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Le loup double le temps de travail et triple les charges en élevage ovin

À la ferme expérimentale ovine de Carmejane (Alpes-de-Haute-Provence), les équipes ont chiffré les conséquences de la mise en place des moyens de protection contre le loup sur le travail. Les résultats sont sans appel.

Au Sommet de l’élevage, la salle de conférences est pleine à craquer. Beaucoup de jeunes apprenants et de professionnels sont venus assister à la présentation sur les conséquences de la mise en place des mesures de protection contre le loup sur le travail et les performances d’un élevage ovin. « Les premières attaques de loup sur le troupeau dans les parcelles à proximité de la ferme de Carmejane datent de 2015, décrit Pierre-Guillaume Grisot, de l’Institut de l’élevage et en charge des expérimentations sur la ferme. La prédation a des conséquences aussi bien sur la valorisation des parcours, la conduite et les performances du troupeau, les conditions et le temps de travail et sur les résultats économiques de l’exploitation. »

Les parcours abandonnés tous les automnes

L’étude compare les données des campagnes 2013 et 2014 (avant la prédation) à celles des campagnes 2018, 2019 et 2020 (avec la prédation). Avant l’arrivée du loup, les 500 ha parcours boisés représentent jusqu’à un quart de la ressource alimentaire annuelle du troupeau. La mise en place des chiens de protection complique la situation, notamment avec des confrontations entre ceux-ci et les chiens de chasse durant la saison de la chasse. « Si bien que désormais nous délaissons tous nos parcours à l’automne, cela implique une diminution de la valorisation des parcours de plus de 30 % », explique Pierre-Guillaume Grisot.

D’autre part la gestion de la reproduction a dû être revue. En effet, la conduite en lots, sur des parcelles parfois éloignées de l’exploitation ne correspond plus aux exigences de la protection contre la prédation. « Nous n’avons plus qu’un seul lot, gardé par un berger et regroupé en parc de nuit durant la lutte », poursuit-il. Les équipes notent alors une baisse significative de la fertilité (-0,05) et de la prolificité (-0,2).

Un temps de travail presque doublé

Au niveau du temps de travail, la comparaison avant/après prédation est sans appel. « Le temps de travail lié à l’utilisation des parcours et des prairies a quasiment doublé entre 2013/2014 et 2018/2019/2020, appuie l’ingénieur agronome. Nous passons ainsi de 490 heures à 920 heures de travail par an et cela sans compter les heures de travail du berger salarié. » Rien que le temps dédié aux chiens de protection, entre soins et alimentation, est de 242 heures par an.

Toutes ces constatations convergent vers une même conclusion : outre les dépenses directes pour la mise en place des mesures de protection, celles-ci induisent des coûts indirects pour les éleveurs. En prenant en compte le temps de travail supplémentaire des salariés et l’embauche du berger, les chiens de protection, le surcoût de déplacement et le matériel, le bilan est mauvais. « On passe d’un bilan économique avant la prédation avec des charges inférieures à 14 000 euros à quasiment 48 000 euros pour ces cinq postes de dépenses », alerte Pierre-Guillaume Grisot. En conclusion, l’ingénieur de l’Institut de l’élevage insiste sur le fait que désormais « les décisions concernant la conduite du troupeau reposent en priorité sur la protection des animaux, puis, dans un second temps, sur la recherche de bon niveau de performances techniques et sur les conditions de travail de l’équipe de la ferme."

« Le travail réalisé à Carmejane apporte des arguments techniques et économiques dans le débat autour de la prédation, soutient Claude Font, en charge du dossier loup à la FNO. Cette étude se doit d’être diffusée et prise en compte dans le prochain plan national d’actions loup. »

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