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L’exosquelette ne fait pas de miracle

Conçu pour soulager les épaules lors du port de charge, l’exosquelette suscite la curiosité. Si certains éleveurs l’ont adopté, d’autres ne sont pas prêts à accepter ses contraintes d’usage. Il ne suffit pas forcément à lui seul à résoudre les problèmes de TMS.

Une nouvelle expérimentation sur l’exosquelette a été conduite par les chambres d‘agriculture de Normandie et les MSA Mayenne, Orne, Sarthe, Côtes normandes et Haute-Normandie. Il en ressort que l’exosquelette peut soulager le trayeur, mais son usage peut aussi générer des effets indésirables, voire des douleurs. D’où l’importance de vérifier avant tout achat que votre situation de travail nécessite bien de recourir à cet équipement et que celui-ci soit compatible avec votre état de santé.

Après un premier essai mené à la ferme expérimentale de La Blanche Maison il y a quelques années, l’objectif était cette fois d’élargir le périmètre en faisant tester trois types d’exosquelettes à trois chefs d’exploitation volontaires, équipés de trois systèmes de traite différents (roto intérieur, roto extérieur et TPA). Les éleveurs testeurs ont été retenus après avoir effectué une analyse de poste de travail à la traite et une visite médicale avec un médecin du travail. Chacun d’entre eux a porté chaque modèle pendant un mois à toutes les traites. Ils ont été accompagnés et suivis tout au long de l’expérience.

La priorité est d’évaluer vos besoins en amont

Premier constat : selon l’équipement, les avis des éleveurs ne vont pas toujours dans le même sens. En fonction de la gestuelle des trayeurs et de l’aménagement de leur salle de traite, telle ou telle caractéristique d’un modèle peut aussi bien être perçue comme un atout qu’une contrainte. Par exemple, « le Mate XT et le Skelex réclament d’avoir les bras vraiment levés pour entrer en action, dépeint Alexis Graindorge, installé dans l’Orne avec 90 vaches laitières. Chez nous, le niveau d’élévation des bras reste relativement modéré, notre TPA étant dotée d’un plancher mobile. L’Hapo MS m’a apporté davantage de soutien malgré une assistance plus faible mais qui se déclenche plus tôt ». Un avis que ne partage pas Christelle Van Den Bossche, éleveuse de 120 vaches en Seine-Maritime. « Je ressens réellement l’assistance du Mate XT et du Skelex, dès que je lève les bras, confie l’éleveuse. Passé un certain seuil, ils sont vraiment portés par l’équipement. Alors qu’avec l’Hapo MS, mes bras sont suspendus, c’est moi qui dois faire l’effort de les lever. »

De son côté, Arnaud Martinet dans la Manche (100 vaches) reconnaît avoir ressenti « une sensation d’oppression » pendant le port des exosquelettes et apprécié « le sentiment de légèreté retrouvé » quand il retirait le Mate XT et l’Hapo MS. Par ailleurs, la configuration de sa salle de traite ne se révélait pas adaptée à l’un des modèles. « J’ai cassé l’Hapo MS deux fois, témoigne-t-il. Ses tiges sont encombrantes et chez moi, elles tombaient pile à hauteur des tubulaires. À chaque mouvement, cela tapait et cela a fini par casser. »

Les exosquelettes requièrent un réglage très précis

D’après les éleveurs, il faut trois semaines d’essai par équipement pour se rendre compte de leurs qualités et défauts. Ils insistent sur la nécessité de trouver le réglage optimal en se faisant accompagner dès le début. « J’ai décidé de relever le Mate XT en milieu d’expérimentation mais cela a entraîné des douleurs dans la nuque, témoigne Alexis Graindorge. Pour le Skelex, dès le début je devais mal le porter car des douleurs sont apparues dans les épaules. Heureusement, le commercial est intervenu pour modifier les réglages. Les douleurs ont disparu ».

Les trois éleveurs testeurs reconnaissent tous des qualités à ce type d’équipement même s’ils ne répondent pas complètement à leurs attentes. « À l’issue de l’expérimentation, aucun n’a fait le choix d’investir, conclut Céline Collet, de la chambre régionale d’agriculture de Normandie, qui a coordonné l’expérimentation. La fragilité, le poids et le niveau d‘assistance insuffisant sont les principaux arguments expliquant l’abandon du projet d’achat. »

Une chose est sûre, beaucoup de paramètres entrent en ligne de compte pour juger de l’intérêt ou non d’un exosquelette. L’environnement de traite (l’adéquation entre la hauteur des quais et la taille du trayeur, l’agencement de la salle de traite, etc.) ainsi que le vécu du trayeur (prédisposition de santé, ressenti, etc. ) rendent l’analyse très subjective.

Trois modèles d’exosquelettes testés

Le Skelex de Gobio, le Mate XT de Comau et l’Hapo MS d’Ergosanté ont été testés un mois chacun par trois trayeurs différents. Chaque modèle présente des spécificités avec des modalités d’assistance qui diffèrent. Le Mate XT et le Skelex fonctionnent grâce à des systèmes de mini-vérins qui assurent une assistance à partir d’un certain seuil d’élévation (activation à partir de 60-70°). L’Hapo MS, quant à lui, fonctionne avec des tiges assurant un maintien continu de la posture bras en l’air à 60°, mais n’assiste pas réellement le mouvement d’élévation des bras.

Pour en savoir plus

Retrouvez les résultats de l’expérimentation et les témoignages vidéos des éleveurs testeurs sur le site de la chambre d’agriculture de Normandie, rubrique Nos projets innovants, Transition et multiperformance.

Avis d’experte : Céline Collet, de la chambre régionale d’agriculture de Normandie

« Une solution qui ne fait pas l’unanimité »

Céline Collet, de la chambre régionale d’agriculture de Normandie
Céline Collet, de la chambre régionale d’agriculture de Normandie © CRAN
« Les exosquelettes ne sont pas systématiquement adaptés à la morphologie de chacun (sexe, taille, poids). Selon leur taille, forme, mode de fonctionnement et les besoins d’assistance, il faut parfois plusieurs tests de réglages. Si certains commerciaux connaissent bien les équipements et peuvent parfaitement accompagner les éleveurs dans cette étape délicate, ce n’est pas le cas de tous. Les paramétrages se font parfois à tâtons, par essais-erreurs par les éleveurs eux-mêmes : avec plus ou moins d’assistance, avec tiges jaunes ou bleues, avec ou sans tabliers, avec ou sans manchettes, etc. De plus, le port d’un exosquelette présente des risques physiques (perturbations sensorielles notamment de la perception de la force ou du contrôle des mouvements…), des risques mécaniques (collision, chocs…), des risques cognitifs (charge mentale, stress, concentration accrue…). Avant de s’équiper, mieux vaut aussi vérifier que la salle de traite est suffisamment vaste pour permettre la circulation d’un trayeur équipé. »

Avis d’éleveuse : Valérie Savary, dans le Pas-de-Calais

« Coupler l’exosquelette à d’autres solutions »

Valérie Savary, éleveuse. « Je ne saurais plus traire sans exosquelette. »
Valérie Savary, éleveuse. « Je ne saurais plus traire sans exosquelette. » © DR
« J’entends beaucoup de critiques vis-à-vis de l’exosquelette. Je me suis moi-même équipée depuis deux ans et demi et je peux témoigner de ma satisfaction ! Non seulement, cet outil soulage mes épaules lors de la traite, mais il m’a aussi permis de continuer mon activité alors que ma pathologie est reconnue handicapante par la médecine du travail. Je pense que l’acceptation d’un exosquelette dépend beaucoup du niveau de souffrance initial des trayeurs. Il m’a fallu un temps d’adaptation au début, je pensais ne jamais m’y habituer. Aujourd’hui, je ne pourrais plus traire sans. La qualité du réglage est vraiment primordiale, sinon le risque est de faire pire que mieux. Enfin, si l’on veut vraiment se soulager, la réflexion ne doit pas se cantonner au port d’un exosquelette. Le fait d’avoir embauché des trayeurs ponctuels permet désormais de m’épargner quatre traites hebdomadaires. L’exosquelette n’est qu’un outil parmi une palette de solutions possibles, l’idéal étant de se préserver suffisamment en amont pour ne pas avoir besoin d’en arriver jusque-là ! »

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