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La repro des vaches laitières ne tolère pas les coups de pompe

Limiter l’ampleur du déficit énergétique en favorisant un bon niveau d’ingestion après vêlage permet de concilier reproduction et production laitière. Même avec des vaches hautes productrices.

Les origines des problèmes de reproduction sont multifactorielles : qualité de la détection des chaleurs, des aplombs… Lors de son intervention aux troisièmes rencontres Bov’Idée organisées en juin dernier par la société Synthèse Elevage, le vétérinaire-nutritionniste Jean-Marc Héliez a réalisé un focus sur la maîtrise du déficit énergétique. « Tous les nutriments jouent un rôle sur les performances de repro. Mais l’énergie est le premier facteur qui va impacter la fertilité, et surtout c’est le plus difficile à gérer », a-t-il expliqué. « La gestion du péri-partum trois semaines avant et après le vêlage, c’est là que tout se joue. »

L’impact du déficit énergétique sur la reproduction dépend du moment où il intervient, de sa durée et de son intensité. « Le déficit énergétique en début de lactation est inévitable. Il tient au décalage entre l’ingestion et la couverture des besoins en énergie qui sont quasiment multipliés par quatre dans la semaine qui suit le vêlage. » À ce stade, pour couvrir les besoins, il faudrait concentrer les rations à 1,4 UFL/kg MS. Mission impossible ! Quoi que vous fassiez, la vache sera en déficit énergétique. « Le pic de déficit énergétique est atteint souvent dès la première semaine de lactation, soit bien avant le pic de lactation. »

Un bilan énergétique positif à 45 jours

En moyenne, les vaches positivent leur bilan énergétique vers 45 jours après vêlage. Mais ce n’est qu’une moyenne. « Certaines vont avoir un bilan positif dès 25 jours quand d’autres vont mettre 80 jours. » Plus vous envisagez d’inséminer tôt, plus il faudra faire en sorte que le pic de déficit énergétique soit modeste et la reprise d’état corporel rapide. « Il y a de grosses différences entre vaches, même chez les hautes productrices, au sein d’un même troupeau. »

Heureusement, une vache n’a pas forcément besoin de positiver son bilan énergétique pour avoir une reprise de cyclicité normale rassure le vétérinaire. « Si le pic de déficit énergétique n’est pas trop violent et intervient par exemple sept jours après le vêlage, une vache aura une première ovulation dès 10 à 15 jours après la fin de ce pic. »

Mais lorsque le déficit est important (perte de plus d’un point d’état corporel, soit plus de 40-50 kg) et se prolonge dans le temps, la situation dérape. Dans ce cas, le contrôle des hormones impliquées dans la reproduction et le métabolisme de l’ovaire se trouve modifié. Cela se manifeste par des retards d’activité ovarienne, des irrégularités de cycle, des ovulations absentes ou tardives, plus de mortalité embryonnaire et des chaleurs non exprimées.

Booster l’ingestion en début de lactation

Et cela ne s’arrête pas là. « Un bilan énergétique négatif prononcé à 15 jours après vêlage aura des effets plus tard, jusqu’à 80-100 jours dans la lactation. Ce scénario est fréquent », constate Jean-Marc Héliez. « L’éleveur voit bien une vache en chaleur 30 à 40 jours après le vêlage car le follicule qui arrive à l’ovulation a commencé son développement avant le vêlage. Il attend pour l’inséminer que l’utérus soit prêt. Mais à 60 ou 70 jours, il ne voit plus la vache en chaleur, car les follicules qui arrivent à maturité à ce moment-là ont été marqués en tout début de lactation. »

Pour éviter cet écueil, il faut limiter ce déficit énergétique au maximum. La durée et la gravité d’une balance énergétique négative sont largement déterminées par le niveau d’ingestion des vaches avant et après le vêlage. « L’effet de l’ingestion sur la maîtrise du déficit énergétique est supérieur à celui de la densité énergétique de la ration et du niveau de production laitière », précise le vétérinaire. « Il vaut mieux une ration à densité énergétique moyenne bien ingérée qu’une ration dense mais mal ingérée. Ce qui n’empêche pas de chercher à augmenter la concentration de la ration. »

Éviter les excès énergétiques pour les taries

Cette ingestion se prépare dès le début du tarissement. La régie de l’énergie pendant le tarissement est d’une importance capitale pour éviter un bilan énergétique négatif trop important en début de lactation. Le point clé est d’éviter les excès énergétiques pour les vaches taries. Distribuer un peu trop de maïs au début du tarissement fait baisser le niveau d’ingestion au vêlage.

Concrètement, avec une gestion du tarissement en un seul lot, Jean-Marc Héliez recommande de distribuer une ration avec une densité énergétique de maximum 0,8 UFL/kg MS et de réduire éventuellement la durée de tarissement à six semaines. Cela correspond à une ration avec 6 kg MS d’ensilage de maïs, 2,2 kg de correcteur azoté (de type 70 % de tourteau de soja et 30 % de tourteau de colza) et 4,5 kg de paille par vache et par jour.

L’ingestion peut baisser de près de 30 % avant le vêlage

La baisse d’ingestion des vaches intervient dans les semaines qui précèdent le vêlage, à un moment où les besoins augmentent. Aussi, un niveau alimentaire plus élevé en fin de gestation est préférable pour le bilan énergétique post-partum. Par conséquent, l’idéal, c’est un tarissement de 60 jours avec une conduite en deux lots. Un lot de vaches en début de tarissement faible en énergie. Et un second lot en préparation au vêlage pendant trois semaines pour lequel il faut notamment reconcentrer la ration. « Avec la conduite en deux lots, en début de tarissement, il est possible de descendre en dessous de 0,75 UFL/kg MS, soit un maximum 4 à 5 kg MS d’ensilage de maïs par vache et par jour. Puis il faut redonner un peu plus d’énergie lors de la préparation au vêlage, autour de 0,80 à 0,85 UFL/kg MS. » La quantité de maïs peut par exemple être augmentée à 7 kg MS/VL/j et celle du correcteur azoté (70/30) à 2,5 kg/VL/j. Puis vous complétez avec 3 kg/VL/j de paille.

Veiller à la présentation et à l’accès à la ration

L’optimisation de l’ingestion dépend autant de la présentation de la ration et de l’accès aux aliments que de leur composition chimique. Cela commence par la qualité des fourrages. Elle intervient en effet à la fois sur sa richesse en énergie mais aussi sur sa valeur d’encombrement. « Il est possible d’agir sur la qualité du fourrage via les dates de semis, la gestion de l’amendement, le stade de récolte, le choix des variétés… », liste le vétérinaire.

La qualité de sa conservation intervient également. « Quand il y a des moisissures ou trop d’acide butyrique, le fourrage ne contient pas forcément des toxines. Mais cela provoque toujours une baisse d’appétence. »

Les sources de glucides ne se valent pas toutes

Augmenter la part de sources glucidiques est un des leviers pour densifier la ration en énergie. « Ces sources ne sont pas toutes égales, prévient Jean-Marc Héliez. Il y a une corrélation positive entre le taux d’amidon de la ration en début de lactation et les performances de reproduction. » Pour des vaches hautes productrices, un minimum de 22 % est recommandé, mais dans certaines conditions, il est possible de monter beaucoup plus haut (28 %). A contrario, les sucres tels que le saccharose de la betterave ou les fructosanes de l’herbe jeune auraient plutôt un effet négatif. Autrement dit, entre 2 kg de maïs grain et 10 kg de betterave, « je vais plutôt choisir 2 kg de maïs grain ». Toutes les matières grasses ont globalement un effet favorable sur la reproduction. Elles favorisent le bilan énergétique et ont des effets propres qui varient en fonction des acides gras.

 

Privilégier l’absence de tri plutôt que les fibres longues

Avec un ensilage de maïs, baisser la taille des particules améliore l’ingestion. « Couper un maïs à 30 % de matière sèche en 12 mm ne pose pas de problème. En moyenne, les rations sont trop fibreuses. Cela pénalise l’ingestion et augmente le tri. » Le vétérinaire recommande d’avoir 6 à 10 % maximum de fibres avec une taille supérieure à 20 mm dans la ration mélangée (mesures avec le tamis de Penn State). « En France, nous sommes très souvent au-dessus, notamment par crainte de l’acidose. Mais finalement, cela favorise le tri. Passer de 60 % de particules de 19 mm à 50 % au profit des tamis du dessous, c’est +1 kg MS d’ingestion en plus. »

Par ailleurs, la longueur de fibres impacte la qualité du mélange de la ration. « Je préfère privilégier l’absence de tri permise par des rations du type « compact feeding » que des longues particules qui, certes, font ruminer mais qui vont être triées. Avec un mélange homogène, les vaches mangent toujours et toutes la même ration. »

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