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« Faire entrer la génétique ovine dans les élevages »

Jean-Paul Rault est éleveur de moutons vendéens et président de France génétique élevage. Pour lui, la génétique est le meilleur moyen pour améliorer la production ovine mais encore faut-il vouloir se lancer.

Jean-Paul Rault, président de France génétique élevage et sélectionneur en mouton vendéen en Vendée.
Jean-Paul Rault, président de France génétique élevage et sélectionneur en mouton vendéen en Vendée.
© D. Hardy

Quelle est la situation de la génétique ovine aujourd’hui en France ?

Jean-Paul Rault - Les éleveurs ovins français n’ont pas tous la mesure de l’importance de la sélection dans les élevages. On observe encore aujourd’hui que plus de la moitié des béliers ne sont pas connus dans les fermes. Forts de cette constatation, nous devons nous remettre en question au niveau national, savoir pourquoi les éleveurs ne s’intéressent pas tous à un levier pourtant essentiel de l’amélioration des troupeaux et des races. En production ovin lait, les éleveurs sont bien plus avancés en matière de génétique et j’en ai entendu dire à plusieurs reprises « La génétique, c’est le cœur du réacteur ». Pourquoi en allaitant l’engouement est moindre, c’est la question !

Comment les éleveurs perçoivent-ils la sélection ?

J.-P. R. - On peut dresser un tableau grossier de l’approche qu’ont les éleveurs de la sélection. Il y a d’une part les utilisateurs, qui peuvent ou non acheter de la génétique, il y a les éleveurs qui s’y intéressent, qui font du contrôle de performance et qui pourraient devenir sélectionneurs. Et enfin, il y a ceux pour qui la génétique est à part de l’élevage, une matière obscure qui paraît onéreuse. À ce sujet, je dirais que les aides pour les zones difficiles desservent beaucoup la génétique. En effet, pourquoi s’embêter à acheter des reproducteurs de qualité quand les aides vont permettre à un éleveur de vivre ? En zone de plaine, la sélection est plus efficace car le besoin de produire beaucoup d’agneaux de qualité est plus omniprésent.

Quels arguments soulevez-vous pour convaincre un éleveur d’acheter des béliers indexés ?

J.-P. R. - Acheter un bélier de qualité génétique connue et reconnue, c’est se simplifier la vie au quotidien. Avec un bélier à agnelles, on va gagner en vitalité des agneaux, en production laitière, donc avec moins de mortinatalités, moins d’hétérogénéité dans les croissances et une croissance plus rapide, donc moins coûteuse. Sans compter que tout simplement, un bélier à agnelles va apporter de la prolificité et que plus on produit d’agneaux sous des mères bonnes laitières, plus on gagne d’argent.
Pour qu’un jeune s’installe, il faut lui prouver qu’une production est rentable. C’est la même chose pour la génétique, il faut simplement prouver que ce n’est pas une charge mais un investissement dont le retour peut s’avérer très rapide.
Dans ce cas précis, je dirais qu’il n’est pas nécessaire d’être passionné par la génétique, mais convaincu par les bénéfices qu’elle peut apporter dans le troupeau.

Et pour se lancer dans la sélection ?

J.-P. R. – Dans ce cas-là, mieux vaut être passionné car la génétique demande de l’organisation. Il y a beaucoup d’enregistrements à effectuer avec le contrôle de performance, les naissances, la filiation, etc. La génétique n’est pas aussi rémunératrice que la production de viande aujourd’hui. Avec des agnelles vendues autour de 160 à 180 euros à 34 kg vif, en parlant strictement d’argent, cela ne vaut pas le coup en comparaison de la cotation de l’agneau qui s’est envolée ces dernières années. En revanche, si on prend un peu de recul, qu’on réfléchit à moyen ou long terme, le sélectionneur a tout à gagner. Il va améliorer son troupeau et donc avoir tous les avantages de l’utilisateur. Le revenu généré par la vente de reproducteurs reste néanmoins constant. Ma demande serait d’indexer le prix des reproducteurs sur le cours de l’agneau, mais nous n’en sommes pas là pour l’instant.

Vers quelle stratégie s’oriente la sélection génétique française pour se développer ?

J.-P. R. - Communiquer, communiquer et encore communiquer. C’est le nerf de la guerre pour faire entrer la génétique plus avant dans les élevages. Il faut pouvoir expliquer en quoi avoir recours à des animaux de haute qualité génétique va avoir un impact positif sur le porte-monnaie de l’éleveur.
Tout comme nous continuons d’inciter à utiliser l’insémination artificielle, car malgré le pourcentage de réussite assez faible qui peut freiner les éleveurs, cela reste le meilleur moyen pour gagner en progrès génétique. C’est vraiment le fleuron de la génétique ovine que l’on retrouve en insémination artificielle. Et cette pratique permet de grouper les agnelages sur trois ou quatre jours, ce qui limite les risques à la naissance et améliore nettement les résultats par rapport à un agnelage étendu.

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