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Communication
Ils racontent leur métier d’éleveurs ovins sur YouTube

Guillaume et Jérémi ont pris le parti de partager leur quotidien sur YouTube en espérant que leur métier et leurs pratiques soient enfin mieux compris. Même s’ils touchent d’abord leurs pairs.

Enfant, j’étais un grand timide. Jamais, je n’aurais pensé me mettre en scène à 30 ans dans des vidéos », dévoile Guillaume Redon, éleveur en Haute-Loire avec un cheptel de 500 Blanches du Massif central. « Au début, on a une certaine gêne à se filmer », ajoute Jérémi Jaoul, dans l’Aveyron, qui élève 400 Romanes. Tous deux ont en commun d’être des Agri-youtubeurs aguerris. Pas des bateleurs à l’ego surdimensionné qui divertissent le public avec plus ou moins de bon goût. Non, tous deux n’ont d’autre ambition que de faire mieux connaître leur métier d’éleveur ovin viande en se filmant dans leurs activités quotidiennes. Guillaume, qui s’est lancé il y a un peu plus d’un an, poste une vidéo tous les dimanches soir et des compléments en cours de semaine (il était à plus de 100 vidéos début mai) et totalise près de 14 000 abonnés à sa chaîne YouTube (Guillaume éleveur de brebis). Jérémi en a mis une cinquantaine en ligne depuis qu’il a démarré sa chaîne (Jeremi J) il y a plus de deux ans et a dépassé les 5 000 abonnés. Aucun d’eux n’était féru de réseaux sociaux ni n’avait de compétences particulières en montage vidéo avant de se lancer. Mais, tous deux en avaient assez des discours simplificateurs et des documentaires à charge sur l’élevage. « Dans les réunions professionnelles, on parlait beaucoup de la nécessité de reprendre la main sur la communication, raconte Guillaume. Mais, personne ne le faisait. Alors je me suis dit : il faut se lancer, personne ne le fera à ma place. »

« Je parle du pourquoi du comment »

Le choix des sujets ? « Il n’y a aucun plan. C’est selon mes activités. Je suis parti dans l’optique d’expliquer le déroulé de la semaine. C’est filmé à l’improvisation. Je parle du pourquoi du comment », raconte Guillaume. De la pose de clôture à l’épandage du fumier. De la tonte des brebis à la mise à la lutte… Le jeune éleveur dévoile sans filtre son quotidien dans des vidéos hebdomadaires plutôt longues (de 10 à 30 minutes), mais jamais ennuyeuses, entrecoupées de vidéos plus courtes sur un point particulier ou tout simplement pour offrir quelques images bucoliques pendant le confinement. Un ton à la fois professionnel pour intéresser ses pairs et pédagogue à l’égard des non initiés. « Je veux montrer que notre métier est technique, que nous utilisons des technologies qui nous permettent d’être plus précis, pour l’épandage des engrais par exemple, et que l’agriculture a évolué », explique l’éleveur altiligérien.

« Apporter du contenu intéressant pour le public ciblé »

Jérémi s’est davantage cantonné sur le public professionnel avec des vidéos un peu plus courtes ciblées sur des aspects techniques (cure de magnésium, suivi du pâturage, conseils pour une coprologie réussie…). « Sur YouTube, quand on regarde une vidéo, il faut en tirer de la valeur, apprendre quelque chose. La difficulté, c’est d’arriver à apporter du contenu d’intéressant pour le public ciblé. J’ai du mal à amener de la valeur à un citadin que je ne comprends pas. J’essaye d’augmenter le temps de visionnage plutôt que de chercher à faire le maximum de “vus”. On touche moins de monde mais les gens s’impliquent davantage. Le machinisme agricole marche très bien, surtout auprès d’un public très jeune, alors que les vidéos techniques et ciblées élevage intéressent davantage des gens plus âgés. Je me sers du machinisme pour sensibiliser les personnes à l’agronomie, l’économie… » Il évite aussi de susciter des « embrouilles » sur les réseaux sociaux avec des sujets polémiques : « Je fais attention à ne pas prendre de risque pour l’exploitation ».

Donner envie à des jeunes de s’installer

Tous deux affirment avoir de bons retours. Surtout de la part d’autres agriculteurs. Majoritairement des jeunes qui prennent le temps de visionner les vidéos. Celles de Guillaume, plutôt longues, sont regardées en moyenne à 50 % de leur durée, ce qui est un bon score. Elles sont vues dans plusieurs pays francophones et suscitent commentaires, questions techniques, demandes de conseil et échanges sur de nouvelles pratiques… « Ça permet de créer de nouveaux contacts et de faire autre chose que son travail d’éleveur, apprécie Guillaume. On s’est rencontrés avec d’autres Youtubeurs agricoles. Les agriculteurs apprécient que le métier soit expliqué. J’encourage tout éleveur qui en a envie à le faire. » Guillaume est très fier aussi d’avoir réussi à intéresser des jeunes à l’élevage ovin : « C’était aussi mon but au départ : faire découvrir à des jeunes la production ovine, méconnue et peu enseignée dans les lycées agricoles. J’ai eu des commentaires de jeunes qui ont envie de faire de l’élevage ovin après avoir vu mes vidéos. » Largement de quoi ne pas regretter les quatre heures par semaine qu’il consacre à son activité de Youtubeur.

Être efficace pour ne pas y passer trop de temps

Jérémi comme Guillaume n’étaient donc pas des acharnés des réseaux sociaux ni des pros du montage vidéo. « J’ai appris sur le tas, en regardant beaucoup de tutoriels », explique Guillaume. Pour filmer, il utilise deux caméras GoPro et un drone pour des vues aériennes. Une caméra est en poste fixe et l’autre sur une poignée aimantée, soit tenue à la main soit fixée sur un support métallique. Les prises de vues sont improvisées mais le montage prend par contre pas mal de temps : deux bonnes heures pour une vidéo de 20 minutes. Le montage est effectué sur ordinateur avec le logiciel professionnel Adobe Premiere. Au total, l’éleveur y consacre quatre heures par semaine. « Quand ça plaît, on trouve le temps. » Cela comprend le temps passé sur les autres réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) pour informer de la sortie de ses nouvelles vidéos. « S’il n’y a pas de promotion, ça ne décolle pas. » Après avoir créé son logo, il a eu aussi quelques demandes pour des produits dérivés (vêtements, mug, autocollant). Ils sont imprimés à la demande, qui est très faible, et sous-traités à un prestataire. Jérémi travaille différemment. Il filme et effectue le montage avec son smartphone. « Pour gagner du temps, il faut être efficace sur la réalisation, avoir un schéma narratif et faire le moins possible de prises de vues pour faciliter le montage. Pour se motiver à publier régulièrement, il faut que ce soit le plus simple possible à réaliser », conseille-t-il. Il consacre environ une heure et demie à deux heures pour réaliser et publier une vidéo sur YouTube.

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