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« Le conseil stratégique apporte de nouvelles idées pour réduire les phytos »

Pour renouveler son certiphyto, il va falloir passer par le conseil stratégique phytosanitaire (CSP). Déroulé du CSP réalisé à l’EARL Lavernot, en Seine-Maritime, une exploitation de polyculture-élevage en croisière où des ajustements restent possibles.

Ludovic Lavernot (à droite) avec Alexis Villeneuve et Caroline Morin Dumont, Littoral Normand. « J’espère que le CSP me permettra d’améliorer mes pratiques. »
Ludovic Lavernot (à droite) avec Alexis Villeneuve et Caroline Morin Dumont, Littoral Normand. « J’espère que le CSP me permettra d’améliorer mes pratiques. »
© A. Conté

Lors de son installation sur la ferme familiale, avec près de 200 hectares de limons argileux à haut potentiel, Ludovic Lavernot aurait pu arrêter le lait et se consacrer entièrement aux cultures. Il a préféré conserver l’élevage, tout en le simplifiant et l’intensifiant pour pouvoir diversifier et mieux suivre ses cultures : une bonne centaine d’hectares de céréales, du colza, des betteraves sucrières, des pommes de terre de fécule, du lin fibre et des petits pois.

Le Conseil stratégique phytosanitaire (CSP), il en a entendu parler pour la première fois par sa conseillère en élevage. Comme beaucoup, il n’était pas au courant de cette nouvelle réglementation. Pour renouveler son Certiphyto, valide jusqu’en mars 2026, il devra désormais fournir deux attestations de CSP, réalisés entre deux et trois ans d’intervalle. Son premier CSP a été réalisé le 1er décembre 2022 avec Littoral Normand. « J’espère qu’il me permettra d’améliorer mes pratiques phytosanitaires, dit-il en ajoutant aussitôt : quand j’en parle à mes copains, il est surtout ressenti comme une contrainte de plus et de l’argent à débourser. »

Un point sur l’organisation de l’exploitation

« Il n’existe pas d’outil national balisant le déroulé du CSP, juste un texte réglementaire sur lequel nous avons bâti notre propre outil », explique Alexis Villeneuve, expert cultures chez Littoral Normand. La première étape consiste à faire le point rapidement sur l’organisation de l’exploitation : différents ateliers, cultures présentes dans l’assolement, moyens humains, accompagnement technique… L’EARL Lavernot a une particularité : le parcellaire est regroupé, avec des parcelles de grande taille, mais divisé en deux sur des sites distants de 17 km.

 

 
Récolte de lin. L’assolement de l’EARL Lavernot permet de jouer sur la rotation, en l’allongeant et la diversifiant. 
Récolte de lin. L’assolement de l’EARL Lavernot permet de jouer sur la rotation, en l’allongeant et la diversifiant.  © L. Lavernot

 

« Nous listons également les matériels disponibles en individuel, Cuma ou ETA pour proposer des choses cohérentes », précise-t-il. Ici, la moitié du matériel est en individuel. Les matériels plus spécifiques (pour le lin, les betteraves…) et l’épandeur sont en ETA ou Cuma.

Un inventaire des systèmes de cultures

On rentre ensuite dans le vif du sujet, avec les systèmes de culture et les pratiques phytosanitaires. « J’ai fourni tout le suivi des cultures que jusqu’à présent je tenais sur papier. Pour la campagne en cours, je suis passé sur l’appli Geofolia », précise Ludovic Lavernot. L’assolement, les zones de non-traitement, le prévisionnel de fumure, etc. ont été enregistrés par Caroline Morin Dumont, conseillère de l’exploitation. Les interventions à la parcelle (fumure, phytos) sont indiquées au fur et à mesure, et, en différé, la date/dose de semis, la variété, les travaux du sol, la récolte pour aller jusqu’au calcul de la marge.

 

 
Sur ces limons argileux à fort potentiel, les rendements en betteraves sucrières atteignent 85 à 90 tonnes, et en maïs fourrage 18 à 20 tMS.
Sur ces limons argileux à fort potentiel, les rendements en betteraves sucrières atteignent 85 à 90 tonnes, et en maïs fourrage 18 à 20 tMS. © L. Lavernot

 

Beaucoup de pratiques alternatives

Le CSP s’intéresse également aux leviers alternatifs complétant la lutte chimique. Ludovic en a déjà mis beaucoup en place. La rotation est longue et diversifiée : blé/orge/colza/blé/culture de printemps (maïs ou pomme de terre ou lin)/blé. Il est vigilant sur le choix de variétés et constate que « la génétique a bien évolué, les variétés sont plus résistantes aux maladies ». Les dates de semis sont assez précoces en colza, et décalées en céréales. Il utilise un couvert moutarde qui a des vertus antinématodes avant betterave et pomme de terre.

 

 
Avec ce combiné décompacteur/semoir, une personne seule fait les semis de céréales.
Avec ce combiné décompacteur/semoir, une personne seule fait les semis de céréales. © L. Lavernot

 

Le « sans-labour » est pratiqué depuis deux ans sur les cultures d’automne (céréales, colza) quand les conditions météo le permettent. « L’alternance labour/non-labour a un impact sur le salissement en réduisant les remontées de graines », rappelle Alexis Villeneuve. « Le sans-labour permet aussi de gagner du temps et d’économiser du fuel. Cette année, avec un automne sec, je vais réduire ma consommation de carburant d’un tiers », ajoute l’agriculteur.

Des écarts d’IFT d’une année sur l’autre

Les IFT (indicateur de fréquence de traitements) herbicide et hors herbicide ont été calculés pour chacune des cultures sur deux années, 2020 une année sèche et 2021 une année humide. « Les écarts importants d’une année sur l’autre montrent la bonne adaptation des pratiques de traitement à la météo. Il n’y a pas de traitement systématique », souligne Alexis Villeneuve.

Pour le maïs fourrage, qui atteint ici régulièrement des rendements de 18-20 tMS/ha, l’IFT herbicide passe de 2,27 en 2020 à 1,47 en 2021 (bonnes conditions pour les racinaires). En pommes de terre, l’évolution de l’IFT hors herbicide est spectaculaire : de 5,25 en 2020, il grimpe à 14,27 (beaucoup moins de fongicides).

Des produits classés CMR sans alternatives

Le CSP dresse par ailleurs une liste des produits classés CMR (cancérigène, mutagène et reprotoxique) et des produits susceptibles d’être retirés à plus ou moins court terme. « Ici, étant donné la diversité des cultures, une grande diversité de produits phyto est utilisée, dont des CMR sans alternatives possibles actuellement. » La réglementation prévoit aussi un rappel sur les consignes de sécurité : équipements de protection, nettoyage du pulvérisateur, ZNT riverains.

Des leviers pour réduire les phytos

À la suite de cette phase de diagnostic, Ludovic Lavernot s’est vu proposer un plan d’action par Alexis Villeneuve : « même si le système est en croisière, quelques ajustements à la marge peuvent être envisagés ».

- Pour une parcelle de 7 hectares infestée de ray-grass résistant, Alexis Villeneuve suggère deux leviers, en plus d’un labour tous les 4 ou 5 ans : un faux semis avec un travail superficiel du sol avant semis des cultures de printemps pour déstocker les mauvaises herbes. Et l’enchaînement de cultures de printemps pendant deux à trois ans.

- Sur maïs (et betteraves), un binage dans le but d’éviter le traitement de rattrapage de post-levée. Mais le coût par entreprise, 50 à 70 €/ha, serait supérieur à celui d’un traitement.

- Sur betteraves, le nombre de fongicides peut être réduit grâce à des variétés résistantes (cercosporiose), et en utilisant l’outil d’aide à la décision (OAD) gratuit de l’Institut technique de la betterave.

- En blé, le mélange de variétés permettrait également de s’affranchir du régulateur et éventuellement de réduire les fongicides tout en lissant les rendements d’une année sur l’autre.

- Sur pommes de terre, l’OAD payant Mileos permettrait de prévoir le risque mildiou à la parcelle.

Le dernier levier proposé, du colza associé à de la féverole de printemps pour contrôler les altises, n’a pas été retenu par Ludovic. Le but était de camoufler le colza à l’automne avec la féverole qui est détruite par le gel pendant l’hiver. L’objectif du CSP est aussi de faire germer des idées nouvelles. « On verra plus tard. Il y a toujours à apprendre, » conclut Ludovic.

Fiche élevage

 

 
Pour simplifier la conduite de l’élevage, Ludovic Lavernot a préféré retourner ses prairies.
Pour simplifier la conduite de l’élevage, Ludovic Lavernot a préféré retourner ses prairies. © A. Conté

 

188 ha dont 9 ha de maïs fourrage, 3 ha de prairies permanentes, 80 ha de blé, 28 ha d’escourgeon, 7 ha d’orge de printemps, 15 ha de colza, 23 ha de betteraves sucrières, 12 ha de pommes de terre fécule et 11 ha de lin
Limons argileux à très bon potentiel
50 prim’holstein à 10 000 litres
1,5 UMO dont 0,5 salariée

Un pulvérisateur automoteur de 36 mètres

 

 
Avec l'achat d'un automoteur de 36 mètres, l'éleveur espère être plus efficace au moment des traitements.
Avec l'achat d'un automoteur de 36 mètres, l'éleveur espère être plus efficace au moment des traitements. © A. Conté

 

Ludovic Lavernot vient d’acheter d’occasion un automoteur de 36 mètres avec buses antidérives et coupures de tronçons. Un investissement de 110 000 € en copropriété avec sa salariée qui remplace deux pulvérisateurs portés de 27 mètres. « Nous avons 300 hectares sur trois sites distants de 15-20 km. L’objectif est de gagner du temps et d’être plus efficace au moment des traitements. Nous traitons la nuit le plus souvent possible, explique cet agriculteur, déjà très attentif aux conditions de vent et d’hygrométrie. En avril-mai, c’est la course. Cela va faire un gros changement ! »

 

Côté éco

Le coût d’un conseil stratégique phytosanitaire avec Littoral Normand

° Tarif individuel 650 € HT ou 450 € HT avec un pack réglementaire
° Remise si herbe + une culture : 350 € HT ou de -25 % si +90 % d’herbe
° Tarif groupe 200 € HT

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