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« Nos brebis mangent comme les vaches »

Au Gaec du Bahac en Ille-et-Vilaine, Huguette et Thierry Simon se sont lancés avec passion et technicité dans la production ovine en complément de leur troupeau de 43 vaches laitières.

Éleveurs de 43 Prim’Holstein et leur suite à Saint-Méen-le-Grand, Huguette et Thierry Simon ont découvert l’élevage ovin lors d’une porte ouverte en 2006. « À ce moment-là, nous étions à un tournant professionnel. L’exploitation était bloquée dans ses possibilités d’agrandissement. Soit je retournais travailler à l’extérieur, soit nous trouvions une diversification pour compléter le revenu, raconte Huguette, le regard vif et décidé. Mais il nous tenait à cœur de continuer à travailler ensemble. » Les éleveurs, qui n’avaient jamais approché un mouton auparavant, ont découvert une production « sympa et compatible avec les vaches laitières ». « Nous avons vu que les moutons mangeaient comme les vaches ! Cette production est aussi plus souple grâce à une astreinte moins forte. Et surtout, elle nécessite beaucoup moins d’investissement. »

Une étude économique rapide a été présentée à la banque. « Nous nous sommes basés d’emblée sur une rentabilité haute avec une marge de 100 euros par brebis, se souvient Thierry. La banque nous a d’abord fait les gros yeux car nous n’avions pas d’expérience dans ce domaine. Mais finalement, elle nous a fait confiance et a financé l’achat de 196 agnelles (30 000 €) et le coût de la bergerie (90 000 € dont 15 000 € de subventions). »

Une race prolifique et un système de production accéléré

Dès 2007, les premières agnelles romanes (anciennement appelées Inra 401) arrivent donc sur l’exploitation. L’activité démarre sous le hangar à paille en attendant la construction d’une bergerie de 200 places. Tout a été autoconstruit sauf la charpente et la toiture. « Nous ne connaissions rien. Nous nous sommes fiés aux techniciens de la chambre d’agriculture et du groupement ! Heureusement qu’ils ont été de bon conseil !, apprécient les éleveurs avec le recul. Il est important de faire les bons choix de race et de système dès le début. » La race romane, issue d’un croisement Romanof, Berrichon du Cher, a été retenue car elle est prolifique, rustique, dotée de qualités maternelles et capable d’agneler toute l’année (désaisonnée). « Par contre, elle manque de conformation, c’est pourquoi nous avons croisées les agnelles avec des béliers charolais. » Toutes les brebis sont accélérées pour faire trois agnelages en deux ans « dans l’objectif d’un retour sur investissement plus rapide ». Les mises bas ont lieu en janvier, mai et septembre. Cette répartition est raisonnée pour s’intercaler entre les pointes de travail aux vaches et aux champs (semis de maïs, de blé) et étaler les sorties d’agneaux.

Guidés par la fibre éleveur et l’observation des animaux

« Tout le reste, le travail quotidien, le suivi et les soins aux animaux, nous l’avons appris sur le tas, témoignent les producteurs. C’est l’observation des bêtes et la fibre d’éleveur qui nous ont guidés. Au début, on se sent maladroits. Donner le biberon aux agneaux plutôt qu’aux veaux, c’est différent, mais on s’y fait vite ! » De nouveaux repères s’imposent. « Par exemple, la première année, nous avons perdu trois agnelles en raison d’une suralimentation. J’avais peur de ne pas suffisamment les nourrir, se rémémore Thierry. En fait, c’est vraiment à nous de les rationner. C’est impressionnant ce qu’elles mangent par rapport à leur poids (80 kg) ! » En lactation, les brebis consomment 3,5 kg MS d’ensilage de maïs, 400 g de correcteur azoté, plus 30 g de CMV. La même désileuse-pailleuse sert à distribuer la ration aux ovins et aux bovins, ce qui permet de diluer les charges de structure. À l’herbe de mars à octobre, les brebis pâturent 6 ha de ray-grass anglais-trèfle blanc qui leur sont réservés. Elles passent aussi derrière les vaches ou génisses, ce qui permet de nettoyer les refus et de maintenir les parcelles propres. Elles rentrent un mois avant l’agnelage, et restent en bâtiment jusqu’au sevrage, les agneaux étant intégralement élevés en bergerie.

En ce moment, les brebis rapportent plus que les vaches

Les résultats économiques ont été au rendez-vous dès la première année. Si bien qu’une seconde bergerie est construite en 2011 et que les éleveurs deviennent multiplicateurs l’année suivante. Ils ne se contentent plus de vendre des agneaux de 4 mois en filière qualité label rouge ou CCP(1), ils commercialisent aussi des agnelles (en race pure) à d’autre producteurs. Une marche supplémentaire est encore franchie en 2014 quand ils deviennent sélectionneurs et vendent alors des femelles pour la reproduction. S’ils possèdent aujourd’hui 350 mères dans trois bergeries, ils projettent de monter le troupeau à 450, car la demande est forte.

Les agnelles de reproduction sont vendues vers 35 kg à 4 mois pour un prix de 140 €. Les agneaux sont commercialisés, à un poids carcasse et prix moyen de 18,5 kg et 108 € par tête. Les résultats technico-économiques de l’élevage sont très bons. En moyenne sur 5 ans, la productivité se chiffre à 2,26 agneaux vendus par brebis et par an, la moyenne étant à 0,9 toutes races confondues. Et la prolificité est de 2,37 agneaux nés par brebis et par an. Le troupeau affiche aussi une bonne longévité pour le système choisi. Il reste encore une soixantaine de brebis achetées en 2006 ! « La clé de la rentabilité tient au nombre d’agneaux qui sortent de l’élevage plus qu’à la recherche de la conformité », considère Thierry.

En ce moment, les brebis rapportent plus que les vaches. L’EBE dégagé par UMO issu de l’atelier ovin s’élève à 65 000 €, contre 48 000 € pour l’atelier laitier (clôture juillet 2015). La marge brute par hectare de SFP ovins a été de 4 840 €/ha SFP consacrée aux ovins, contre 1 820€/ha SFP dédiée à l’atelier lait.

Des pics de travail importants en saison d’agnelage

Pourtant, l’élevage figure parmi les 10 % d’exploitations les plus efficaces du centre de gestion pour la partie laitière. « ça tourne bien car nous avons un système de production bien calé, des équipements simples et des bâtiments amortis, décrivent les éleveurs. Ceci dit, en 2009, nous nous sommes posés la question d’arrêter le lait. Mais nous sommes trop attachés au troupeau. Par contre, nous avons fait des coupes franches : arrêt de l’Upra, arrêt du contrôle laitier, insémination par l’éleveur. Aujourd’hui, avec la crise, la question revient sur la table. ça nous ferait mal au cœur d’arrêter le lait. On se laisse deux ans pour voir comment le vent tourne… »

C’est vraiment la passion de l’élevage qui anime ce couple qui ne compte pas ses heures. Leurs journées débutent à 6h et se terminent à 19h en temps normal et 23h pendant les agnelages (trois mois de l’année). « Nous devons être le plus présents possible car un agneau sur deux se trouve mal placé. C’est l’inconvénient avec les races prolifiques. Cette période est hyper prenante entre les mises bas et les soins aux agneaux jusqu’au sevrage à 2 mois. Nous ne pourrions pas nous en sortir sans bâtiments fonctionnels. »

(1) Certification conformité produit.(2) Portes ouvertes sur l'élevage le 18 juin.

Chiffres clés

90 ha, dont 30 ha de prairies, 30 ha de maïs et 30 ha de céréales

411 000 l produits

43 Prim’Holstein à 9 500 kg

350 brebis romanes

2 UMO (0,75 UMO ovins, 0,75 UMO lait, 0,5 UMO cultures)

« Les éleveurs laitiers font de bons éleveurs de moutons »

La filière ovins viande recherche des producteurs. "Il y a de la place sur le marché. Seulement 40 % de la viande d’agneau consommée en France est d’origine française, avance Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine. L'Union européenne dépend des importations. Il y a donc un réel potentiel car notre débouché n'est pas cerné." Les prix n'échappent pas à la volatilité, mais ils se maintiennent plutôt bien et le rééquilibrage des aides PAC redonne du souffle à la filière dont l'un des enjeux majeurs est de renouveler les générations des producteurs qui vont partir à la retraite.

"Les éleveurs de vaches laitières font généralement de bons éleveurs d'ovins car ils ont un savoir-faire technique et une approche animal pointue, poursuit-elle. Ils ont l'habitude d'observer leurs animaux, d'anticiper les problèmes sanitaires, d'avoir un suivi rigoureux de l'alimentation, et de valoriser la génétique. Autant de qualités mises à profit en production ovine où l'œil de l'éleveur est déterminant."

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