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« Un tiers de nos vaches sont taries sans antibiotiques »

Le Gaec du Claret, en Isère, a revu sa stratégie de tarissement en ciblant mieux l’administration d’antibiotiques et en recourant aux obturateurs. Les résultats sont au rendez-vous, et ce, même avec des exigences de qualité comparables à celles du lait cru.

Lilian et Patrick Gaillard, avec leur conseiller, Samuel Bouchier. « L’essai que nous avons réalisé pendant un an nous a montré que le traitement sélectif est une stratégie gagnante sur notre élevage. »
Lilian et Patrick Gaillard, avec leur conseiller, Samuel Bouchier. « L’essai que nous avons réalisé pendant un an nous a montré que le traitement sélectif est une stratégie gagnante sur notre élevage. »
© E. Bignon

Il y a encore deux ans, Lilian et Patrick Gaillard traitaient systématiquement toutes leurs vaches avec un antibiotique au tarissement. Comme une grande majorité d’éleveurs. « Nous le faisions par habitude, racontent les deux frères, à la tête d’un troupeau de 55 laitières à 6 400 litres en AOP bleu du Vercors. Comme nous avions 100 % des vaches guéries en utilisant un antibiotique à large spectre, nous ne nous étions jamais vraiment posé la question de pratiquer différemment. »

 

 
Dans l’AOP bleu du Vercors, le lait est thermisé mais le processus de fabrication impose des contraintes similaires aux filières lait cru en termes de qualité du lait livré.
Dans l’AOP bleu du Vercors, le lait est thermisé mais le processus de fabrication impose des contraintes similaires aux filières lait cru en termes de qualité du lait livré. © E. Bignon
Le tarissement est effectivement le meilleur moment pour soigner une vache infectée, « mais si l’antibiotique permet de guérir les vaches qui arrivent infectées au tarissement, il ne protège pas des nouvelles infections pouvant intervenir durant la période sèche. Même s’il reste longtemps dans la mamelle », insiste Samuel Bouchier, conseiller à Adice Conseil élevage.

 

Apprendre à se passer d’antibiotiques sur les vaches saines

« Nous n’avions pas du tout conscience de cela, avouent les éleveurs. Nous savions qu’il était possible de recourir aux obturateurs pour les vaches qui n’avaient pas beaucoup de cellules, mais nous n’avions jamais franchi le pas. Nous préférions jouer la sécurité plutôt que risquer de prendre un carton qui nous coûterait cher. » Il aura fallu que les associés intègrent une étude proposée par leur conseiller pour réfléchir au traitement sélectif au tarissement, en faire l’expérience, et se rendre compte qu’ils pouvaient se passer d’antibiotiques sur les vaches saines.

« La réduction d’antibiotiques, c’est dans l’air du temps, poursuivent-ils. Et puis, si les obturateurs permettent de limiter les nouvelles infections, nous aurons plus de chance d’empocher la prime de 10 euros pour 1 000 litres versée quand le lait ne dépasse pas 100 000 cellules par millilitre en moyenne mensuelle. »

 

 
La pose de l'obturateur utilisé ne pose pas de difficulté particulière. Les éleveurs veillent à une hygiène irréprochable lors de l’application.
La pose de l'obturateur utilisé ne pose pas de difficulté particulière. Les éleveurs veillent à une hygiène irréprochable lors de l’application. © E. Bignon
Dans le cadre de l’étude menée sur l’année 2021, seules les vaches à plus de 100 000 cellules ont reçu un antibiotique au tarissement. L’obturateur, en revanche, a été administré à toutes les vaches. « C’est important d’avoir un protocole simple pour remporter l’adhésion des éleveurs », considère Samuel Bouchier. Au préalable, un diagnostic avait statué que le Gaec était « tarissement sélectif compatible », c’est-à-dire sans facteur de risque rédhibitoire sur le logement et la conduite du troupeau.

 

Aucune nouvelle infection au vêlage

Le bilan de cette première année est encourageant. Sur les 37 tarissements effectués, 13 se sont faits sans antibiotiques, seulement avec l’obturateur. Pour autant, 100 % des vaches ont affiché moins de 300 000 cellules au premier contrôle et 89 % moins de 100 000. Malgré un taux cellulaire moyen moins bon et un nombre de mammites un peu plus élevé en 2021, il n’y a eu aucune nouvelle infection (contre 13 % en 2020, avec trois vaches « millionnaires »). Quant au taux de guérison(1), il est resté stable avec 100 % des vaches guéries au vêlage.

 

 
« Techniquement, nous avons vu que nous pouvions nous en sortir sans traitement antibiotique systématique au tarissement », indique  Patrick Gaillard.
« Techniquement, nous avons vu que nous pouvions nous en sortir sans traitement antibiotique systématique au tarissement », indique Patrick Gaillard. © E. Bignon
Alors, le Gaec va-t-il poursuivre dans cette voie ? « Oui, techniquement, nous avons vu que nous pouvions nous en sortir sans antibiotiques, concède Patrick. Voire améliorer la situation en limitant les nouvelles infections sur des vaches saines grâce à l’obturateur. » Économiquement, son emploi systématique engendre toutefois un surcoût, mais « qu’il convient de relativiser », estime Samuel Bouchier. Pour les éleveurs, la réflexion dépasse l’enjeu financier. « Il s’agit avant tout d’une prise de conscience, conclut Lilian. Je n’imagine pas revenir en arrière en traitant des vaches qui n’en ont pas besoin. »

 

(1) Proportion d’animaux à plus de 300 000 cellules/ml au tarissement qui passent à moins de 300 000 cellules/ml après vêlage.

Les traitements coûtent plus cher, mais…

 

 
Samuel Bouchier, d’Adice Conseil élevage.
Samuel Bouchier, d’Adice Conseil élevage. © E. Bignon
« Je suis certain que le Gaec s’y retrouve financièrement même si le coût des traitements revient plus cher », argumente Samuel Bouchier, d’Adice Conseil élevage. En comparant la stratégie tout antibiotique (11,60 €/VL) à celle du traitement sélectif avec obturateurs (10,60 €/VL) pour toutes les vaches à laquelle s’ajoutent les antibiotiques sur deux tiers des animaux, le bilan s’avère négatif (240 €). « Mais il faut aussi tenir compte du fait qu’il n’y a eu aucune nouvelle infection au vêlage, ce qui n’était pas le cas l’année précédente où trois vaches « millionnaires » ont plombé le taux cellulaire moyen du troupeau pendant plusieurs mois avant d’être réformées. »

 

Avec ce protocole, potentiellement, les éleveurs ont gagné trois réformes et la prime des 10 €/1 000 l versée les mois où le taux cellulaire moyen est inférieur à 100 000 cellules/ml.

Chiffres clés

302 000 l produits
41,3 de TB et 34 de TP
118 000 cellules/ml en moyenne
45 % du lait à moins de 100 000 cellules/ml
5 mammites par an

Une étude sur cinquante élevages en cours

Une étude terrain, pilotée par l’Institut de l’élevage, a été réalisée sur une cinquantaine d’élevages en 2021. Le protocole a été le même pour tous les élevages. Tous les animaux reçoivent un obturateur et ceux à moins de 100 000 cellules au dernier contrôle ne sont pas traités par antibiotiques.

« Au vu des résultats chez les vingt élevages que j’ai suivis, le bilan se montre satisfaisant », précise Samuel Bouchier, d’Adice Conseil élevage. La majorité des élevages a obtenu des résultats encourageants avec une baisse du nombre de nouvelles infections et une stabilisation des résultats de guérison. Il ressort aussi de l’étude que cette pratique n’est pas forcément à la portée de tous les éleveurs. Certains ont abandonné par manque de motivation ou d’hygiène, ou en raison de situations épidémiologiques spécifiques. Certains tarissent aussi leurs vaches deux mois après le dernier contrôle, ce qui pose problème quant à la pertinence du comptage cellulaire pris en compte.

Les résultats complets sont attendus cet automne.

Mise en garde

En lait cru ou dans les filières telles que l’AOP du Vercors utilisant du lait thermisé avec des contraintes proches de celles du lait cru en termes de qualité du lait, les exigences en matières de concentrations cellulaires sont fortes. D’où une importance accrue d’avoir le plus possible d’animaux sains au vêlage. « L’objectif ici est d’avoir 95 % de vaches qui revêlent avec moins de 300 000 cellules », relève Samuel Bouchier, d’Adice.

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