et en Allemagne.

Les brebis passent à la 3D

 © B. Morel

Le projet OtoP-3D, porté par l’Institut de l’élevage et l’Inra, a pour ambition de développer un système d’autopesée et souhaite faire preuve du concept de l’imagerie 3D en ovin. Cette technique est déjà utilisée en ferme expérimentale bovine pour définir la note d’état corporel (NEC). Pour cela, l’entreprise partenaire a mis au point un couloir de contention muni de cinq caméras (deux en bas, deux sur les côtés et une au-dessus) permettant une prise de vue globale de l’animal. « Nous effectuons de nombreuses mesures, telles que la longueur du dos, la largeur du ventre, le tour de poitrine, etc. pour créer une base de données phénotypiques à partir de laquelle nous allons établir des correspondances de NEC », révèle Laurent Delattre de 3D Ouest. Les caméras-capteurs de mouvements utilisées sont inspirées du concept de jeux vidéo, ce qui permet de réduire le coût de l’installation, estimé à 5 000 euros. « Si l’outil est industrialisé, ce coût sera amené à diminuer », rappelle le démonstrateur du projet. Si, aujourd’hui, les brebis doivent être immobilisées quelques secondes pour que la capture d’image se fasse parfaitement, OtoP – 3D devrait permettre à terme aux brebis de passer en continu, tout en étant identifiées par un lecteur RFID.

Les résultats des courses

Championnats de France (médaille d’or, médaille d’argent, médaille de bronze) :

Tri de laine (Lucie Grancher, Cécile Valadier, Adèle Lemercier),
Tonte aux forces (Loïc Jauberthie, Reinhard Poppe, Frédéric Dussault),
Tonte machine (Christophe Riffaud, Thimoléon Resneau, Loïc Leygonie)

CHRISTOPHE RIFFAUD, remporte les championnats de France : « je me devais de remporter ce prix car je le dédie à toutes les personnes qui ont cru en notre projet et qui nous ont soutenu. Ce n’est pas que ma victoire mais celles de tous les bénévoles qui sont avec nous aujourd’hui. » © B. Morel

Championnats du monde (médaille d’or) :

Tonte machine individuel (Pays de Galles : Richard Jones)
Tonte machine par équipe (Écosse : Gavin Mutch et Calum Shaw),
Tonte aux forces individuel (Nouvelle-Zélande : Allan Oldfield),
Tonte aux forces par équipe (Nouvelle-Zélande : Allan Oldfield et Tony Dobbs),
Tri de laine individuel (Pays de Galles : Aled Jones),
Tri de laine par équipe (Nouvelle-Zélande : Pagan Karauria et Sheere Alabaster)

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