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Traite des vaches et alimentation : « les robots ont un rôle majeur dans notre organisation »

Au Gaec de la Basfeuille, dans la Manche, les associés ont acheté trois robots de traite et un robot d’alimentation pour produire 1,8 million de litres de lait sans perdre en qualité de vie.

Semis de blé, lisier à épandre… La dernière semaine d’octobre s’annonçait très chargée au Gaec. D’autant qu’en plus du troupeau de 180 Prim’Holstein et 140 hectares de SAU, les trois associés assurent des prestations de travaux agricoles chez des voisins.

Si le stress est perceptible, il n’entame en rien le sens de l’humour de Laurent Langlois (38 ans), associé avec Julien Legendre (25 ans) et Thomas Pasquier (27 ans). Cette semaine est en effet plutôt atypique. « Maîtriser la charge de travail pour avoir une bonne qualité de vie et s’épanouir est très important pour nous trois. Mes parents m’ont transmis cela. C’est pour cette raison que nous avions investi dans le système de libre-service automatisé Easy Food dès 2006 et que nous avons continué à investir dans la robotisation avec mes nouveaux associés », souligne Laurent Langlois.

Avec leur salarié employé à quart temps, ils prennent trois week-ends sur quatre du vendredi soir au lundi matin, et cinq à six semaines de congés par an. Mais comment ne pas être débordés quand on produit 1,5 million de litres de lait, et bientôt 1,8 million, auxquels s’ajoutent l’élevage d’environ 175 génisses, la culture de 40 hectares de céréales et 60 hectares de maïs, et le temps consacré à l’entreprise de travaux agricole ?

Investir pour travailler seul le week-end

L’automatisation de la traite et de la distribution des rations est un élément clé dans le système mis en place. Elle permet notamment d’assurer seul l’astreinte du week-end. « Nous avons investi dans deux robots de traite DeLaval en 2015 en prévision de l’installation de Julien en 2016 pour remplacer mon père. » Le troisième robot a été mis en service en 2017 lors de l’installation de Thomas. Ce dernier a rejoint le Gaec avec une ferme de 40 hectares et un contrat d’environ 300 000 litres de lait. Le robot d’alimentation a été installé il y a deux ans. « Ces investissements nous ont permis d’atteindre nos objectifs en termes de temps libre, mais nous manquons encore de sérénité à cause de la pression financière. C’est un système gourmand en trésorerie », reconnaît Laurent Langlois.

À ces investissements s’ajoutent les factures liées à l’extension de la stabulation (190 logettes et aire paillée pour 50 vaches…), la construction d’une nouvelle fosse de 2 500 m3, l’achat de matériel pour l’ETA et l’installation de panneaux photovoltaïques. En 2018, le niveau des annuités était de 164 000 euros pour un EBE de 195 000 euros et 1,37 million de litres de lait livrés (120 €/1 000 l). De gros investissements donc, mais les comptes sont suivis de près par Laurent. « Je le fais d’autant plus volontiers que c’est une véritable passion. »

Un agrandissement de troupeau compliqué

Compte tenu du contexte, en 2018 et 2019, les associés ont décidé de réduire leur rémunération à 1 800 euros par mois, soit 200 euros de moins que prévu. « En 2020, notre système sera vraisemblablement en vitesse de croisière et nous espérons nous verser 2 500 euros par mois. » Sauf nouvelle crise du lait, cet objectif paraît réaliste pour plusieurs raisons. « L’exploitation a connu de gros bouleversements lors de ces cinq dernières années. D’un côté nous avons beaucoup investi et de l’autre, nos performances techniques ont été pénalisées par les travaux dans le bâtiment. Le suivi du troupeau n'a pas été idéal. Malgré mes seize ans d’expérience, je n’aurais jamais cru que passer de 110 à 180 vaches serait aussi difficile. Nous avons un peu dérapé pendant deux ans suite au regroupement des deux troupeaux. Il y a eu des problèmes de cellules et mammites, de mortalité chez les veaux. L’élevage des génisses n’était pas optimal », souligne Laurent Langlois, sous le regard approbateur de Thomas Pasquier. Ce dernier est d’autant plus sensible à la gestion des aspects sanitaires qu’il en la responsabilité au sein du Gaec. De son côté, Julien est le spécialiste de la maintenance des robots. « Nous souhaitons être polyvalents, mais naturellement nous avons eu tendance à nous spécialiser un peu. »

Quatre supports écrits pour communiquer

Le système repose également sur une organisation à la fois stricte mais assez souple pour être acceptée par tous. « Avant l’arrivée de Thomas, Julien et moi échangions peu de mots. Puis, quand Thomas est arrivé, on s’est retrouvés à trois bonhommes avec deux troupeaux. On allait dans tous les sens. On faisait parfois des doublons. On travaillait trop et pourtant le boulot n’était pas forcément fini. J’avais tendance à passer beaucoup de temps au bureau et au final je servais de complément de main-d’œuvre à Thomas et Julien. Après une année de cafouillage, nous avons fait une réunion de crise. »  Elle a abouti à la division de la stabulation en trois parties. Chaque secteur a été réfléchi de façon à représenter un volume de travail équivalent. Chaque zone est gérée pendant une semaine à tour de rôle par un associé.

Par ailleurs, quatre supports écrits de communication sont utilisés pour optimiser l’organisation du travail. Le premier tient sur une feuille de suivi de troupeau remplie chaque semaine. « Nous avons choisi de nous limiter aux critères techniques qui nous semblaient les plus importants à renseigner, pour que cela ne nous prenne pas plus de quelques minutes chaque jour. »  

Chacun note et coche des cases correspondant à ses responsabilités de la semaine au fur et à mesure : soins et traitements réalisés sur les animaux, confirmation du remplissage des trois tables du robot d’alimentation, nettoyage des robots de traite, suivi des retards de traite, détection des chaleurs… Pour éviter les soucis le week-end, chacun peut vérifier en un clin d’œil sur la feuille que l’entretien du matériel et des équipements a bien été fait : chaîne des trois racleurs tendue et graissée, entretien des robots de traite, etc. Les feuilles sont conservées dans un classeur disponible dans le bureau du Gaec.

Un échange informel en fin de journée

Deuxième outil de communication, un tableau blanc a été fixé sur un mur du bureau. Il est utilisé pour se prévenir en cas d’éventuels changements de programme ou travaux à prévoir.

Le calendrier annuel des astreintes et congés est également épinglé sur un mur. Enfin, un agenda permet à chacun de notifier ses absences à titre professionnel ou privé durant la semaine. Les échanges passent également par la parole. Le smartphone n’est jamais très loin de la main. Et le soir, vers 19 h, quand le travail est fini, les associés se rejoignent au bureau « La façon dont l’échange se déroule est un très bon indicateur de l’ambiance. Hors contrainte spéciale, si personne n’est pressé de partir, c’est que tout va bien », souligne Laurent Langlois.

À retenir

Automatisation de la traite et de l’alimentation
Bâtiment divisé en trois parties gérées à tour de rôle
Outils de communication simples et efficaces
Astreinte un week-end sur quatre
Cinq à six semaines de congés par an

Avis d’expert : Emmanuel Picot, Cerfrance de la Manche

« Beaucoup d’échanges entre associés »

« Le projet global est lourd sur le plan financier. Il nécessite de produire beaucoup de lait. Mais les associés sont très attentifs à l’évolution de leur trésorerie. Ils n’ont pas hésité à réduire leur rémunération en attendant que le système soit en vitesse de croisière. Ils échangent beaucoup même s’ils ont des profils différents. Il y a toujours un animateur pour proposer des idées (projet méthanisation, achat de matériel…). L’important est que ce ne soit pas toujours le même qui décide pour tout le monde. »

Un bâtiment divisé en trois secteurs d’activité

Pour optimiser l'organisation du travail, les associés ont divisé la stabulation qui abrite les 180 vaches du troupeau, les génisses d’élevage et gestantes, en trois zones. Chaque secteur englobe une partie des animaux et des équipements. Ils sont gérés chaque semaine à tour de rôle par les associés.

La zone 1 rassemble deux des trois robots de traite. Elle est réservée au lot de vaches ayant vêlé jusqu’à la confirmation de leur gestation suivante par échographie. Le responsable de ce secteur gère pendant une semaine les alertes et le nettoyage des deux robots, le paillage de cette zone et le soin des animaux.
Le secteur 2 englobe le troisième robot. Il abrite une soixantaine de vaches en milieu et fin de lactation, les génisses d’élevage et gestantes.
Le secteur 3 est dédié à la gestion du robot d’alimentation. Il rassemble les vaches en fin de lactation, à réformer ou mises au taureau. Son responsable prend également en charge les soins des veaux logés sur un deuxième site et le débâchage des silos.

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