Aller au contenu principal

Une crise d’acétonémie au pic de lactation

Vu par Sophie Cercelet, vétérinaire

Un éleveur contacte la clinique pour « une vache qui a vêlé il y a un mois environ, qui se comporte bizarrement ». Lors de la visite, nous apprenons que cette vache de race Prim'Holstein a mis bas sans problème il y a cinq semaines. Elle présente un amaigrissement plus important que les autres vaches du troupeau, une diminution de production depuis quelques jours. Et surtout, ce qui surprend le plus notre éleveur, elle ne mange plus la ration mais veut manger du fumier, et elle lèche les cornadis ainsi que les murs (cette ingestion d’éléments non nutritifs et non comestibles est appelée pica). Il n’y a rien de particulier à l’examen clinique, à part un peu de constipation.

Notre principale hypothèse est la crise d’acétonémie. Pour confirmer cette hypothèse, nous dosons les taux sanguins de glucose et de betahydroxybutyrates (BHB, c'est-à-dire l’acétonémie), le résultat est sans appel ! Glycémie : LO (c'est-à-dire LOW, glycémie inférieure à 0,1g/l, la norme chez les ruminants est de 0,5 à 0,6 g/l) ; acétonémie : 6.3 mmol/l (la valeur seuil chez la vache laitière en lactation est de 1,2 mmol/l).

Cette vache fait bien une crise d’acétonémie, c'est-à-dire que la teneur sanguine en corps cétoniques est trop élevée et que sa glycémie est trop basse. Tous ses symptômes sont expliqués par ce diagnostic, notamment le pica. En effet, une trop grande concentration en corps cétoniques dans le sang provoque des troubles nerveux (pica ou tourner en rond ou meuglements incessants par exemple). Elle est soignée par perfusion de glucose et d’hépatoprotecteurs, ainsi qu’injection de cortisone.

Des cétoses cliniques et des cétoses subcliniques

Il existe trois types d’acétonémie (ou cétose). Pour chaque type de cétose, il peut y avoir expression ou pas de la maladie. Si la maladie s’exprime, il y a cétose clinique, dont les symptômes sont l'amaigrissement, la diminution de production, la perte d’appétit ainsi qu’une odeur caractéristique de « pomme reinette » de l’haleine, du lait et de l’urine de l’animal. Si la maladie ne s’exprime pas, la cétose est dite subclinique. Sa détection peut se faire par le dosage hebdomadaire de l’acétone dans le lait, grâce à des bandelettes test au moment de la traite durant les deux à trois premières semaines suivant le vêlage, ou par la surveillance du rapport TB/TP. Si ce rapport est supérieur à 1,5, l’animal est à risque. Il est également possible de doser les corps cétoniques avec un glucomètre.

La cétose, clinique ou subclinique, est responsable de nombreuses pertes économiques liées à une diminution de la production laitière, à la modification de la composition du lait et aux maladies souvent associées (mammite, métrite, troubles de la reproduction) dues à une diminution de performance du système immunitaire. Le coût de la cétose subclinique est estimé entre 177 et 288 euros par vache atteinte en France.

Quel que soit le type de cétose, clinique ou subclinique, présent dans un troupeau, le principal moyen de prévention est la gestion rigoureuse de l’alimentation à tous les stades physiologiques (surtout fin de lactation, début et fin de tarissement et début de lactation) afin que les vaches aient une note d’état corporel stable et toujours proche de 3,5, et d’éviter que les vaches ne soient en déficit énergétique.

Trois types de cétose

La cétose de type I, dont est atteinte notre vache, a lieu au moment du pic de lactation, vers trois à huit semaines post partum. Elle est due à un apport énergétique insuffisant en début de lactation : il n’y a pas assez de précurseurs du glucose dans la ration, le foie synthétise des corps cétoniques à partir des graisses de réserve. Face à un cas comme celui-ci, il est conseillé de vérifier la ration proposée en début de lactation ainsi que son ingestion pour comprendre pourquoi cette vache a été en déficit énergétique.
La cétose de type II (syndrome de la vache grasse), qui est la plus fréquente, a lieu dans les deux semaines suivant le vêlage et est due à une diminution de l’ingestion juste avant et/ou après le vêlage, surtout chez les vaches grasses. Le foie n’assure plus sa fonction de synthèse du glucose à partir des graisses de réserves ou de l’alimentation, ce qui conduit à la synthèse de corps cétoniques. La prévention passe par une bonne gestion de l’alimentation en fin de lactation et durant le tarissement pour éviter d’avoir des vaches qui vêlent grasses ou ayant des transitions alimentaires trop brutales.
La cétose de type III, plus rare, est due à l’ingestion de ration contenant de l’acide butyrique (essentiellement de l’ensilage d’herbe humide). La principale mesure à prendre est alors de diminuer la proportion de ce fourrage dans la ration.

Les plus lus

<em class="placeholder">Nathalie et Michel Daguer, éleveurs en Mayenne avec leurs vaches</em>
Pâturage hivernal : « Nous ne voyons que des bénéfices dans notre élevage en bio et en monotraite en Mayenne »

Le Gaec du Ballon en Mayenne, en bio et en monotraite, profite de conditions pédoclimatiques privilégiées pour pâturer en…

<em class="placeholder">guillaume rivet, éleveur dans les deux-sèvres</em>
Organisation du travail : « Nous avons robotisé la traite pour anticiper le départ à la retraite de mon père dans les Deux-Sèvres »

Le Gaec Privalait, dans les Deux-Sèvres, tourne entre mère et fils depuis bientôt deux ans. La robotisation de la traite, en…

<em class="placeholder">« L’herbe pâturée est la plus économique car, plus il y a de stock, plus les charges de mécanisation augmentent », soulignent Sébastien Le Goff et Julie Sylvestre.</em>
Diagnostic de système fourrager : « Nous avons prouvé la résilience de notre élevage face aux aléas climatiques dans le sud du Morbihan »

Au Gaec de Coët Cado, dans le Morbihan, pour s’assurer de la résilience de leur système fourrager aux aléas, les associés ont…

Carte de la zone régulée FCO3 à la date du 5 décembre 2024.
FCO 3 : près de 8 500 foyers en France

A date de jeudi 5 décembre 2024, le ministère de l'Agriculture annonce 8 436 cas de fièvre catarrhale ovine sérotype 3.…

<em class="placeholder">Brice Minot, Vincent Colas et Cyrille Minot, trois des quatre associés du Gaec des forges, en Côte-d&#039;Or</em>
Élevage laitier : « Nous cherchons de la productivité et de l’autonomie pour rentabiliser nos installations en Côte-d’Or »

Au Gaec des forges, en Côte-d’Or, les associés ont robotisé pour mieux organiser le travail. La recherche d’un bon prix du…

<em class="placeholder">jeune agriculteur et retraité départ à la retraite transmission</em>
Manque de main-d'œuvre : quelles sont les options en élevage laitier pour organiser son travail et gagner du temps ?

Lorsqu’un collectif de travail est amené à se réorganiser (départ à la retraite des parents ou d'un associé, dénouement d'un…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière