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« Nous valorisons des ensilages d’herbe de qualité »

Au Gaec Des 4 Extrémités, dans le Nord, de la fertilisation à la reprise de l’ensilage d’herbe au silo, l’itinéraire technique est sans faille. Une rigueur payante.

Installés à Houtkerque, à 1,5 km à vol d’oiseau de la Flandre belge, Luc et Chantal Verhaeghe et leur fils Sébastien gèrent une exploitation de 90 hectares et un troupeau de 60 Holstein à 10 000 kilos. La proximité géographique avec la Belgique a joué un rôle fondamental dans le retour de la culture de l’herbe dans ce secteur des Flandres françaises. « De l’autre côté de la frontière, il y a beaucoup de bonnes prairies naturelles et les éleveurs s’en sortent bien. Je me suis dit qu’il n’y avait pas de raison pour qu’on ne puisse pas en faire autant », relate Sébastien Verhaeghe.

Au Gaec, jusqu’en 2014-2015, l’herbe était moins présente dans la ration des vaches. « À l’époque, on achetait beaucoup trop de concentrés (220 g /l). » Agathe Vandaele, d’Avenir Conseil élevage, leur propose alors d’améliorer la ration des vaches grâce notamment à l’utilisation d’ensilage d’herbe de qualité. « En 2008, nous ensilions une dizaine d’hectares de RGI. Depuis six ans, nous ensilons une vingtaine d’hectares auxquels s’ajoutent une quinzaine d’hectares de prairies naturelles. »

Une économie de 25 000 euros sur les achats de concentrés

Au fil des années, le coût alimentaire des vaches laitières diminue progressivement jusqu’à 93 euros pour 1 000 litres en 2019 contre 115 euros pour 1 000 litres en 2014-2015. La quantité de concentrés distribués a été réduite à moins de 100 g/l. Sur la même période, le coût de concentré est passé de 80 à 48 €/1 000 l. « En baissant nos achats de concentrés de 72 tonnes à 350 euros la tonne, nous sommes allés chercher un billet de 25 000 euros », constate avec satisfaction Luc Verhaeghe. Le tout sans pénaliser la moyenne d’étable ni les taux. En 2019, le troupeau a affiché une moyenne de 10 450 kg de lait standard au contrôle laitier avec des taux laiterie de 43,5 g/l pour le TB et de 34,1 g/l pour le TP. « En décembre le TB a même grimpé jusqu’à 47,7 g/l et le TP à 37,4 g/l », souligne Benoît Verriele, d’Avenir Conseil élevage. Le Gaec a bénéficié de 50€ de prime qualité en novembre et décembre grâce aux taux.

 

 
La ration des vaches se compose de 20 kg d’ensilage d’herbe, 30 kg d’ensilage de maïs, 16 kg de betterave (remplacée par de la pulpe surpressée en été), 2,7 kg de tourteau de soja et de tourteau tanné pour les vaches à plus de 30 l, 140 g de carbonate de calcium, 30 g de sel, 75 g de minéral et 55 g de bicarbonate de sodium. © F. Mechekour

F. Mechekour

« Les associés ont réduit le coût alimentaire parce qu’ils ont fait confiance à la qualité des fourrages qu’ils distribuent. Cela évite de gâcher des concentrés. La diminution du coût de concentrés est principalement liée à la baisse des quantités utilisées permise par l’emploi de fourrages de qualité ; notamment un ensilage d’herbe riche en azote et du maïs mûr associé à un aliment énergétique (betterave ou pulpe surpressée) », précise Agathe Vandaele. Détail important, les betteraves (2,5 à 3 kg MS/VL/j) sont préalablement déterrées puis découpées en petits morceaux pour favoriser leur consommation.

Du sursemis sur les prairies naturelles

Les associés ont mis en place une organisation et des choix techniques leur permettant de produire des ensilages d’herbe de qualité. Leur teneur en matière sèche oscille autour de 38 %. « L’objectif est de dépasser 40 % pour limiter le risque de développement des spores butyriques et augmenter la teneur en PDIE du fourrage », souligne Agathe Vandaele.

Les teneurs en matière azotée (16 à 18 %) et en énergie (0,88 à 0,90 UFL/kg MS) sont également bonnes. « Quand la teneur en MAT atteint 18 %, la substitution de 4 kg MS d’ensilage de maïs par autant d’ensilage d’herbe permet d’économiser 1 kg de tourteau de soja/VL/j », précise Benoît Verriele. Récoltés à un stade précoce, les ensilages d’herbe ont également permis d’apporter suffisamment de fibre de qualité (plus de 220 g de cellulose brute/kg MS). Un bon point pour le TB et la maîtrise du risque de subacidose. Qu'ils soient issus de prairies naturelles ou de RGI, la qualité des ensilages est au rendez-vous. « Depuis six ans, on sursème un mélange (20 kg/ha) à base de ray-grass hybride, ray-grass anglais et fétuque pour améliorer la qualité des prairies naturelles qui ont tendance à se dégrader. Mais ce n’est pas une réussite à 100 % », reconnaît Sébastien Verhaeghe. Seules les deux premières coupes sont réservées aux vaches.

La gestion du RGI fait également l’objet d’une planification rigoureuse. « Mi-février, dès que les terres portent, nous épandons 100 unités d’azote sur le RGI et nous recommençons trois ou quatre semaines plus tard. Il faut qu’il soit bon à faucher autour du 10 avril pour pouvoir faire du maïs en toute sécurité derrière », explique Sébastien. « Arvalis conseille d’apporter de l’azote minéral ou du lisier dès qu’on atteint une somme de température de 200 °C depuis le 1er janvier », souligne Benoît Verriele. L’outil Date N’Prairie (site gratuit) permet de connaître la date dans son secteur géographique. Cette année, ils ont été atteints dès le 1er février. 

Du RGI fauché et fané dans l’après-midi

 

 
Le RGI et les deux premières coupes de prairies naturelles sont ensilés et distribués aux vaches laitières © F. Mechekour

F. Mechekour

« L’idéal, c’est de récolter le RGI au stade deux nœuds (épi à 8-10 cm dans la gaine). Mais si la météo ne le permet pas, mieux vaut le récolter plus tôt que plus tard », estime Sébastien. Au Gaec, la qualité prime en effet sur le rendement. Pour optimiser les chantiers de récolte, la faucheuse est révisée en amont et l’ensileuse est réservée le plus tôt possible. « Il faut trois ou quatre jours de beau temps séchant. Attention donc au brouillard. C’est stressant quand il y a 20 hectares d’herbe à terre », reconnaît Luc Verhaeghe. L’herbe est fauchée l’après-midi. « Le fourrage est plus sec et la terre ne colle pas dessus. Il est plus facile à faner », souligne Sébastien. « Avec la faucheuse conditionneuse frontale et latérale, on peut faucher 25 hectares de RGI entre 12 h et 20 h. Tout est fané dans la foulée pour améliorer l’éclatement du fourrage. Si c’est nécessaire, nous fanons deux fois. Nous avons la chance de pouvoir compter sur l’aide de mon oncle quand il faut récolter l’herbe. Cela permet d’avancer et d’être réactif. »

Un conservateur d’ensilage depuis l’année dernière

Côté conservation, la taille des silos est adaptée à une vitesse d’avancement suffisante. Par ailleurs, depuis 2019, l’ensileuse est équipée d’un applicateur de conservateur. Le Gaec n’a pas hésité à saisir cette opportunité. Jusqu’ici, les conservateurs n’étaient utilisés que sur l’ensilage de maïs pour compenser les difficultés à le tasser correctement (le tas est trop haut). « Quand on rentre trop de terre, on ne peut malheureusement rien rattraper avec un conservateur. Pour limiter les risques, nous nivelons le sol avec un passage avec un rouleau cambridge au plus tard une semaine après le semis. L’idéal est de pouvoir semer le RGI entre le 10 et 20 septembre. Avant, il est trop haut pour pouvoir passer l’hiver et après il n’est pas assez développé pour avoir un bon démarrage », explique Sébastien. « Les graines de RGI étant petites, pour réussir son semis il faut éviter de laisser des « ruks » (mottes de terre). »

Au final, les associés ont la main sur tous les paramètres, à l’exception de la météo. Quoique... « En s’organisant bien, on peut jongler avec la météo », estime Sébastien.

Avis d'expert : Agathe Vandaele, Avenir Conseil élevage

« Le point fort, c’est que l’herbe est cultivée »

 

 
Agathe Vandaele, Avenir Conseil élevage. « Le point fort, c’est que l’herbe est cultivée. » © F. Mechekour

F. Mechekour

« Le point fort dans cet élevage, c’est que l’herbe est cultivée. L’augmentation du coût à l’hectare d’herbe de 186 euros en 2014-2015 à 551 euros en 2018-2019 illustre le travail réalisé sur l’herbe pour parvenir à réduire le coût alimentaire sans nuire aux performances des vaches. Les associés n’ont pas l’impression de faire des choses extraordinaires pour obtenir un ensilage d’herbe de très bonne qualité. Mais ils maîtrisent toutes les étapes de la fertilisation jusqu’à la reprise du fourrage au silo. Ils consultent la météo tous les jours à partir du 1er avril pour faucher et récolter l’herbe dans de bonnes conditions. Le matériel est toujours près. La taille des silos est adaptée à la quantité d’ensilage récoltée. »

Chiffres clés

SAU : 90 ha dont 22 ha de pâtures, 20 ha de blé, 17 ha de maïs ensilage, 25 ha de RGI, 1,5 ha de betterave fourragère et 25 ha de pommes de terre
Cheptel : 60 Prim’Holstein à 10 000 kg
Coût alimentaire en 2019 : 93 €/1 000 l dont 48 €/1 000 l pour les concentrés
Main-d’œuvre : 3 UMO

Un regain d’intérêt pour l’herbe dans les Flandres

Avenir Conseil élevage s’est inspiré des voisins belges dans un travail fait au niveau du projet européen Interreg « Protécow » pour promouvoir l’utilisation de l’herbe.

Il y a une quinzaine d’années, dans les Flandres, l’herbe n’avait pas bonne presse. « Ici, les terres ont un gros potentiel. Le modèle intensif est prédominant. L’herbe, on la subissait pour des raisons réglementaires ou parce que les terres n’étaient pas labourables », explique Benoît Verriele, d’Avenir Conseil élevage. Il se faisait bien un peu de RGI en dérobée, mais le maïs était souvent pénalisé à la fois sur le plan du rendement et de la qualité car il était semé trop tard et récolté trop tôt. « Il y avait beaucoup de rations avec maïs en plat unique et les troupeaux étaient en subacidose. Les TB étaient faibles, mais à l’époque ce n’était pas grave puisqu’il y avait un quota sur la matière grasse. »

 

 
 © F. Mechekour

F. Mechekour

Des troupeaux en subacidose et des TB faibles

Avec la fin de ce quota, le TB et l’herbe bénéficient d’un regain d’intérêt. D’autant que de l’autre côté de la frontière, les éleveurs belges maîtrisent très bien les rations à base d’herbe. « Nous avons visité un élevage à 10 000 kg de lait avec 43 de TB et 37 de TP. Dans ce type de troupeau, l’ensilage ou l’enrubannage d’herbe peuvent représenter jusqu’à un quart des fourrages distribués. Nous avons finalement beaucoup copié sur la Belgique », explique Benoît Verriele. L’herbe est également un bon moyen de réduire le coût alimentaire. Cet argument a pesé dans la balance lors de la crise laitière de 2016. « La région est passée en quelques années de zéro élevage cultivant l’herbe à environ huit sur dix, relate le conseiller. Il n’y a quasiment plus de pénalités matière grasse. »

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