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« Nous avons calé l’assolement aux besoins du troupeau »

Au Gaec de la Grande Artoire, en Ille-et-Vilaine, Mickaël Vallée et Marc-Antoine Guérin ont fait appel à un nutritionniste et à un agronome pour gagner en autonomie et booster leur EBE. 

Trouver une solution pour améliorer son EBE, telle était la motivation de Mickaël Vallée lorsqu’il a pris rendez-vous avec son conseiller de gestion en 2015. Une motivation renforcée par le rachat des parts de sa mère partie à la retraite. À l’époque, Mickaël avait un contrat de 529 000 litres de lait, produits par une soixantaine de Prim’Holstein. La surface était limitée à 55 hectares, dont 37 hectares de prairies. « Je poussais trop mes vaches pour produire ma référence. Je les mettais en acidose. Les taux n’étaient pas bons et le coût alimentaire était trop élevé », explique l’éleveur. L’EBE avoisinait 53 000 euros pour une UTH avec un prix du lait à 322 euros pour 1 000 litres et un coût de concentré de 102 euros pour 1 000 litres (coût total des concentrés y compris ceux consommés par les taries, le prétroupeau, les vaches à l’engrais…).

Son conseiller de gestion lui suggère alors de prendre contact avec Jean-Marc Héliez, vétérinaire-nutritionniste au sein du groupe Chêne vert conseil. Trois ans plus tard, l’EBE grimpe à 95 000 euros, toujours pour une UTH avec 610 000 litres de lait livrés (335 €/1 000 l) et un coût de concentré réduit à 66 €/1 000 l, sans augmenter le nombre de vaches. Le tout sans révolutionner le système, mais en l’optimisant. Jean-Marc Héliez a proposé de remettre à plat la stratégie alimentaire. « Nous avons mis l’accent sur la recherche d’une autonomie totale en énergie et la plus élevée possible en protéines sans rogner sur le potentiel de production des vaches », explique le vétérinaire.

Atteindre 100 % d’autonomie en énergie

L’optimisation de la composition des rations et la chasse aux gaspis (moins d’animaux improductifs, diminution de l’IVV, maintien du taux de renouvellement autour de 25 %…) ont été des leviers utilisés pour améliorer l’efficacité alimentaire. L’introduction de maïs grain en farine et de l’ensilage de luzerne dans la ration, l’optimisation du pâturage… ont contribué à l’amélioration des résultats. « J’ai pu fermer le silo de maïs du 20 avril au 20 mai en 2018 et 2019, tout en maintenant la production des vaches à 27-28 l/j contre 31-32 l avec la ration hivernale, et sans dégrader la reproduction. J’espère que nous pourrons en faire autant cette année », indique Mickaël Vallée. Selon les prévisions, quand le silo sera fermé au printemps prochain, l’herbe pâturée sera complétée par 1,2 kg de foin coupé au rotocut, 4 à 4,5 g MS d'ensilage maïs épi, 180 g de CMV + 40 g de magnésie, 60 g de sel, mais aussi en moyenne 700 g d'orge et 900 g de correcteur tanné distribués au DAC.

Pour aller jusqu’au bout de la démarche, il faut aussi faire coïncider l’assolement avec les besoins du troupeau. C’est ici qu’entre en scène Amaury Delacour, consultant indépendant en agronomie-productions végétales chez Ter-Qualitechs. Son rôle ? Travailler en collaboration avec le nutritionniste intervenant sur l’élevage, mettre en place un assolement et des variétés correspondant à la feuille de route proposée par le nutritionniste, choisir et optimiser toutes les productions végétales y compris les cultures fourragères (en tenant compte du contexte pédoclimatique, du contexte économique, du parcellaire…), suivre l’évolution des cultures...

Dès le printemps 2018, la réflexion menée par les deux conseillers a commencé à intégrer la création d’un Gaec avec Marc-Antoine Guérin en septembre 2019. Le Gaec possède un contrat de 1,1 million de litres de lait et une SAU de 110 hectares. La démarche est par conséquent actuellement en phase de transition. Mais les bases du raisonnement restent les mêmes, même avec l’arrivée d’un DAC. Pour atteindre l’autonomie énergétique, l’orge a fait son entrée dans l’assolement à raison de 6,5 hectares. « Nous avons défini cette surface sur la base d’un rendement moyen de 85 quintaux. Malheureusement, cette année les mauvaises conditions climatiques autour des semis (8 novembre) vont sérieusement pénaliser les rendements. Ainsi, pour l’instant, la prévision de rendement se ferait sur 60 à 65 quintaux, souligne Amaury Delacour. L’assolement est fixé pour cette année, mais une augmentation de la part des cultures de ventes, et notamment des céréales, est prévue à l’avenir. Cela permettra entre autres de pallier ce type d’aléas. »

Intégration de 6,5 ha d’orge dans l’assolement

« L’orge est un bon compromis entre le prix de revient (130 €/t granulation comprise sur une base de rendement de 85 q/ha), la facilité de stockage et une utilisation dans un DAC. Le risque d’acidose est intermédiaire entre celui de la farine de maïs et le blé », précise Jean-Marc Héliez.

Les besoins en surfaces de maïs ont été estimés à 43 hectares, dont 5 à 6 hectares en ensilage de maïs épi sur la base d’un rendement moyen de 17 t MS/ha (10 t MS/ha pour le maïs épis). « Le rendement et le stade de récolte sont deux critères très importants. Mais il ne faut surtout pas négliger le choix des variétés. Quand les conditions pédoclimatiques le permettent, je préconise d’utiliser des maïs dentés-farineux pour avoir un maximum d’amidon disponible tout en essayant de conserver une bonne digestibilité de la tige. Avec ce type de variétés, quand les conditions de végétation sont favorables, on peut ensiler des maïs à 38 % MS, 38 % d’amidon et obtenir une valeur de 0,98 UFL. On pourrait dans ce cas se passer du maïs épi », explique Jean-Marc Héliez.

Dans cette région, le choix en variétés de maïs denté-farineux est cependant restreint. « Peu de variétés correspondant aux précocités cultivables sur le secteur sont disponibles sur le marché », constate Amaury Delacour. Ce dernier a donc préconisé de semer trois variétés de précocités différentes (indice 260-280) pour limiter le risque climatique. « Le choix définitif sera ajusté par parcelle et en fonction du mode de récolte du maïs et de la disponibilité des variétés. »

21 hectares de prairies accessibles aux vaches

Le parcellaire a été remanié suite au regroupement des deux exploitations, de façon à conserver un système pâturant. « Nous avons réimplanté 3,5 hectares de prairies près de la stabulation pour avoir 21 hectares de prairies accessibles aux vaches et labouré 13 hectares plus éloignés. » Le choix des variétés a été réalisé en cohérence avec le contexte pédoclimatique et le mode d'exploitation. Les prairies pâturées se composent de RGA tétraploïde très tardif (15 kg/ha), de RGA diploïde très tardif (7 kg) et de trèfle blanc nain (4 kg). Pour les prairies de fauche potentiellement humides, le mélange choisi est à base de fétuque élevée très tardive (16 kg), RGA diploïde très tardif (5 kg) et trèfle blanc géant agressif (5 kg).

L’autonomie protéique a été améliorée par l’introduction de 6 hectares de luzerne dans l’assolement avec un potentiel de rendement de 14 tMS/ha. « Nous n’avons pas choisi d’association avec du trèfle violet parce que les parcelles sont saines et homogènes et tout à fait adaptées pour une bonne valorisation de cette culture », précise Amaury Delacour. Ensilée au stade début bourgeonnement (4 coupes par an), la luzerne est distribuée à raison de 4-5 kg MS/VL/j d’octobre à avril. Elle sera retournée après trois ans d’exploitation.

« Avec 4-5 kg MS de luzerne dans la ration, on est encore loin de l’autonomie protéique, mais c’est un début. Plus d’autonomie protéique passerait par une part plus importante de légumineuses et autres méteils protéagineux, ainsi que plus de maïs épis ou de maïs grain humide. À voir à l’avenir si cela passe au niveau de l’assolement, du stock fourrager et de l’organisation du travail… », précise Jean-Marc Héliez.

La volonté de concentrer la ration en énergie associée au regroupement des deux troupeaux et à la finition des vaches de réforme ont nécessité l’achat de 27 tonnes de maïs grain sec à 230 €/t en 2018… Grâce aux nouvelles orientations, le Gaec devrait se passer de ces achats et devenir totalement autonome en énergie dès cette année. L’autonomie en paille reste un autre défi à relever pour les associés. « Nous utilisons environ 100 tonnes de paille par an, dont 25 tonnes de paille ensilée (ration des taries et paillage des logettes) achetée (130 €/t en 2019). Le prix de la paille va continuer d’augmenter, d’où notre souhait d’en acheter moins. »

Franck Mechekour

Chiffres clés

2 associés dans le Gaec  + un apprenti
110 ha dont 43 ha de maïs, 6,5 ha d’orge, 6 ha de luzerne et 55 ha de prairies (21 ha accessibles aux vaches)
105 Prim’Holstein
9 800 l à 43,5 g/l de TB et 33,5 g/l de TP

Avis d'expert : Jean-Marc Héliez, vétérinaire-nutritionniste

« Une autonomie énergétique de 100 % »

F. Mechekour

« Mickaël et Marc-Antoine veulent préserver le potentiel de production de leurs vaches tout en améliorant l’autonomie de leur système. D’où le choix d’intégrer de l’orge et de la luzerne dans l’assolement mais aussi de préserver une part importante de pâturage au printemps. L’emploi de maïs denté-farineux avec un taux de matière sèche autour de 38 %, une coupe fine (autour de 10 mm pour favoriser l’ingestion, la conservation et limiter le tri de la ration par les vaches) et un bon éclatement du grain lors de l’ensilage sont des bons leviers pour améliorer l’autonomie énergétique de l’élevage. »

Un mash fermier à 19 % de protéines

Ce mash est un aliment pratique, bien consommé et économique pour booster la croissance des génisses jusqu'à 7-8 mois.

F. Mechekour

L’amélioration du coût alimentaire global du troupeau passe notamment par une diminution du nombre de génisses élevées. « Avec un taux de renouvellement peu élevé (moins de 30 %), on limite aussi le taux de primipares dans le troupeau en lactation, ce qui améliore l’efficacité alimentaire globale », précise Jean-Marc Héliez. La baisse de l’âge au premier vêlage est un des leviers utilisés au Gaec. « Nous voulons passer de 24-25 mois à 22 mois. On y arrive facilement avec des génisses qui pèsent 240 kg à 6 mois », soulignent Mickaël et Marc-Antoine. Durant la phase lactée, les veaux consomment 1 100 g de poudre de lait par jour dès la deuxième semaine. Ils sont sevrés à 10 semaines. Ils consomment un mash fermier jusqu’à l’âge de 7-8 mois. Le mash se compose d’orge, de soja, de coque de soja, de foin, de minéral et de mélasse. « Ce mash contient 19 % de protéines et seulement 20 % de fibres. Son prix de revient est de 210 €/t. En plus d’être pratique, il est bien consommé et économique, explique Jean-Marc Héliez. Et comme il est bien mélangé et la fibre finement hachée (3/4 d’heure), les génisses ne peuvent pas faire de tri. » Pour des raisons d’organisation de travail, les génisses de première année ne pâturent pas.

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