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La paille pèse de plus en plus lourd sur les élevages ovins

La charge du poste paille a augmenté de cinq points sur les dix dernières années, principalement à cause de l’augmentation du prix de cette ressource. Analyse des données du dispositif Inosys Réseaux d’élevage.

Le poste achat de paille, préoccupation montante dans les élevages ovins, ne cesse de s’alourdir. « Ce sujet suscite de plus en plus d’attention, souligne Emmanuel Morin de l’Institut de l’élevage, notamment suite à la sécheresse de 2022, qui a entraîné une nette hausse des prix. » Une étude conjointe de l’Institut de l’élevage et des chambres d’agriculture, fondée sur le suivi de plus de 200 élevages ovins du réseau Inosys, a permis de retracer l’évolution de la consommation et de l’autonomie en paille des exploitations.

Plus de 65 % des élevages sont dépendants des achats de paille

L’autonomie moyenne en paille, définie comme le ratio paille récoltée/paille utilisée, des élevages ovins était d’environ 50 % sur la période 2016-2020. « Ce chiffre masque une grande diversité de situations, précise Emmanuel Morin. Par exemple, les élevages laitiers du bassin Nord Occitanie ont une période en bergerie de trois à cinq mois, ce qui nécessite des besoins importants de paille, autour d’une tonne par unité de gros bétail [UGB], majoritairement produite sur l’exploitation. À l’inverse, les éleveurs des Pyrénées-Atlantiques ont un besoin de paille plus limité, du fait de l’importance de la période de pâturage. Mais ils sont très souvent contraints de l’acheter car leur surface est destinée essentiellement à la production de fourrages. Ces derniers sont donc plus directement impactés par l’augmentation du prix de la paille. » De même, le différentiel de coût avoisine 50 % entre les zones de plaine et de montagne. Par ailleurs, le développement de nouveaux débouchés pour la paille rend son accès plus concurrentiel. Enfouissement pour maintenir le taux de matière organique, isolants biosourcés, combustible, ressource pour la méthanisation et même support pour la culture de champignons, la paille est devenue un matériau recherché.

Moins de 2 % des charges courantes

Sur la seule période 2016-2020, le prix de la paille a progressé de près de 30 %, atteignant en moyenne, toutes modalités d’achat confondues, 74 euros par tonne en 2020. Néanmoins, ramené à l’ensemble des charges courantes, le poste litière représente moins de 1 % des charges courantes en élevage ovin viande et 1,7 % en élevage ovin laitier. En 2021, en moyenne sur les élevages du réseau Inosys, le coût de la litière s’élevait à 3,40 euros par UGB, soit respectivement 0,10 euro par kilo de carcasse et 18,60 euros pour 1 000 litres de lait produit.

Réduire sa dépendance à la paille

L’autonomie en paille est recherchée par tous les éleveurs ovins, mais les leviers et les marges de manœuvre sont très différents d’une exploitation à une autre.

Réduire le besoin en paille est souvent la première piste explorée pour diminuer le coût du poste litière. L’accroissement du temps passé en pâturage est sans doute la méthode la plus simple pour atteindre cet objectif. L’augmentation de la surface en céréales est une stratégie efficace pour renforcer son autonomie en paille. Toutefois, cela se traduit souvent par une réduction de l’autonomie en fourrage. Certains éleveurs ovins, notamment des laitiers des Pyrénées-Atlantiques, optent pour des bergeries sur caillebotis. Enfin, la piste des alternatives à la paille peut être intéressante en fonction du contexte.

Le coût, les intérêts et les limites de ces alternatives ne sont pas toujours faciles à évaluer. Voici quelques clefs pour mieux comprendre les caractéristiques de chacune d’entre elles :

Sous-produits du bois

La paille de jonc ou de roseau présente un niveau d'absorption comparable à la paille de céréales et permettent de valoriser une ressource autrement vu comme une ...
La paille de jonc ou de roseau présente un niveau d'absorption comparable à la paille de céréales et permettent de valoriser une ressource autrement vu comme une contrainte. © B. Morel
Souvent utilisés en sous-couche, les sous-produits du bois (plaquettes, sciure, copeaux) ont un pouvoir d’absorption intéressant. Les contraintes liées au stockage (volume important et séchage) freinent certains éleveurs. Les plaquettes, si elles sont produites sur la ferme, sont moins chères.

Autres pailles et substrats végétaux

La paille de jonc ou de roseau présente un niveau d'absorption comparable à la paille de céréales et permettent de valoriser une ressource autrement vu comme une ...
La paille de jonc ou de roseau présente un niveau d'absorption comparable à la paille de céréales et permettent de valoriser une ressource autrement vu comme une contrainte. © B. Morel
Colza, menue paille, maïs, balle de riz, miscanthus, fougère, jonc ont des propriétés et des modalités d’utilisation en litière très variables. Toutefois, il peut être envisagé, au cas par cas, d’opter pour ces ressources, notamment si elles sont déjà présentes sur l’exploitation.

Journaux recyclés, chanvre en poudre, anas de lin

Recycler d’anciens journaux en tant que litière constitue une solution de recyclage pertinente. Cependant, sa disponibilité est faible. Seul un contexte géographique particulier peut orienter vers cette option. Le prix élevé du chanvre et de l’anas de lin en fait des substrats peu souvent utilisés malgré leurs qualités.

Substrats inorganiques : dolomie et sable

La dolomie a des propriétés intéressantes : elle a un fort pouvoir d’absorption et est riche en magnésie et en calcium, oligoéléments que l’on retrouvera dans les sols après épandage de la litière. Le sable peut lui aussi être utilisé en litière. Il a pour avantage de ne pas générer de poussière. En revanche, ce sont des matériaux plus chers que la paille et non renouvelables.

Jérôme Piton, éleveur d’ovins allaitants à Chaudron-en-Mauges (Maine-et-Loire)

Remplacer la paille de céréales par la paille de colza

Jérôme Piton, éleveur d’ovins allaitants à Chaudron-en-Mauges (Maine-et-Loire)
Jérôme Piton, éleveur d’ovins allaitants à Chaudron-en-Mauges (Maine-et-Loire) © DR
« Depuis environ cinq ans, j’utilise de la paille de colza comme litière, ce qui me permet de vendre une quantité équivalente de paille de céréales. La paille de colza est riche en potasse, un nutriment dont la plupart de mes sols ont besoin. Une paille de colza bien séchée vaut de la paille de blé et j’en suis satisfait. Quelques ajustements sont nécessaires pour obtenir une paille de colza de qualité. Il est recommandé de laisser sécher la paille pendant quatre à cinq jours, voire plus si nécessaire, avant de la presser. Les grosses balles nécessitent davantage de filets que la paille classique et il faut les rentrer plus rapidement car l’eau pénètre facilement dans la botte. Après avoir répandu une sous-couche initiale, je paille ensuite tous les deux jours. Avec une pailleuse, la paille de colza se comporte comme celle de céréale, mais en cas de paillage manuel la tenue est moins bonne car les brins sont plus courts. Grâce à cette méthode, j’économise environ 40 tonnes de paille de céréales par an, que je peux vendre à un tarif de 50 euros par tonne. »

CÔTÉ ÉCO

Le poste paille dans l’élevage ovin moyen

● Consommation de paille : 1 t/UGB en ovin lait ; 0,64 t/UGB en ovin viande

 Coût par UGB : 27,60 €/UGB en ovin lait ; 9,70 €/UGB en ovin viande

Coût par produit : 18,60 €/1 000 litres de lait ou 0,10 €/kilo de carcasse

Pourcentage des charges courantes : 1,7 % en ovin lait ; 0,9 % en ovin viande

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