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Sécheresse : Quatre clés pour augmenter le réservoir utilisable du sol

Afin de valoriser la moindre goutte d'eau tombant sur vos parcelles, la structure du sol et la profondeur d'enracinement sont deux facteurs sur lesquels vous pouvez intervenir. La texture et la profondeur du sol ne sont malheureusement pas modifiables. 

En système irrigué comme en sec, l’objectif est que chaque goutte d’eau, qu’elle tombe du ciel ou d’une rampe d’irrigation, soit valorisée par les plantes. Cela passe par la capacité du sol à accueillir l’eau, la stocker puis la restituer aux plantes.

Jean-Louis Durand, de l’Inrae, rappelle, dans l’ordre d’importance, les facteurs qui jouent sur la taille du réservoir en eau utilisable par les plantes : la profondeur du sol et celle de l’enracinement, la texture et la structure du sol, et enfin la teneur en matière organique.

1 - Des racines qui explorent en profondeur

Le premier facteur qui joue sur la taille du réservoir en eau utilisable est la profondeur du sol, mais aussi le type de culture en place, et donc sa profondeur d’enracinement et sa densité de racines. Plus ce tissu racinaire explore le sol, plus le réservoir utilisable augmente.

Une luzerne ou un sorgho peuvent davantage coloniser le sol qu’un maïs. Certaines espèces sont réputées pour leur travail en profondeur grâce à leur racine pivot, comme la féverole (100 cm de profondeur). Le seigle forestier est aussi réputé pour aller très profondément (plus de 150 cm).

« Pour les cultures pluriannuelles comme les prairies, si elles sont bien conduites, on peut s’attendre à une exploration profonde des racines », indique Romain Tscheiller, d’Arvalis. « Les prairies multiespèces ont approximativement la réserve utilisable de l’espèce dominante », ajoute Jean-Louis Durand.

À l’inverse, un pois de printemps a une capacité d’extraction plus faible qu’un maïs ou un ray-grass anglais. Les associations avec des enracinements différenciés permettent de valoriser l’eau sur toute la profondeur du réservoir, « mais les plantes à enracinement profond utilisent aussi l’eau superficielle : l’avantage de la coopération entre espèces pour la ressource en eau est finalement très rarement démontré en cas de sécheresse », précise Jean-Louis Durand.

Pour une même espèce, la profondeur d’enracinement des variétés semées en automne est plus élevée que celle des variétés semées en fin d’hiver et au printemps.

2 - Connaître la texture de son sol

Le taux d’argile, de limon et de sable, ainsi que la présence de cailloux sont des facteurs clés du réservoir utilisable. Plus les éléments sont fins, plus la capacité du sol à retenir l’eau est importante. Malheureusement, l’agriculteur n’a pas de possibilité d’agir sur ce facteur.

 

 
Sécheresse : Quatre clés pour augmenter le réservoir utilisable du sol

 

3 - Améliorer la structure du sol est le premier levier

La présence de macropores et de macroagrégats fait que la structure d’un sol est aérée. L’eau y pénètre, est stockée et circule. Le complexe argilo-humique (association d’humus et d’argile qui retient des cations échangeables tels que les ions calcium, magnésium, potassium…) permet des agrégats plus stables.

Plus le système racinaire des plantes améliore la structure du sol, plus le réservoir peut s’accroître. Les plantes fourragères réputées pour leur effet structurant sont la féverole, la luzerne, le radis et le colza fourrager pour le travail en profondeur de leur racine pivot, le seigle forestier pour son système racinaire dense et le ray-grass d’Italie pour son travail en surface.

L’eau de pluie va pouvoir s’infiltrer plus facilement dans le sol. Elle évitera de ruisseler en érodant la surface. Dans le sol, elle sera retenue dans les pores fins, d’autant plus stables que le complexe argilo-humique est bien réparti, et captée par les racines des plantes.

À l’inverse, un sol fermé et compacté aura des incidences négatives. L’eau de pluie ne parviendra pas à s’infiltrer et érodera une partie de la terre. Les cultures s’implanteront difficilement et les racines auront du mal à coloniser le sol. Cela réduit non seulement le réservoir utilisable, mais cela met aussi en difficulté les plantes face au stress hydrique, surtout les cultures de printemps.

Le chercheur Jean-Louis Durand insiste : « Il faut déjà veiller à ne pas réduire le réservoir utilisable en évitant le compactage du sol. » Pour cela, il faut éviter de travailler dans des parcelles non portantes.

4 - Le rôle de la matière organique est secondaire

« Les systèmes agricoles sont tellement dégradés en matière organique – une teneur moyenne correcte est de 25-30 g/kg de terre – que cette piste revient souvent dans les solutions pour améliorer le réservoir utilisable. Dans les faits, elle est secondaire : environ dix fois moindre que l’effet structuration du sol grâce aux racines des couverts », expose Jean-Louis Durand.

Romain Tscheiller, d’Arvalis, indique qu' « il y a des références sur le fait qu’une augmentation de matière organique permet d’augmenter la porosité totale du sol, de stimuler l’activité biologique et d’améliorer de façon générale les propriétés physiques du sol, dont la capacité du sol à laisser s’écouler l’eau. Elle favorise l’infiltration de l’eau et l’aération du milieu. Mais l’augmentation de la matière organique doit être conséquente pour espérer un effet direct sur le réservoir utilisable. Attention donc, ce n’est pas une solution miracle. De plus, pour obtenir une franche hausse de la teneur en matière organique, il faut plusieurs années de pratique de l’agriculture de conservation des sols pour quelques millimètres de réservoir gagné ».

De plus, selon une étude de l’Inrae, l’enrichissement en matière organique a plus d’impact sur le réservoir utilisable d’un sol sableux que sur un sol argileux.

Romain Tscheiller conclut : « Le point de vigilance est la structure du sol. Persister à ne pas vouloir travailler le sol si son état le nécessite sera plus perdant à cause de l’effet négatif de la structure du sol sur le réservoir utilisable, que gagnant avec une hausse de la matière organique. Nous conseillons dans ce cas-là, de procéder à un décompactage. »

Le mot de la fin revient à Jean-Louis Durand qui souligne le rôle idéal de «l'association entre les cultures et les animaux, qui apportent simultanément du carbone et d'azote dans les sols».

Définition

L’expression « réserve utile » s’est changée en « réservoir en eau utilisable », pour souligner que l’on parle bien de la capacité du sol à fournir de l’eau à la plante. C’est la quantité d’eau que le sol peut stocker et restituer aux plantes.

Le rôle de la végétation environnante à ne pas négliger

 

 
Sécheresse : Quatre clés pour augmenter le réservoir utilisable du sol

 

En prenant un peu plus de recul, le rôle des arbres, des couverts végétaux et des milieux humides est à considérer dans les cycles de l’eau.

Favoriser le remplissage du réservoir. Les arbres et les couverts végétaux participent à la structuration du sol en favorisant l’infiltration de l’eau dans le sol. Ils émettent de l’eau par évapotranspiration, qui entre dans un cycle de l’eau important. « Le premier effet des arbres sur le cycle hydrologique est de consommer de l’eau du sol. Leur effet positif sur les pluies est de troisième ordre. En contexte agricole, l’effet positif des arbres et des couverts végétaux se situe plutôt sur la limitation des pertes d’eau », nuance Jean-Louis Durand, de l’Inrae.

Limiter les pertes en eau du réservoir. Les végétaux et les arbres réduisent l’évapotranspiration des sols et des cultures qu’ils protègent par leur ombre et un effet brise-vent. Les racines limitent la lixiviation – pertes d’eau et de nutriments en profondeur. Le couvert végétal et le travail des racines réduisent le lessivage par le ruissellement de l’eau en surface.

Des amendements pour améliorer la structure du sol

L’amendement calcique – sur des sols acides – contribue à maintenir une bonne structure du sol, via la consolidation du complexe argilo-humique.

Le BRF bois raméal fragmenté –, en stimulant la vie dans le sol, contribue à améliorer la structure de sol et la teneur en matière organique. Attention, il peut conduire à une faim d’azote de la culture. Pour limiter la faim d’azote, il convient d’amender quand la plante a moins besoin d’azote. Amener de l’azote avec le BRF n’est souvent pas possible, car il est amené en période de drainage. Une piste est de conduire une légumineuse (sans apport d’azote) bien avant d’amender en BRF, avant l’implantation de la culture.

Selon Arvalis et l'Inrae, les rétenteurs d’eau et les stimulateurs d’enracinement n’ont pas fait leur preuve pour améliorer le réservoir utilisable. Sans doute parce qu’ils n’ont pas un rôle majeur. Il faut d’abord travailler les autres leviers avant de les tester.

Réduire la dépendance à l’eau

Pour réduire les besoins en eau, un important levier est de jouer sur les espèces et les variétés cultivées.

Le choix des espèces fourragères est un levier majeur pour mieux valoriser le réservoir en eau utilisable. Une adaptation possible est de réduire les surfaces en cultures de printemps, plus sensibles au stress hydrique et de développer les cultures pluriannuelles comme les prairies multiespèces et la luzerne, car elles résistent mieux au manque d’eau une fois installée.

 

 
champs de teff grass
Le teff grass fait partie des fourragères réputées résistantes à la chaleur et au manque d'eau. © Emergence

 

L’autre piste développée est la diversification des fourragères avec des espèces qui produisent en été avec peu d’eau comme le sorgho multicoupe ou BMR, le moha, le teff grass, la luzerne, la betterave ou encore les arbres fourragers. « Et d’autres espèces qui se mettent en dormance en période chaude et sèche et repartent rapidement dès le retour des pluies en fin d’été-automne. C’est le cas de certaines luzernes, certains dactyles et certaines fétuques », ajoute Jean-Louis Durand, de l’Inrae.

Réduire les besoins des vaches l’été

Une stratégie est d’esquiver la sécheresse en semant des cultures à l’automne et en les récoltant avant les périodes de sécheresse. C’est le cas des méteils par exemple. Ou de maximiser la production en automne-hiver, avec du pâturage hivernal, du colza fourrager… Elle va de pair avec une augmentation du tarissement des vaches en été pour réduire les besoins du troupeau l’été.

Attention au surpâturage

Enfin, les prairies ne seraient pas si sensibles que cela à la sécheresse, en évitant les espèces et variétés trop sensibles aux hautes températures. Jean-Louis Durand insiste sur la conduite des prairies : « La dégradation des prairies en été est plus liée au surpâturage qu’à la sécheresse. »

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