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« Nos moutons sont en plein air quasi-intégral sur le plateau de Millevaches »

À Tarnac, en Corrèze, l’environnement de landes, de tourbières et de déprise agricole s’est imposé au modèle économique du Gaec Terras Comunas. Cet élevage met à profit la complémentarité de ces milieux pour produire, en plein air intégral, une viande d’agneau bio commercialisée en direct.

La rusticité de la race ovine limousine s’est naturellement imposée dans le modèle économique du Gaec Terra Comunas.
La rusticité de la race ovine limousine s’est naturellement imposée dans le modèle économique du Gaec Terra Comunas.
© F. Pigot/APAP

Terras comunas signifie Terres communes en occitan. C’est le nom que Léo Pauwels et Namik Bovet ont donné à leur Gaec quand, en 2019, ils se sont installés hors cadre familial à Tarnac, en Corrèze. D’emblée, ils ont choisi de se fondre à ce plateau de Millevaches qui les accueillait. Ils savaient qu’ils devraient s’adapter, faire avec ce que ce territoire leur proposait et ne pas courir après des chimères. Pas question, pour eux, d’y imposer un système qui ne soit pas en phase avec à la dureté de cet environnement de tourbières et de friches. « On a tout de suite vu les opportunités et les disponibilités du milieu », explique Léo Pauwels.

La race ovine limousine s’est naturellement imposée. Le cheptel compte 200 brebis. Sur les 130 hectares exploités par le Gaec, beaucoup de parcours de landes sèches et de zones humides pour seulement un quart de prairie. Une vingtaine d’hectares sont en propriété et le reste est une combinaison de baux ruraux (fermages, commodats, contrats de pâturage…). Des terres pauvres qui offrent toutefois 80 à 100 tonnes de foin, suffisamment pour apporter le complément hivernal des animaux.

Nous avons su tirer parti de l’environnement du plateau de Millevaches

 

 
Léo Pauwels, associé du Gaec Terra Comunas : « Cela fait sens pour nous de produire de l'agneau pastoral, qui valorise la ressource en herbe locale. »
Léo Pauwels, associé du Gaec Terra Comunas : « Cela fait sens pour nous de produire de l'agneau pastoral, qui valorise la ressource en herbe locale. » © F. Pigot/APAP

Une base enrichie par la diversité végétale de ces milieux autorisant un plein air qui serait intégral si un loup n’avait pas élu domicile sur le plateau de Millevaches durant un an et demi. « La prédation : un grand sujet pour l’élevage extensif dans un coin comme celui-ci, avec des bêtes dehors toute l’année », soupire Léo Pauwels en racontant que l’animal a finalement été abattu au printemps 2023, mais 150 bêtes y ont laissé leur peau. Pour cette raison, en période d’agnelage, les brebis du Gaec rentrent en bergerie, les protégeant de Canis lupus et des renards. Un patou et un âne veillent sur le troupeau des jeunes à l’extérieur toute l’année.

Une diversité fourragère qui permet le plein air

Ce mercredi de début février, à proximité des râteliers, les antenaises prenaient le soleil dans la partie prairie d’une vaste parcelle comprenant un espace de lande et de sous-bois. Déjà plusieurs semaines qu’ils occupent les lieux. Les feuilles se font rares sur les ronces et le foin a du succès même si les ressources ligneuses restent appétentes. Au milieu de la prairie, un îlot de genêt a été broyé pour rouvrir cette parcelle qui commence à se fermer. Léo Pauwels explique que les moutons peuvent brouter les jeunes genêts, mais pas ceux parvenus à maturité et qui, au bout de quelques années, finissent par sécher sur pied. Ailleurs, faute d’être mécanisable, cette parcelle n’a pas été pâturée durant plusieurs décennies.

 

 
La présence d’un loup a incité les éleveurs à investir dans un âne et un patou pour veiller sur le cheptel.
La présence d’un loup a incité les éleveurs à investir dans un âne et un patou pour veiller sur le cheptel. © F. Pigot/APAP

Le temps des genêts est dépassé. La diversité s’est plus largement installée. Une chance… L’éleveur explique que ses moutons s’en délectent et que c’est ce qui permet leur système extensif de plein air. C’est dans cette combinaison de fougères, de callunes, de genévriers, de myrtilliers, de bourdaines et d’une multitude d’autres variétés de différentes strates que le troupeau peut librement puiser ce qu’il lui faut. « Les ligneux sont bien installés et c’est vraiment intéressant », constate Léo Pauwels en indiquant qu’ils contiennent un tanin à effet antiparasitaire. C’est donc avec parcimonie que Léo Pauwels et Namik Bovet traitent leur cheptel, de façon ciblée. De plus, leur travail de sélection, les conduit à conserver les agnelles les plus résistantes et les mieux adaptées au milieu.

 

 
Les moutons savent se frayer un chemin à travers la fougère pour explorer toute la richesse des landes sèches.
Les moutons savent se frayer un chemin à travers la fougère pour explorer toute la richesse des landes sèches. © F. Pigot/APAP

En été, le cheptel profite de la pousse de la molinie sur les zones humides. Dans le cadre d’un groupement pastoral, une grande partie de l’élevage estive sur une tourbière corrézienne du Conservatoire d’espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine.

Une production de viande qui fait sens

Le modèle économique du Gaec ne pousse pas à la productivité. Un seul agnelage par brebis et par an. Le bélier est mis début septembre avec retour en octobre. Les agneaux ne sont pas castrés, sans incidence au niveau gustatif. De même, les brebis de réforme sont transformées en steak haché et en merguez, avec succès. Les antenais (es) vivent en plein air intégral.

 

 
Agneau en bergerie
Les brebis rentrent en bâtiment le temps de l'agnelage pour se protéger de la prédation du loup et des renards. © F. Pigot/APAP

C’est ainsi que le Gaec s’est engagé dans la Marque valeurs parc du plateau de Millevaches et dans les réflexions qui ont abouti à son cahier des charges. « La viande ce n’est pas seulement un produit régional, remarque Léo Pauwels. Qu’est-ce qui fait sens, ici ? Ce ne sont pas des agneaux de bergerie, mais des moutons qui se trouvent dans le milieu naturel toute l’année. Cet agneau pastoral a une croissance lente, il met un goût différent et apporte une plus-value gustative. » L’éleveur évoque des tests à l’aveugle réalisés auprès de jeunes bouchers. « Nos agneaux sont finis à l’herbe de printemps ou au regain. Deux tiers sont vendus à l’automne, les autres au printemps. Les plus petits sont reportés jusqu’en juin pour les laisser profiter des premières pousses d’herbe de l’année. »

Un débouché commercial très local

« Notre système de moyenne montagne, basé sur l’engraissement à l’herbe, ne nous permettait pas d’atteindre les conformités de carcasse voulues par les grandes filières », résume Léo Pauwels pour expliquer leur choix de commercialisation, en circuit court pour moitié. Un quart de la production est vendu via l’épicerie associative de Tarnac, où la viande peut être vendue fraîche ou surgelée.

 

 
Durant l’hiver, les graines de callune régalent les moutons.
Durant l’hiver, les graines de callune régalent les moutons. © F. Pigot/APAP

Le reste est vendu en direct, juste après l’abattage quand les agneaux sont prêts (7 à 10 mois minimum). Deux fois par an, les clients sont informés par le biais d’un site internet, des réseaux sociaux et de courriels. Ils peuvent ainsi réserver un agneau entier ou un demi-agneau. Le Gaec s’est équipé d’un caisson réfrigérant amovible pour proposer des livraisons sur Paris, Nantes et Rennes. Le prix au kilo est alors augmenté de 3,50 euros. Pour le local, il s’établit à 17 ou 18 euros selon si l’agneau est vendu entier ou par moitié. Selon le même principe, avec des colis 5 et 10 kg, le bœuf est proposé à 21 ou 22 €/kg, car l’exploitation compte aussi une trentaine de vaches Highland.

Choix de vie et reconversion professionnelle

 

 
Namik Bovet
Namik Bovet est sociologue de formation et s'est lancé dans l'élevage ovin via une première expérience associative. © F. Pigot/APAP

Brevet professionnel responsable d’entreprise agricole (BPREA) en poche, Namik Bovet et Léo Pauwels se sont installés hors cadre familial, mais ils ne partaient pas de rien. L’un et l’autre avaient exercé dans le milieu agricole au niveau associatif et comme salariés. Bien loin, toutefois, de leurs études initiales. Léo Pauwels a fait des études d’art et de cinéma tandis que Namik Bovet est sociologue de formation. Leur choix de vie les a amenés à se poser en Corrèze à la limite de la Creuse et de la Haute-Vienne. L’absence de pression foncière les a incités à investir dans des terres et d’acheter quelques bêtes jusqu’à ce que cette activité agricole devienne un plein-temps.

Peu de charges d’exploitation

Peu de fermages, pas d’achat d’aliment, l’exploitation est peu gourmande. C’est ce que souligne Namik Bovet en annonçant 30 000 euros de vente auxquels son associé ajoute les aides PAC [politique agricole commune] qui représentent environ 60 % du revenu de l’exploitation. Suffisamment pour rembourser les emprunts d’installation et envisager l’avenir avec sérénité. Pour 2025, le Gaec prévoit une troisième installation avec la création d’un atelier de chevaux de race Auvergne et un passage à 250 brebis avec l’objectif d’être le moins possible dépendant des primes.

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