« Nous souhaitons faire connaître le mouton Boulonnais aux porteurs de projets »
Race emblématique du nord de la France, le mouton Boulonnais connaît une nouvelle dynamique dans la sélection génétique, en grande partie grâce à une poignée de passionnés et un établissement scolaire qui a su miser sur lui.
Race emblématique du nord de la France, le mouton Boulonnais connaît une nouvelle dynamique dans la sélection génétique, en grande partie grâce à une poignée de passionnés et un établissement scolaire qui a su miser sur lui.

« La Boulonnaise n’existe plus ! », peut-on lire dans un rapport de la Société d’étude et de recherche pour l’action écologique, daté de 1981, rédigé par Bernard Monnier. L’association Mouton Boulonnais a pourtant fêté ses 40 ans l’année dernière.
La race, fixée et reconnue en 1880, compte aujourd’hui autour de 3 000 reproducteurs (contre 170 000 dans les années 1920), principalement élevés dans les Hauts-de-France, région dont elle est originaire. Parmi la soixantaine d’éleveurs investis dans la sauvegarde de la race, seule une grosse demi-douzaine conduit la troupe comme un atelier principal de son exploitation et s’active autour de l’amélioration génétique du mouton Boulonnais, en suivant des critères zootechniques.
Nouvel élan pour la troupe ovine
À 20 kilomètres au sud-est de Lille (Nord), se niche l’Institut de Genech, impressionnant lycée agricole comptant des serres de maraîchage, des grandes cultures, une ferme équine, un troupeau de vaches laitières avec transformation à la ferme et une bergerie.

« Lorsque j’ai repris l’activité ovine, le tunnel menaçait de s’effondrer, les bâches étaient moisies [et ont fini par s’envoler en plein hiver] et le troupeau, quoique de bonne génétique, n’était pas correctement alimenté et ne disposait pas de suffisamment de place en bâtiment », se remémore Mathieu Gyselinckx, le responsable de l’exploitation agricole.
La direction du lycée souhaitait alors réduire au minimum l’effectif ovin, afin de ne garder que le nécessaire pour les actions pédagogiques. « J’ai une âme d’éleveur, j’aime le challenge, alors j’ai pris sur moi pour relancer la troupe ovine sur la bonne voie », explique-t-il. Il est rejoint dans l’aventure l’année suivante par Jean-François Beaumont. Échographiste, inséminateur, passionné des brebis, il sillonne la région et les élevages ovins et dispense les cours de travaux pratiques ovins aux étudiants de l’Institut de Genech et supervise la gestion de la reproduction et la sélection du troupeau.
Une ration unique pour tout le monde

La bergerie, flambant neuve, permet désormais d’accueillir les 80 brebis en sélection et le quai de distribution est pensé pour améliorer le confort de travail des salariés de la ferme et le temps d’astreinte quotidienne. « Le quai permet de passer avec la mélangeuse, nous distribuons une ration unique pour tout le monde, brebis, béliers, agneaux, agnelles, etc. » Simplification du travail, gain de temps, et les résultats parlent d’eux-mêmes. « Les brebis font du lait, elles parviennent parfaitement à nourrir leurs portées, qu’il y ait un, deux ou trois agneaux », apprécie Jean-François Beaumont.
La ration se compose d’enrubannage d’herbe, analysée tous les ans, complété de soja ou colza et d’orge autoproduite. Les agneaux ont également accès à l’aliment à volonté dès la naissance, fabriqué à façon à partir de 60 % de l’orge produite sur l’exploitation. Les brebis de l’Institut de Genech affichent une prolificité à 1,89, contre 1,46 pour la moyenne de la race. Elles sont conduites en semi-accéléré, avec six agnelages en cinq ans, avec un objectif d’atteindre cinq agnelages en quatre ans.
Agneaux et agnelles vendus comme reproducteurs
« La Boulonnaise désaisonne peu naturellement, nous avons recours aux éponges. Le désaisonnement est important pour notre système puisqu’il permet de lisser la production d’agneaux sur l’année et d’accélérer la vente de reproducteurs », argumente Mathieu Gyselinckx. En effet, depuis quelque temps, la quasi-totalité des agneaux de la troupe de Genech sont vendus pour la reproduction et prêts pour la lutte, à l’instar des agnelles. « Sauf cette année. Nous avons décidé de garder nos quarante-cinq agnelles pour augmenter le cheptel », poursuit-il.
Le troupeau est conduit en trois lots d’agnelage : en septembre avec des éponges et inséminations animales (IA), de mi-décembre à mi-janvier pour le plus gros de la troupe et en mars pour les agnelles et le rattrapage. « Nous aimerions mettre en place un quatrième lot en juin », détaille le responsable de l’élevage.
Faire connaître la race aux futurs éleveurs

« Avoir une conduite impeccable est doublement important pour nous, car le troupeau sert de support pédagogique pour les élèves, mais c’est aussi un moyen de faire connaître et apprécier la race à de potentiels futurs éleveurs », reprend le responsable de la ferme. « Le mouton Boulonnais pâtit d’une vieille image persistante auprès des éleveurs ovins d’ici et d’ailleurs, qui rigolent un peu quand on en parle… mais depuis que nos résultats zootechniques se font connaître, la race gagne aussi en crédibilité », sourit Jean-François Beaumont.
Les deux passionnés du Boulonnais se heurtent aujourd’hui à une problématique qu’ils n’auraient pas imaginée il y a quelques années. « Les index de nos brebis sont très élevés, avec 111 de prolificité et 110 de valeur laitière, si bien que nous ne trouvons pas couramment de bélier permettant d’améliorer la génétique, à moins d’utiliser nos propres béliers mais il y aurait un risque de consanguinité, à éviter absolument », pointe Jean-François Beaumont.
Vers la création d’un centre d’élevage ?
D’où l’importance de voir de nouveaux éleveurs qui feraient le choix de la race et professionnaliseraient la sélection. Les béliers sont collectés à Verdilly (Aisne), dans la station de l’organisme de sélection ovine du Nord (Oson), mais le créneau de collecte ne permettait que de faire des IA en paillettes congelées, avec des résultats qui n’étaient que rarement satisfaisants.
« Nous avons demandé à décaler les dates de prélèvements des béliers, nous allons pouvoir faire des IA en semence fraîche, ce qui simplifie aussi le travail », apprécie Jean-François Beaumont. « Nous aimerions bien mettre en place un centre d’élevage, pour rassembler les béliers, mais il faut arriver à motiver tout le monde pour avancer », souligne l’échographiste.
Une grande brebis maternelle, rustique et un peu têtue
« Le mouton Boulonnais est une vraie tondeuse, il n’a pas besoin de beaucoup pour s’entretenir et mange de tout », décrit Mathieu Gyselinckx. Le troupeau de l’Institut de Genech passe d’ailleurs tout l’été en écopâturage, dans un périmètre de 10 kilomètres autour de la ferme, puis les brebis enchaînent avec le pâturage hivernal des parcelles de l’exploitation.

« C’est une bonne marcheuse malgré son gabarit imposant [entre 80 et 100 kilos pour les brebis] qui rend sa manipulation sportive », reprend-il. Son fort instinct maternel, combiné à la facilité d’agnelage et à l’adoption facile permet une conduite simplifiée et moins de surveillance pour l’éleveur que pour d’autres races.
Du lait de qualité en quantité
Rustiques et bien conformées, les brebis Boulonnaises produisent du lait en qualité et quantité si bien qu’au sevrage, « c’est déjà arrivé que des agneaux soient prêts pour la boucherie », se satisfait le responsable d’exploitation.
Seuls bémols, le désaisonnement difficile et son caractère un peu marqué. « Ce sont des brebis têtues, si elles ne veulent pas, elles n’iront pas », assène Mohea Payet, une des étudiantes qui s’occupent du troupeau.
Partenaires
Association Mouton Boulonnais : Tél. 03 20 67 03 51 ; f.piedanna@enrx.fr
Groupe Institut de Genech : institutdegenech.fr ; de la 4e au Bac +3, collège - Lycée d’enseignement agricole professionnel - Lycée d’enseignement général et technologique STAV