L’indice Itavi, au cœur des négociations de la filière avicole
Indicateur clé pour la filière, l’indice Itavi sur le coût des matières premières fait peau neuve pour mieux refléter les pratiques des fabricants d’aliment et les évolutions techniques.
Indicateur clé pour la filière, l’indice Itavi sur le coût des matières premières fait peau neuve pour mieux refléter les pratiques des fabricants d’aliment et les évolutions techniques.
Depuis plus de cinquante ans, les indices Itavi (12 au total selon les productions) sont une référence incontournable pour suivre l’évolution mensuelle des coûts des matières premières dans l’alimentation animale. Calculés à partir de formulations optimisées, ils constituent un outil structurant pour les professionnels de l’amont comme de l’aval. Ils sont largement utilisés dans les négociations, notamment dans les contrats dits « à trois points », qui relient éleveurs, organisations de production (OP) et abattoirs. Dans ce type de contrat, le coût des matières premières dans l’aliment est indexé automatiquement, assurant une répercussion fluide des variations de prix tout au long de la filière.
Comment fonctionnent les indices Itavi
La majorité des éleveurs étant en intégration, il est difficile en l’absence de transaction d’obtenir des données représentatives sur les prix des aliments. Les indices Itavi interviennent alors pour objectiver les évolutions mensuelles du coût des matières premières rentrant dans les formules d’aliments, incluant un coût d’approche des matières premières depuis leur lieu de départ (port, silo, usine de trituration…) en intégrant le transport jusqu’à une usine fictive située en Ille-et-Vilaine (barycentre de la production avicole française).
Ces coûts sont publiés sous forme d’indices base 100, mis en ligne chaque début de mois sur le site de l’Itavi. La formulation repose sur une programmation linéaire, visant à minimiser le coût des matières premières tout en respectant les besoins des animaux, les contraintes nutritionnelles et les pratiques des fabricants d’aliment.
Pourquoi une révision en 2025
Les besoins nutritionnels des animaux évoluent avec les progrès génétiques, les connaissances sur les matières premières s’affinent et les pratiques des fabricants s’adaptent. Il devenait donc essentiel de réactualiser les normes utilisées pour la formulation des indices. Historiquement, ces paramètres sont révisés périodiquement (chaque six à sept ans, la précédente remontant à 2016). La révision actuelle fait suite à une sollicitation des interprofessions.
Entre avril et août 2024, l’Itavi a conduit une enquête approfondie auprès de vingt-trois fabricants d’aliments (FAB). Les réponses ont permis de réactualiser les contraintes nutritionnelles et d’incorporation des matières premières.
Un comité de suivi transversal, composé de représentants de l’Itavi et du maillon FAB (notamment du Snia (1) et de LCA-NA), a été mis en place pour encadrer les enquêtes, garantir leur représentativité, assurer les contacts terrain, examiner les hypothèses et valider les résultats.
À l’issue des échanges avec les différentes interprofessions, la mise en œuvre des nouveaux indices a été décidée pour le 1er septembre 2025, avec une base 100 fixée en janvier 2020. La publication des anciens indices a été maintenue jusqu’à décembre 2025 pour assurer la transition.
Ce qui change concrètement
La nouvelle méthodologie conserve les grands principes historiques : formulation à moindre coût par programmation linéaire, cotations de référence, usine fictive en Ille-et-Vilaine, lissage des cours sur trois mois. Plusieurs paramètres ont néanmoins été ajustés : Mise à jour des besoins nutritionnels et des caractéristiques des matières premières ; Base 100 recalée sur janvier 2020, avec « rétropolation » (2) jusqu’à janvier 2014.
Ces ajustements visent à offrir un reflet plus juste du coût réel des formules (cœur de cycle) pour chaque espèce, en cohérence avec les pratiques actuelles sur le terrain.
Viser un coût global de la volaille
Grâce à cette révision, les indices Itavi restent des indicateurs économiques fiables, proches des pratiques des FAB et particulièrement importants dans un contexte de forte volatilité des marchés agricoles. Ils offrent aux acteurs de la filière un repère neutre et transparent pour gérer les relations contractuelles, anticiper les variations et négocier les conditions commerciales.
Les indices Itavi couvrent environ 80 % du coût de l’aliment et environ 50 % du coût vif, ce qui représente une part significative du coût de production. Mais ces indices n’incluent pas le reste des charges, qui ont pour certaines beaucoup augmenté ces dernières années, notamment les charges variables (énergie, eau…) et les charges de structure, comme le coût des bâtiments ou les frais financiers. En l’absence d’indicateurs représentatifs et unanimement reconnus, les relations commerciales et les négociations sur ces postes restent une source de tensions entre les différents maillons de la filière. C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet Inosys r
éseaux avicole et cunicole visant à objectiver le calcul du coût de production pour chaque atelier avicole en intégrant à la fois les charges variables, les charges fixes et la rémunération de l’éleveur. L’objectif est clair : fournir aux acteurs des filières un observatoire neutre des coûts de production et des rémunérations permises pour les éleveurs.
Mohamed Bouzidi bouzidi@itavi.asso.fr
Une utilisation renforcée par la loi Egalim
Plusieurs accords et textes sont venus renforcer l’utilisation de l’indice Itavi. L’accord du 3 mai 2011 prévoit de prendre en compte « les variations excessives des prix de l’alimentation animale » afin de fluidifier les mécanismes de formation des prix tout au long de la filière. La loi EGAlim, adoptée le 30 octobre 2018, a introduit l’utilisation obligatoire d’indicateurs de coût de production et de matières premières agricoles (MPA) pour sécuriser les négociations entre producteurs, fabricants, transformateurs et distributeurs. En octobre 2021, la loi EGAlim 2 a renforcé ces obligations. Elle impose une clause de révision automatique des prix, prenant en compte le coût des MPA et autres intrants significatifs. Elle distingue la MPA des autres coûts et la rend non négociable, pour instaurer ainsi une sanctuarisation du prix agricole. Dans les filières avicoles et cunicoles, l’indice Itavi figure parmi les indicateurs les plus utilisés et reconnus pour objectiver le coût des matières premières agricoles.
L’indice Itavi couvre 80 % du coût de l’aliment
L’indice Itavi ne couvre pas la totalité du coût d’un aliment livré à l’éleveur, mais représente en moyenne 80 % du prix de l’aliment. Cette limitation à la matière première s’explique d’abord par les différences importantes de coûts de fabrication entre usines, liées à leur taille, aux cahiers des charges, aux espèces concernées, à leur localisation géographique et à des types de contrats énergétiques très hétérogènes. Concernant les matières non intégrées dans la formulation, notamment les prémix (enzymes, phytase, vitamines…), on observe une forte variabilité des pratiques des fabricants ainsi que des prix de ces prémix, qui incluent souvent certains services de conseil et de formulation. Malgré ces contraintes, l’indice reste un repère fiable et largement utilisé dans l’ensemble de la filière.