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Sept à la maison avec 500 moutons

Odile Canon s’est installée éleveuse ovin après la naissance de son cinquième enfant. Elle parvient à conjuguer sa profession et ses objectifs personnels.

Après avoir été conseillère formation à la chambre d’agriculture de l’Indre, enseignante, chargée de mission à l’AFDI de Touraine, Odile Canon a décidé de s’installer en élevage ovin. Elle a rencontré son mari lors de ses études d’ingénieur agricole et celui-ci s’est installé en polyculture en 2000. Petit à petit une troupe ovine est réapparue sur la ferme et, en 2008, elle avait atteint 100 têtes. Odile était à ce moment prête à se lancer dans l’aventure, d’autant qu’un projet de création de magasin de producteurs était en cours. L’exploitation d’Eloi Canon comptait initialement 200 hectares, mais lorsque Odile a créé son EARL, elle a récupéré 75 hectares. L’élevage est ainsi autonome en fourrage et en protéines, avec une distribution en bâtiment de foin et d’enrubannage de d’herbe et de luzerne et complétée d’une ration d’orge et de féverole. Il y a toujours des animaux en bâtiments, mais le couple d’agriculteurs s’efforce d’avoir une conduite agroécologique de leurs activités. Pour ce faire, la complémentarité entre grandes cultures et élevage ovin est exploitée au mieux : pâturage sur les couverts végétaux, compostage du fumier, zéro labour et semis directs. Les parcelles de pâturage sont intégrées dans la rotation des cultures et l’éleveuse utilise la technique du pâturage tournant pour optimiser la pousse de l’herbe. Après la naissance de son cinquième enfant, Odile Canon a profité de son congé parental de deux ans pour entamer sa reconversion et a débuté sur la ferme en tant que salariée. « Il a fallu que je trouve ma place, car mon mari travaillait là depuis près de huit ans et nous devions arriver à travailler en confiance », se rappelle l’éleveuse de 47 ans. « Ce n’était pas un choix par défaut, j’aimais bien mon travail précédent mais j’avais un projet et c’était la bonne période. »

Le magasin de producteurs fait partie de son projet d’installation

Même si tout n’a pas été facile les premiers temps et qu’elle a dû faire appel à une nourrice pour s’occuper de son dernier-né deux jours par semaine, Odile n’a pas perdu son objectif de vue. « Prendre part au projet de magasin de producteurs, c’était un vrai but, explique-t-elle. Pour le travail collectif d’abord, avec les autres agriculteurs et puis pour le contact avec la clientèle et garder un lien avec le monde. » Pour l’éleveuse, il est nécessaire et vital de communiquer avec le grand public, d’expliquer comment fonctionne l’élevage. « Nous faisons un métier noble, valorisant, nous nourrissons les gens. De là me vient cette envie de faire découvrir mon métier, de partager mon expérience. Et nous subissons souvent des critiques et des attaques, mais j’évite de verser dans la colère et je préfère expliquer ce que nous faisons. Les accusations qu’on nous porte sont très souvent le résultat d’une méconnaissance de notre travail. » Une demi-journée par semaine, Odile est de permanence sur le magasin de producteurs, moments privilégiés de partage et de discussions avec les clients. L’éleveuse organise régulièrement des portes ouvertes sur sa ferme et toute sa famille est mobilisée pour l’accueil des visiteurs. « Ma fille faisait faire un tour de tracteur aux enfants, ça a beaucoup plu et cela a montré qu’une fille pouvait conduire des engins agricoles, ordinairement plutôt attribués aux hommes. » Allier vie de famille et métier d’éleveuse n’est pas une difficulté majeure selon Odile Canon. La maison étant sur le site de la ferme, elle est plus disponible pour ses enfants et elle s’octroie des horaires plus souples. « Quand je travaillais à la chambre d’agriculture, les enfants devaient attendre à la garderie le soir, nous n’étions pas forcément disponibles pendant les vacances et les mercredis après-midi, donc il fallait les mettre au centre aéré. Maintenant l’organisation est plus simple mais il faut rester vigilant sur certains points. »

Bien séparer travail et vie de famille

En effet, il peut être plus dur de séparer travail et famille lorsque le bureau est à la maison et ne pas laisser la fatigue et le stress du travail retomber sur les relations familiales. « Par contre, on s’impose de prendre des vraies vacances régulièrement, de partir de la maison pour ne pas être tenté d’aller faire un tour sur la ferme. Et les enfants travaillent une semaine chaque été avec nous, ça me semble être une bonne expérience pour eux-mêmes si pour l’instant, aucun d’entre eux n’a révélé une passion pour ce métier. » Facilement acceptée dans le monde de l’élevage, elle ne s’est pour autant pas sentie immédiatement légitime de parler de son travail dans les réunions techniques : « n’étant pas issue du milieu agricole, je voulais d’abord faire mes preuves et montrer que mon élevage tourne bien. » Petit à petit, le cheptel a augmenté jusqu’à atteindre les 500 brebis aujourd’hui. « Je vends deux tiers des agneaux dans le magasin de producteurs et un tiers à la coopérative Ter’élevage. Je dois donc fournir six à huit agneaux par semaine », détaille l’éleveuse. Pour avoir des agneaux toute l’année, Odile a étalé les mises bas en quatre périodes de six semaines. Afin de tenir le rythme, elle fait appel à son mari pour partager les surveillances et s’appuie aussi sur l’aide des nombreux stagiaires qui passent par la ferme, ainsi que de l’apprenti en BTS et du salarié lors des gros chantiers de pesée et de tonte.

Une bergerie conçue pour atténuer la pénibilité du travail

Odile Canon essaye de se préserver au maximum en aménageant sa bergerie le plus ergonomiquement possible. « J’ai commencé l’élevage à 38 ans. J’ai pris soin d’alléger le plus possible la pénibilité du travail d’autant que je suis prédisposée aux problèmes de dos. » Odile a suivi une formation pour apprendre les bons gestes de manipulation pour ne pas se faire mal et ne pas faire mal aux brebis non plus. « Mon mari aura tendance à être plus dans la force, mais j’ai opté pour du matériel qui me soulage au quotidien. » À commencer par une cage de retournement pour le parage des onglons, l’installation de cornadis sur toute la longueur de la bergerie et un passage central surélevé, qui permet d’observer facilement toutes les brebis et l’investissement dans une dérouleuse. Le petit plus d’Odile, c’est sa brouette de distribution des concentrés. « Avant je transportais les seaux à la main, mais je n’aurais pas pu faire ça des années. » Elle a donc doté la bergerie de deux petits silos, amovibles si besoin avec la fourche du tracteur. L’éleveuse remplit directement la brouette sous le silo et celle-ci est munie d’une trappe sur le côté qui s’ouvre en actionnant une poignée. « Les fabricants de matériels agricoles sont de plus en plus sensibles à la réduction de la pénibilité au travail. Peut-être est-ce dû à l’augmentation de femmes chefs d’exploitation mais en tout cas, cette évolution est profitable à tout le monde. »

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