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« Notre soja pour nos vaches, c’est notre culture depuis 2009 »

Hervé Chambe, au Gaec du Coteau ensoleillé, en Savoie, produit 80 tonnes de soja pour ses 73 hautes productrices, distribuées sous forme de graine aplaties. Une conduite menée avec passion pour la vie du sol et dans un souci de rentabilité.

Le soja au Gaec du Coteau ensoleillé est presque une tradition maintenant. « Mes parents cultivaient déjà la variété canadienne Mapple Arrow, se remémore Hervé Chambe, associé avec son frère Michel, dans l'avant-pays savoyard. Nous sommes tous les deux d’accord sur l’orientation de notre système en général, et sur le soja en particulier. » La ferme se situe à 450 mètres d’altitude, dans une zone de collines, aux sols sablo-limoneux, sensibles à l’érosion. « Nous avons profondément modifié notre système il y a dix-neuf ans, avec le passage en semis direct sous couvert végétal, une révolution à l’époque, et la livraison de notre lait en IGP tomme de Savoie, donc l’abandon de l’ensilage de maïs en plante entière. »

« L’an dernier, en juillet, l’aspect du soja était extra, on espérait une belle production, et on n'a récolté que 20 quintaux, ce qui reste honorable en non-irrigué. Cette année, c’était le contraire, le soja ne payait pas de mine, et au final on a pourtant moissonné 35 quintaux ! » Bon an, mal an, le soja tire chaque année son épingle du jeu avec un rendement moyen de 28 quintaux par hectare. « Par contre, il ne faut pas trop se fier à l’aspect de la culture, et celui qui est habitué au maïs doit changer ses repères. »

Le point sensible, c'est le désherbage

La culture du soja revient tous les trois ans sur une même parcelle, parfois tous les deux ans. La rotation classique est maïs, céréale et soja. L'inoculation avec de nouveaux produits, dont l’emploi en période sèche est plus souple, revient à 25 euros. « Je pourrais presque me passer d’inoculer les graines, mais je continue de le faire par sécurité, surtout quand je pense à la restitution de l’azote dans le sol pour les prochaines cultures (35 UN) », estime Hervé. Il recourt à deux variétés double zéro – Semafor pour la plus précoce et Primus pour la plus tardive – pour s'adapter à la parcelle et aux dates.

« Le trieur nous permet d’avoir des graines propres ; de nombreuses grilles sont indispensables. »
« Le trieur nous permet d’avoir des graines propres ; de nombreuses grilles sont indispensables. » © T. Hétreau

Le semis intervient début mai avec un semoir Semeato pour semis direct de 3,20 mètres de largeur, acheté en 2002 (environ 45 000 €) et servant à toutes les cultures. Le semis sous couvert de seigle forestier, détruit au  glyphosate, limite le salissement. « Je fais attention à la rémanence du produit, le soja y est sensible. Avec trois semaines de délai, je suis tranquille. » Une grande attention est portée au désherbage, point sensible de la culture, surtout dans les zones où l’ambroisie menace. « On utilise du Pulsar, en un à deux passages, et parfois un antigraminée », précise Hervé. Pour l’anecdote, il a remarqué que les corneilles sont moins friandes de soja que de maïs, dont certaines parcelles ont été détruites au printemps. Les apports d’engrais se limitent aux effluents mis sur les couverts végétaux précédant le soja.

« Notre soja pour nos vaches, c’est notre culture depuis 2009 »
© T. Hétreau

La récolte a lieu mi-septembre, en visant moins de 14 % d'humidité, mais il arrive parfois de récolter à 16 ou 18 %. C'est pourquoi la conservation se fait en cellules ventilées. Pour assurer une bonne conservation et stocker des graines propres, le Gaec recourt à un trieur à grains équipé de nombreuses grilles de différents maillages. Cela facilite aussi la production de semences. 

Le soja présente des avantages agronomiques indéniables, mais qu'en est-il de sa valorisation pour les vaches ? Pour cet élevage en filière tomme de Savoie, les graines de soja constituent une source azotée tracée non OGM. « En plus des protéines, elles ramènent aussi de l'énergie dans le régime grâce à leur richesse en matière grasse. »

La seule contrainte, c'est l'aplatissage quotidien

La ration hivernale des hautes productrices se base sur un mélange de foin et de regain (12 kg), mélangé à du maïs épi (10 kg brut), du soja (3 kg) ainsi que de l’avoine (1kg). Le soja est distribué sous forme de graine crue aplatie tous les jours, faute de stockage, même si certains ne le font qu'une fois par semaine. La ration est distribuée deux fois par jour avec une mélangeuse Supertino à trois vis. La totalité des 80 tonnes de soja récoltées sont consommées par les vaches qui pâturent autour de la ferme. Un DAC distribuant quatre aliments, dont un tourteau soja-colza acheté, complète la ration.

Les graines se conservent bien d'une année sur l'autre.
Les graines se conservent bien d'une année sur l'autre. © T. Hétreau

L’année 2021 a été compliquée pour la récolte de la luzerne, implantée sur 35 hectares. « Difficile d’avoir une semaine de beau pour préserver la qualité de la luzerne en balles rectangulaires, nous n’avons fait que deux coupes. Le soja nous sauve la mise au niveau des protéines. » Hervé précise qu’il ne peut pas non plus compter sur la féverole dont les rendements, chez lui, à 18 quintaux sont trop faibles, et non compensés par la teneur en matière azotée faible. « Elle me sert plus pour les couverts végétaux que pour la ration. »

« Cette année, encore plus que les autres, je vais m’arranger pour stocker l'intégralité de la récolte de soja, quitte à en mettre en big bag, conclut l'éleveur. Même si on m’en proposait 1 000 euros la tonne, ce n’est pas sûr que je le vende ; car outre la valeur azotée, il ne faut pas oublier la valeur énergétique très élevée du produit. Nos taux protéiques forts (33,2 g/kg contre 32,4 pour le groupe) en témoignent. » 

 

Recours aux semences fermières

Dans un souci d’économie, la ferme produit ses propres semences. « Si je devais les acheter, j’en aurais pour 200 € l’hectare, alors que mon soja fermier ne me coûte que 50 €. Ce sont donc 150 € d’économisés, qui font surtout du bien l’année où je me prends un râteau », calcule Hervé. Pour être complet, il faut ajouter aussi l'analyse à 80 € pour certifier le caractère non OGM de la production. Et Hervé, qui insiste sur l’économie circulaire de son système, concède que de renouveler de temps à autre la génétique de ses semences pourrait quand même être bénéfique.

Chiffres clés

3 UTH
73 Prim'Holstein et Montbéliardes à 9 100 l
35 ha de soja sur 200 ha de SAU

Avis d'expert : Thibaut Ray, ingénieur Arvalis

« Le soja est semé sous couvert végétal »

Thibaut Ray, ingénieur Arvalis
Thibaut Ray, ingénieur Arvalis © Arvalis
« Hervé Chambe maîtrise son système de semis sous couverts végétaux. Nous suivons l'exploitation depuis plusieurs années à travers des analyses pointues, comme celles de l’évolution de la matière organique (quantité et fractionnement ; 20 % de matière organique sur argile à 20 cm de profondeur), ou bien encore l’activité microbienne. Les sols du Gaec sont proches de l’optimum avec, par exemple, près de 1 000 mg de biomasse bactérienne par kilo de terre fine, soit parmi les teneurs les plus élevées des référentiels actuels.  Son approche sur le long terme est vertueuse tant au niveau économique qu’au niveau de la richesse en carbone ou de la disponibilité de l’azote. L’implantation est l’opération culturale la plus essentielle. C’est pourquoi il doit fait preuve de technicité et de réactivité chaque année pour s’adapter aux conditions du moment. La marge de manœuvre est étroite entre la gestion d’un petit et d'un gros couvert végétal, ce dernier limitant les adventices mais pouvant gêner la levée. »

 

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