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Les lactations longues, une stratégie à part entière pour les chèvres

Choisir de garder ses chèvres longtemps en lactation permet de mieux s’organiser avec moins de naissances et de chevreaux.

Choisir de garder ses chèvres longtemps en lactation permet de mieux s’organiser avec moins de naissances et de chevreaux. © D. Hardy
Choisir de garder ses chèvres longtemps en lactation permet de mieux s’organiser avec moins de naissances et de chevreaux.
© D. Hardy

Aujourd’hui plus d’un tiers des éleveurs mettent une part significative des chèvres en lactation longue. Face aux enjeux que sont le temps de travail en élevage, les risques sanitaires autour des mises bas, la répartition de la production laitière, la saisonnalité de la reproduction et la commercialisation des chevreaux… les lactations longues sont l’une des réponses mais leur mise en œuvre doit être réfléchie et maîtrisée.

Opter pour des lactations longues peut être un choix motivé par l’économie, le temps de travail ou les questions sanitaires. Lorsqu’elles sont bien maîtrisées, les lactations longues permettent une quantité de lait supérieure et une production de lait toute l’année. Pour les livreurs, le prix du lait est mieux rémunéré en hiver et pour les fromagers fermiers, la vente de fromage peut se faire toute l’année, sans les contraintes du désaisonnement. Cela permet également de conserver des chèvres à haut potentiel qui peuvent avoir des problèmes de fertilité. Une chèvre mise à la reproduction engendre des frais et du temps. La lactation longue ne doit pas masquer une non-maîtrise de la reproduction. Si elle est maîtrisée, cette pratique permet aussi de réduire le coût du renouvellement.

Pour des raisons économiques, de temps de travail ou sanitaire

Une autre motivation des éleveurs est de réduire le temps de travail ou écrêter les pointes de travail. Avec moins de mises bas, il y a moins de surveillance et de chevreaux à élever. Pour les fromagers fermiers, les lactations longues permettent une meilleure répartition du lait à transformer. En revanche, elles imposent une traite 365 jours par an. D’un point de vue sanitaire, avec moins de mises bas, on réduit les risques de mortalité ou les frais vétérinaires. Les éleveurs peuvent se concentrer davantage à l’élevage et aux soins des animaux destinés au renouvellement.

Pour mettre en œuvre une stratégie de lactations longues, il faut déjà établir le pourcentage de chèvres concernées dans le troupeau. En pratique, les chèvres en lactations longues ne doivent pas représenter plus de la moitié du troupeau. Le taux de renouvellement doit être maintenu à 20-25 % pour éviter le vieillissement du troupeau et maintenir le potentiel génétique. À l’inverse, un taux de renouvellement plus élevé peut masquer une mauvaise persistance des chèvres en lactation longue. Cependant le pourcentage de lactations longues dépend aussi de la pyramide des âges du cheptel, de votre objectif en matière d’effectif (troupeau en croisière ou en croissance) et plus globalement du taux de renouvellement.

Garder les meilleures laitières en lactation sans négliger le renouvellement

Les chèvres en lactation longue devront être conduites à part séparément du reste du troupeau à deux périodes : lors de la mise à la reproduction des autres lots et lors du tarissement et des mises bas soit pendant minimum cinq mois par an. Il faut donc que l’effectif de chèvres en lactation longue coïncide avec les diverses contraintes liées aux bâtiments (lots, place en salle de traite) ou à la collecte (capacité minimum du tank, minimum de collecte). Il faut également anticiper les chèvres en échecs de reproduction qui pourront venir compléter le lot. Bien sûr, il convient d’ajuster les effectifs à maintenir en lactation longue aux stocks fourragers disponibles.

Toutes les chèvres ne sont pas aptes à une lactation longue réussie. Le choix des chèvres sera principalement basé sur leur productivité et leur statut cellulaire. Plus une chèvre est productive, plus elle a de chance d’avoir une meilleure persistance laitière. La lactation longue est possible en chèvre si l’animal a réalisé un pic de lactation correct, au-dessus de la moyenne du troupeau et dans tous les cas au minimum de 2 kg de lait. On privilégie donc des animaux à production stable en évitant les bonnes laitières en chute de production. Concernant le statut cellulaire, il est recommandé de mettre prioritairement en lactation longue, des chèvres présumées saines et, dans tous les cas ayant moins de trois comptages supérieurs à deux millions de cellules.

Le choix des chèvres peut être cornélien car les bonnes candidates à la lactation longue sont potentiellement également les meilleures mères à chevrettes. Il convient donc de faire un compromis entre sélection et lactation longue. Par exemple, parmi les animaux qui répondent aux critères, on préférera mettre les jeunes à la reproduction et les vieilles en lactation longue.

Vigilance sur les cellules somatiques dans le lait

La mise en lot les chèvres en lactation longue permet d’adapter au mieux la ration. C’est surtout vrai lors de la période de tarissement du lot classique. La conduite en lot unique n’est donc pas adaptée aux lactations longues.

Autre condition de réussite, il faut avoir suffisamment de place dans le bâtiment. En effet, dans une conduite classique, les chevrettes sont introduites dans la chèvrerie un mois avant les mises bas, alors que les chèvres à réformer ont déjà été sorties depuis plusieurs mois à la suite des échographies. Dans une conduite en lactation longue, les chevrettes sont introduites dans la chèvrerie alors que les lactations longues sont encore présentes (il est encore trop tôt pour décider de les réformer ou de les remettre à la reproduction). La période de chevauchement entre les deux lots nécessite de la place dans la chèvrerie. Attention alors au risque de surcharge du bâtiment qui peut dégrader les conditions d’ambiance et les performances.

Il faut aussi être vigilant sur les concentrations cellulaires puisque le statut cellulaire des chèvres a tendance à se dégrader en lactation longue. On se prive en effet d’un moyen de gérer les infections mammaires (et les cellules) en supprimant le tarissement. On risque ainsi de maintenir un réservoir infectieux dans le cheptel.

N’hésitez pas à en parler à vos conseillers caprins habituels pour échanger sur la mise en œuvre de cette pratique.

Bertrand Bluet (CA 36) Rémi Couvet (Saperfel), Benoit Desanlis (Adice), Bernard Poupin (Seenovia) et Fabrice Bidan, Nicole Bossis, Louise Chantepie, Renée de Cremoux et Barbara Fanca 

Dico

Lactation longue

La chèvre en lactation longue est un animal qui poursuit sa lactation en l’absence de mise bas, à minima pendant 480 jours. La durée moyenne de lactation est alors proche de 700 jours. Pour certaines chèvres, la lactation peut se prolonger sur plusieurs années. Attention, une mise bas sans tarissement n’est pas une lactation longue. De même, une lactation de 18 mois pour changer de périodes de mise bas n’est pas une lactation longue.

Comment alimenter les chèvres en lactation longue ?

Le succès du maintien en lactation longue des chèvres passe en partie par la régularité de la qualité de l’alimentation. Pendant le tarissement des lactations classiques, il faut prévoir une alimentation différente des chèvres en lactations longues, notamment en cas de changement de la nature du fourrage (silo de maïs, coupe de foin). Il faut adapter les apports aux besoins, sans excès d’énergie, et surveiller l’état d’engraissement. Trop grasses, les chèvres peuvent perdre en production laitière. Concernant les besoins azotés, la supplémentation par rapport aux autres chèvres n’est pas toujours justifiée. Dans la plupart des rations, les apports couvrent déjà largement les besoins. Si les lactations longues sont des animaux à très bon potentiel, on peut tester l’apport de 50 g de PDI par jour et par chèvre de plus.

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