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Les races ovines locales, aux origines du pastoralisme

La semaine européenne des races locales des massifs, s’est tenue dans les Alpes-de-Haute-Provence du 24 au 28 septembre. L’évènement crée un lieu privilégié de partages d’expériences et de connaissances entre éleveurs, chercheurs, techniciens, avec comme trame de fond, les enjeux, forces et obstacles rencontrées par le pastoralisme.

La quatrième édition de la semaine européenne des races locales des massifs (Seram 4) organisée par le collectif des races locales des massifs (Coram) a eu lieu du 24 au 28 septembre. Le théâtre choisi pour ces rencontres tant attendues par les représentants des races locales était Barcelonnette, au cœur de la vallée de l’Ubaye, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Ce haut lieu de la transhumance a donc vu se succéder plus d’une vingtaine de conférences et de témoignages d’éleveurs, assortis d’un programme proposant huit visites d’exploitations dans les Alpes françaises et de deux exploitations dans le piémont italien. La Seram 4 a profité de la foire agricole de Barcelonnette pour clôturer cette édition tournée vers le pastoralisme alpin. Les 210 participants sont venus de tous les massifs français, mais également d’Italie, d’Espagne, du Portugal ou encore d’Andorre.

500 000 ovins adaptés au pastoralisme

Dans la région Sud, on compte environ 500 000 ovins représentants les trois races locales que sont les Mérinos d’Arles (300 000 têtes), les Préalpes du Sud (150 000) et les Mourerous (50 000). Ces trois races sont intrinsèquement liées au pastoralisme transhumant, système le plus répandu sur ce territoire du sud des Alpes. Formée de profondes vallées et de hauts sommets déchiquetés, cette région, chargée d’une histoire ovine forte, est toujours marquée par le passage des bergers et de leurs troupeaux. « Nous avons des races ovines, bovines et caprines adaptées au pastoralisme très cher à notre région, qui donnent une qualité aux produits issus de nos montagnes », pose Dominique Gueytte, président de la Maison régionale de l’élevage. Il introduit notamment la question du partage de l’espace, entre activités d’élevage et tourisme. Pour que chacun y trouve son compte et pour faire découvrir aux randonneurs la richesse de l’élevage ovin local, la Maison de la transhumance a réhabilité les drailles qu’empruntaient les troupeaux à partir d’Arles, dans les Bouches-du-Rhône jusque dans le piémont italien, d’où étaient originaires la plupart des bergers embauchés à l’époque. « Le GR69, ou Routo, de l’ancien nom en occitan, a pour vocation d’ouvrir ces territoires au tourisme en faisant profiter les acteurs économiques locaux, développe Claire Dallemagne, en charge du développement de la Routo à la Maison de la transhumance. Ainsi, les magasins de produits d’alpage, les refuges, les auberges et les estives sont mis en lumière tout au long de ce parcours de près de 540 km de long. »

Valoriser les produits de la transhumance

Nicolas Reynaud fait paître ses 900 Mourérous dans le vallon de Laverq, sur l’itinéraire de cette « fresque vivante du pastoralisme » qu’est la Routo. Pendant quatre mois, de début juin à début octobre, ses brebis sont en estive et le reste de l’année, elles le passent sur les parcours de collines autour de l’exploitation, vers Digne-les-Bains. Nicolas Reynaud produit des agneaux d’herbe, ou tardons, qui restent avec leur mère durant l’estive et sont donc finis à l’herbe. « Les croissances sont plus hétérogènes, mais dans l’ensemble on s’y retrouve. Et l’économie faite sur le concentré est importante », appuie l’éleveur. La Maison de la transhumance aimerait que cette production typique de la région soit davantage connue et pourrait être mise en valeur auprès des randonneurs ou via un évènement commercial.

Cependant, les paysages façonnés par le pastoralisme sont en danger, gagnés petit à petit par la forêt. « Avec moins d’éleveurs, des troupeaux plus concentrés qu’autrefois, on a du mal à tout faire pâturer, explique Jean-Pierre, éleveur et berger au col de la Bonnette. Sans compter que certaines zones sont carrément délaissées à cause de la pression de la prédation. » Et les forêts jeunes, très denses et buissonnantes, avec peu d’herbe au sol, sont impossibles à faire pâturer.

Le sylvopastoralisme, une ressource face aux aléas climatiques

Dans les forêts plus anciennes, la pratique du sylvopastoralisme est bien ancrée, surtout dans la région Sud et Occitanie. Pour Olivier Bonnet, du Cerpam, le pastoralisme en forêt relève de nombreux défis : « les sous-bois préservent la ressource en herbe des grosses chaleurs, de la sécheresse mais également du gel puisque la température descend rarement en dessous de zéro. Le pastoralisme va également rendre un service écologique et de défense contre les mégafeux, en débroussaillant et maintenant ouvert des milieux. » En région Sud, ce ne sont pas moins de 30 000 ha qui sont en stratégie DFCI (défense des forêts contre les incendies). « Le pâturage diffus, en parcours, permet de ralentir la progression d’un feu ou d’un départ d’incendie », rappelle le coordonnateur scientifique. Néanmoins, cette pratique se heurte à certaines difficultés telles que les différents types de propriétés (privée ou publique) des espaces boisés, ainsi que des gestions de la ressource en bois. « Pour l’éleveur ou le berger, ce n’est pas toujours simple de respecter les espaces de régénération des végétaux et de la biodiversité, reprend Olivier Bonnet. On observe également la tentation de « naturalité » chez certains propriétaires, qui ne veulent pas d’activité d’élevage et laisser libre cours à la nature. »

Rendez-vous dans deux ans dans les Pyrénées

Florent Campello, président du Coram et éleveur de vaches vosgiennes, cette quatrième édition de la Seram est une réussite : « Cette semaine est avant tout une tranche de vie du Coram, un rassemblement convivial et un partage d’expériences. Les problématiques rencontrées par les acteurs des massifs sont les mêmes dans les cinq massifs de France. Nos décideurs politiques ont besoin de se rendre compte que les races locales sont l’avenir de l’élevage français et entretiennent le poumon vert de la France. »

Chacun rapporte chez soi les éléments de réflexion, des visions nouvelles du pastoralisme, des pratiques innovantes, et tentera ou non de les transposer à son propre territoire, ses propres enjeux et obstacles.

Rendez-vous dans deux ans, où les équipes de la Gasconne des Pyrénées accueilleront la Seram 5 dans le massif éponyme.

Alpages sentinelle : les conséquences du changement climatique en altitude

Le dispositif Alpages sentinelle, coordonné par l'Inrae et le Cerpam en région Sud, vise à analyser les évolutions climatiques sur les alpages, en comprendre les conséquences sur la végétation et trouver des marges de manœuvre et des pistes d’adaptation pour les systèmes pastoraux. Marie Gontier, ingénieure pastoraliste au Cerpam, développe : « nous avons observé une trentaine d’alpages dans l’ensemble du massif alpin français. Ce projet, initié en 2007, permet d’avoir une vision globale de l’évolution climatique de ces zones sensibles. Alpages sentinelle nous permet d’avoir des références sur la végétation des alpages, données dont nous étions pauvres jusqu’alors ». Eleveurs, bergers et techniciens d’alpage alertent notamment sur le développement invasif du nard raide (Nardus Stricta), une mauvaise herbe qui n’est pas consommée par les brebis et qui concurrence et étouffe les autres végétaux.

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