Aller au contenu principal

« Nous n’avons introduit qu’une seule espèce de mildiou en Europe »

Alors qu’il existe en Amérique pas moins de cinq espèces de mildiou sur la vigne, des travaux de l’Inrae montrent que l’Europe n’en a importé qu’une seule. Il faut donc rester prudent pour ne pas en introduire d’autres.

Plasmopora viticola, l’agent responsable du mildiou de la vigne, provoque de nombreuses épidémies dans les vignobles français, causant d’importantes pertes pour les viticulteurs. Et si l’on sait depuis longtemps qu’il est originaire d’Amérique du Nord, on ne savait presque rien sur le processus de sa propagation en Europe, puis à travers le monde. L’Inrae, en collaboration avec l’université Paris-Saclay et le CNRS, a travaillé pour comprendre comment le pathogène a envahi l’Europe et notamment quelles espèces y ont été introduites.

« Nos travaux publiés en 2013 ont montré qu’il y a en Amérique du Nord cinq espèces de Plasmopora viticola sur les vignes sauvages, explique François Delmotte, chercheur à l’Inrae de Bordeaux. Deux espèces de mildiou sont très spécialisées sur leur plante hôte, comme celle attaquant la vigne vierge ou celle attaquant la vigne des rivages (Vitis riparia). Les trois autres sont plus polyphages et parasitent des espèces comme Vitis aestivalis, Vitis labrusca, Vitis vulpina ou Vitis muscadinia. Ces trois espèces sont également capables d’attaquer les cépages européens Vitis vinifera. »

Des marqueurs génétiques pour comparer les populations

Les chercheurs ont utilisé la génétique des populations pour savoir quelle espèce de mildiou est à l’origine de l’invasion de l’Europe. Ils ont notamment comparé les populations de mildiou grâce à des marqueurs moléculaires mis au point par l’Inrae. Les travaux ont montré que la première introduction du mildiou en Europe, constatée en 1878 en Gironde, s’est faite à partir d’une seule espèce de mildiou : celle infectant la vigne sauvage Vitis aestivalis.

L’introduction du pathogène a probablement eu lieu lors de l’importation de vignes américaines sauvages pour lutter contre l’oïdium et le phylloxéra, eux-mêmes introduits un peu plus tôt par les botanistes s’intéressant aux espèces sauvages de Vitis d’Amérique du Nord pour leurs qualités ornementales.

« À partir du 19e siècle, les vignobles modernes qui se sont créés à travers le monde ont pris la France comme modèle, rappelle François Delmotte. Le pays a non seulement exporté ses porte-greffes résistants au phylloxéra, mais aussi ses cépages emblématiques tels que le cabernet, le merlot, le chardonnay, la syrah… » Le mildiou de la vigne s’est alors répandu dans le monde, en Asie, Afrique du Sud, Australie, Amérique du Sud.

Assurer la durabilité des résistances

« Le fait qu’il n’y ait qu’une seule espèce de mildiou en Europe est une bonne nouvelle, souligne François Delmotte. Aux États-Unis, d’autres espèces attaquent les cépages européens. La réglementation sur le transport international du matériel végétal est donc essentielle pour éviter que d’autres espèces du mildiou ne soient introduites dans nos vignobles. »

Ces nouvelles connaissances ont aussi des conséquences pour la gestion durable des résistances de la vigne. Dans le cadre du programme ResDur, dont l’objectif est de développer une gamme de variétés durablement résistantes au mildiou et à l’oïdium et adaptées aux grands bassins viticoles français, quatre variétés ont déjà été inscrites en 2018 (artaban, floreal, vidoc, voltis) et une vingtaine d’autres est attendue d’ici 2025.

« Or ces résistances reposent sur l’utilisation de gènes de résistance issus d’espèces sauvages de vigne américaines, précise François Delmotte. La durabilité des résistances dépend de notre capacité à anticiper les contournements liés à de nouvelles introductions de mildiou. Comme nous n’allons pas introduire de souches américaines en Europe, notre idée est de soumettre les cépages résistants à l’épreuve de la diversité du pathogène en les envoyant en Amérique du Nord. Une collaboration a été établie en ce sens avec nos collègues américains pour tester la durabilité des nouvelles variétés issues du programme ResDur. »

Rédaction Réussir

Les plus lus

<em class="placeholder">Jean-Chrisophe Delavenne, viticulteur champenois bio dans ses vignes</em>
« La lithothérapie me permet de diminuer mon nombre de traitements dans les vignes »
Jean-Christophe Delavenne, viticulteur champenois bio, expérimente la lithothérapie depuis quatre ans. Il n’y voit pratiquement…
Prix des vignes 2024 : quelle évolution par région ?

La Safer a livré son bilan 2024 du prix des terres viticoles. La tendance générale est à la baisse des prix mais le nombre de…

Immatriculations 2024 - Le marché des tracteurs enjambeurs en hausse

A contre-courant des autres familles de machines agricoles, le marché des tracteurs enjambeurs a connu en 2024 une hausse des…

<em class="placeholder">Vignoble expérimental en Italie avec essai sur les hydrorétenteurs.</em>
Les hydrorétenteurs préparent leur grand retour dans les vignes
Une nouvelle génération de polymères super-absorbants issus de matériaux biologiques est en train de naître. Un espoir pour…
Vignes en Entre-deux-Mers
Prix des vignes 2024 : la baisse se généralise

Le mouvement de baisse des prix moyens à l’hectare entamé en 2022 se poursuit en 2023, selon le bilan Prix des Terres 2024 de…

<em class="placeholder">Tracteur Same Frutteto Pro</em>
Same - L’autoguidage sans GPS sur les Frutteto Pro
Le constructeur italien Same lance les tracteurs spécialisés Frutteto Pro toute équipée.
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Vigne
Consultez les revues Réussir Vigne au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters des filières viticole et vinicole