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Le miscanthus, un combustible local de chauffage qui séduit

Utilisé comme combustible de chauffage, le miscanthus continue sa croissance en France. Dans l’Eure-et-Loir, une entreprise cherche des agriculteurs pour en implanter et jouer la carte de la proximité. Matériau écologique et local, le miscanthus pourrait se démocratiser.

Les surfaces de miscanthus continuent de progresser en France. Elles devraient passer la barre des 7 000 hectares en 2020, avec un rythme de croissance moyen de près de 15 % par an. Les raisons d’une telle croissance ? De plus en plus de collectivités, d’agriculteurs et de particuliers sont soucieux de chauffer leurs locaux ou habitations avec une énergie renouvelable. Et le miscanthus est un combustible local et écologique. La plante limite l’érosion des sols et consomme très peu d‘intrants : elle ne connaît ni maladie, ni ravageur, à l’exception du taupin. Mais elle a d’autres atouts : un bon pouvoir calorifique (PCI), comparable à celui du bois et un rendement élevé, de 15 à 20 tonnes de matière sèche par hectare. La filière s’appuie également sur des fabricants de chaudières polycombustibles qui ont su résoudre les problèmes techniques de jadis comme la production de mâchefer.

Engager des surfaces modestes

Une cinquantaine de chaudières à biomasse jalonnent actuellement le territoire national. Ce sont le plus souvent de petites unités de chauffages, très proches des parcelles de miscanthus. Les porteurs de projet contribuent ainsi à réduire les émissions de CO2 en France. « Avec trois hectares et une chaudière de 160 kWh, on alimente un groupe scolaire pour toute une année", indique Manoël Couprie, directeur général de Novabiom, l’une des entreprises qui commercialise cette graminée géante. D’ailleurs, la surface moyenne des parcelles reste modeste : de l’ordre de 4 à 6 hectares. "Le marché est en croissance mais le miscanthus doit rester une partie raisonnable de la sole d’une exploitation, prévient le dirigeant. Nous déconseillons l’implantation d’un bloc de 50 hectares, sauf à réaliser des aménagements particuliers." L’objectif est notamment de limiter les populations de sangliers dans les plantations.

Pour les porteurs d’un projet de chauffage au miscanthus, l’économie potentielle est substantielle  : "en récoltant 15 tonnes de miscanthus sur un hectare, on peut substituer l’équivalent de plus de 6 000 litres de fioul", indique France Miscanthus, association qui fédère les acteurs de la filière. S’il est produit localement, le prix de revient du miscanthus est nettement inférieur à celui du fioul. Le calcul doit tenir compte des investissements à réaliser et des surfaces chauffées mais les économies dépassent souvent plusieurs milliers d’euros par an.

La proximité de la consommation reste un impératif : pour être rentable, le miscanthus doit être consommé localement, au maximum à 40 kilomètres de son lieu de production. C’est un combustible très léger et donc coûteux à transporter. À titre de comparaison, sa densité est cinq fois plus faible que le bois. Le développement des stockages en vrac sur des exploitations permet un maillage qui réduit les coûts logistiques.

Des contrats spécifiques en local

Pour accompagner ce développement, Novabiom vient d’inaugurer 1 500 m2 de nouveaux bâtiments de stockage et de conditionnement sur son site et siège de Champhol (28), pour un investissement de près d’un million d’euros. L’entreprise recherche 200 hectares supplémentaires dans un rayon de 20 kilomètres autour de son site, et propose des contrats d’achat à long terme aux agriculteurs. "Pour faire tourner notre nouvel outil, nous souhaitons renforcer notre approvisionnement local et proposons donc des contrats spécifiques pour les potentiels producteurs locaux", précise Caroline Wathy, responsable culture chez Novabiom. Les tarifs s’échelonnent entre 75 €/t départ récolte à 90 €/t stocké et livré. Ce modèle promet un revenu stable et résout la question du débouché. Pour le producteur, la marge nette, charges d’implantation et de récolte déduites, oscille alors entre 500 et 1 000 €/ha avec un rendement de 10 à 15 tonnes de matière sèche à l’hectare.

Les agriculteurs peuvent aussi échanger avec Novabiom du miscanthus en vrac contre des ballots de miscanthus de 15 kg, pressés et emballés. "C’est un produit très dépoussiéré et très calibré, qui augmente la valeur ajoutée du produit", détaille Manoël Couprie. Le format est idéal pour les jardiniers ou les éleveurs, qui utilisent le miscanthus comme paillage. Cet échange "vrac contre sacs" permet aux agriculteurs de vendre leur production au détail, avec la valorisation de la vente en direct et une marge à l’hectare multipliée par deux, voire quatre.

"Nous proposons aux agriculteurs de profiter de l’outil dans lequel nous venons d’investir", justifie Caroline Whaty. "Notre challenge, c’est de lancer une filière", rappelle Manoël Couprie. Novabiom compte commercialiser 1 500 tonnes par an sous cette forme, contre 600 tonnes aujourd’hui, s’affirmant dès lors comme le premier transformateur de miscanthus en France.

Anatomie du miscanthus

Le miscanthus est une graminée rhizomateuse originaire d’Asie du Sud-Est pouvant atteindre 4 mètres de hauteur. La culture de cette plante pérenne se développe en Europe depuis les années quatre-vingts. L’espèce multipliée est le miscanthus x giganteus. Rien à voir avec le miscanthus sinensis, dont les racines traçantes abîment bitume et béton, à l’instar des bambous. "Miscanthus x giganteus est une plante hybride, stérile, non invasive et non dispersive", précise Caroline Wathy de Novabiom. La plante se développe d’avril à octobre, et produit des inflorescences roses, appréciées des fleuristes. Elle se multiplie par division des rhizomes.

Une culture facile à condition de réussir l’implantation

Le miscanthus est une plante robuste, qui peut s’implanter à peu près partout au nord de la Loire, sauf dans les sols très séchants ou derrière une prairie ou une jachère, afin d’éviter des dégâts de taupin.
Sa culture est simple, mais l’implantation est sensible et conditionne la réussite de la culture. Le sol doit être préparé avec soin, en profondeur, comme pour une implantation de pommes de terre. La plantation des rhizomes s’effectue de mars à mai, sur un sol bien réchauffé, à raison de 20 000 pieds par hectare, pour un coût de 2 500 à 3 000 €/ha. Les rhizomes sont plantés à 15 cm de profondeur et lèvent en trois à quatre semaines. À l’issue de la plantation, la terre doit être rappuyée pour favoriser un bon contact terre/rhizomes et éviter le dessèchement de ces derniers. "L’objectif est d’atteindre un peuplement de 12 000 à 15 000 pieds par hectare", indique Caroline Wathy, responsable culture chez Novabiom. La première année, les adventices peuvent fortement concurrencer la jeune plantation car le sol est nu. Un désherbage chimique ou mécanique sera alors à prévoir. Le miscanthus bénéficie d’une extension d’homologation des herbicides maïs. Ensuite, la chute de vieilles feuilles assurera un mulch qui empêchera leur développement.
La première récolte a lieu dès la deuxième année d’implantation, en avril, à 15 % d’humidité, stade ou elle ne nécessite pas d’être séchée. La pleine production est atteinte à partir de la troisième année. Les rendements oscillent entre 10 à 15 tonnes par hectare et par an, sans baisse de productivité pendant près de 20 ans. Les apports d’engrais sont rares. Les exportations annuelles atteignent 50 à 80 kg d’azote par an, 5 à 10 kg de phosphore et 70 à 120 kg de potassium. En hiver, une partie des éléments nutritifs des parties aériennes migrent vers les rhizomes et une autre est restituée par les feuilles lorsqu’elles tombent au sol. Après plusieurs années de culture, des apports ponctuels de potassium pourront être envisagés si des analyses de sol le justifient.
La récolte se fait à l’aide d’une ensileuse classique, pour des coûts de récolte avoisinant les 300 €/ha.

AVIS D'AGRICULTEUR

François Bonny, producteur de grandes cultures sur 140 hectares à Berchère-les-Pierres dans la Beauce chartraine

"Se chauffer au miscanthus, ça donne plein d’idées"

"Je voulais essayer un nouveau débouché et j’ai mis en place 3 hectares de miscanthus en mai 2018. J’ai choisi une parcelle qui a une découpe particulière et un faible potentiel céréalier. La première récolte aura lieu en avril prochain mais j’envisage déjà de réaliser une nouvelle plantation. Cette fois ce serait en plein champ, sous forme d’une large bande dans un long linéaire de mon parcellaire. On a tendance à mettre le miscanthus dans des terres superficielles mais ça ne peut pas faire de miracles : en termes de rentabilité, il vaut mieux l’implanter dans de bonnes terres. Dans nos secteurs où les haies ont quasiment disparu, le miscanthus constitue une protection de choix pour la faune et j’envisage de lui associer un sous semis pour accroître une biodiversité effective. À la ferme, je suis en train d’étudier un système de chauffage des bâtiments d’exploitation avec ma production. Il donne plein d’idées pour de nouveaux projets dans mes vieux bâtiments."

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