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" La betterave permet de diversifier notre ration "

Au Gaec de la Ville-Auvais, dans les Côtes-d’Armor, les 160 vaches reçoivent désormais de la betterave l’hiver, en complément d’une ration essentiellement à base de maïs. Les quatre associés y trouvent beaucoup d’intérêt pour peu de contraintes.

En 2019, pour la troisième année consécutive, le Gaec de la Ville-Auvais a semé 2 hectares de betteraves fourragères sur une SAU de 145 hectares(1). Récoltées début novembre, elles permettront de diversifier le menu des 160 Prim'holstein de l’exploitation qui produit 1,5 million de litres de lait. « Dans les années 1990, il y a déjà eu de la betterave sur l’exploitation, explique Yves Allée, associé avec Brigitte Bertrand, Arthur Bougeard et, depuis le 1er mars, Amélie Sadoc. Mais à l’époque, la distribution devait se faire à la main. C’était trop de travail et nous avons arrêté. Nous avons décidé de recommencer en 2017 parce nous avons désormais du matériel permettant de distribuer des betteraves mécaniquement. L’objectif était de varier le menu des vaches, basé l’hiver sur le maïs et l’ensilage d’herbe, d’améliorer les taux et d’économiser un peu de maïs. »

Semées par une ETA spécialisée en betteraves

Depuis 2017, une parcelle de deux hectares est donc semée avec la variété de betterave fourragère Jamon, vers le 25 avril. « Il faut des terres profondes mais qui se ressuient bien pour être prêtes vers le 15-20 mars pour l’apport de fumier et lisier, précise Yves Allée. La première année, nous l’avons semée après maïs et un dérobé de ray-grass italien. Mais c’était trop tard. Nous implantons donc maintenant la betterave après un blé. Il faut aussi qu’il n’y ait pas trop de cailloux qui perturberaient la récolte. » La préparation commence par l’apport de 40 m3/ha de fumier de bovin vers le 15 mars, enfoui avec la destruction du couvert, puis de 60 m3/ha de lisier de bovin enfoui lors de l’épandage. La parcelle est ensuite labourée puis travaillée par un passage de herse rotative pour bien émietter la terre. Le semis est réalisé par une entreprise de travaux agricoles (ETA) spécialisée dans la betterave. « Il se fait à 45 cm d’entre-rangs et les graines sont petites, ce qui implique un semoir et un plateau spécifiques. Il n’aurait pas été intéressant d’investir dans du matériel pour deux hectares. » Les graines sont semées en combiné herse-semoir, à 100 000 graines/ha, dans un sol bien réchauffé.

Des betteraves distribuées entières

Le désherbage de la culture est un point essentiel que l’éleveur parvient à maîtriser par deux passages d’herbicides. « Il est important que les betteraves soient propres, pour le rendement et la qualité de la récolte », souligne Yves Allée. Les éleveurs n’ont plus ensuite qu’à attendre la récolte. « Un avantage de la betterave par rapport au maïs est qu’elle continue à grossir en arrière-saison. Même si l’été est sec, elle peut se refaire à l’automne s’il y a de la pluie. » La récolte a lieu la première semaine de novembre. Elle est réalisée par l'entreprise qui assure le semis, avec une autochargeuse. Le rendement a atteint 100 t/ha en 2017, soit plus de 20 t MS/ha, et 70 t/ha en 2018, soit 15-16 t MS/ha. « La différence est liée à la météo, estime Yves Allée. En 2018, le semis s’est par ailleurs fait sur un sol un peu frais et pas très bien ressuyé. »

Les betteraves sont stockées en extérieur, sur un sol stabilisé. « En cas de gel, je recouvre le tas de filets qui servent pour les silos à maïs, pour éviter qu’elles soient brûlées par le gel. Je les enlève ensuite car il faut que la betterave respire. Les deux années passées, nous n’avons pas eu de problème de conservation. » Les betteraves sont distribuées en général de début novembre à mi-mars, voire plus tard. « Nous faisons en sorte de les finir quand les vaches sortent à l’herbe. »

La distribution se fait grâce à une mélangeuse à vis. « Avec une mélangeuse à pales, il ne serait pas possible de distribuer des betteraves, à cause des pierres, même s’il n’y en a pas beaucoup. Avec cette mélangeuse à vis, les pierres ressortent toutes seules s’il y en a. » Les betteraves sont chargées dans la mélangeuse au godet, après la paille et avant l’ensilage d’herbe puis le maïs. La ration semi-complète est mélangée pendant trois minutes. " Les betteraves en ressortent entières pour les trois quarts. Ce n’est pas un problème, les vaches les consomment très bien. La betterave est très appétente."

Un impact positif sur les taux et moins de concentré

L’alimentation est distribuée en un repas, le matin. La ration (en brut) est constituée de 700 g de paille, 10 kg de betteraves, 5 kg d'ensilage d’herbe, 40 kg de maïs et 3 kg de correcteur azoté. « La ration est équilibrée à 27-28 kg de lait, précise Arthur Bougeard. À partir de 30 kg, les vaches reçoivent du correcteur azoté et du concentré au DAC. » La production, de 9 500 l/VL en moyenne n’a pas été modifiée par l’apport de betteraves. L’hiver 2017-2018, la betterave a par contre entraîné une augmentation de 2 points du TB, passé de 40 à 42, et de 1 point du TP, passé de 33 à 34. « Mais en 2018-2019, avec un maïs de moins bonne valeur alimentaire, nous n’avons pas vu d’effet sur les taux », indiquent les éleveurs. Yves Allée estime aussi que les vaches ont un plus beau poil et semblent en meilleure santé.

Les éleveurs voient par ailleurs un intérêt de la betterave pour le coût alimentaire. « Le coût de production à l’hectare est plus élevé que celui du maïs, d’environ 870 €/ha contre 490 €/ha pour le maïs, admettent-ils. Mais la betterave est plus productive, avec en moyenne 15 t MS/ha contre 12-13 t MS/ha en maïs. Et comme elle apporte beaucoup d’énergie, cela nous a permis en 2017-2018 de réduire le coût du concentré de 78 €/1000 l à 70 €/1000 l. » Le travail n’est pas impacté au niveau de la préparation du sol, ni lors du semis ou de la récolte grâce à l’entreprise, ni lors de la distribution de la ration. Enfin, l’exploitation étant située sur un bassin algues vertes qui plébiscite l’herbe, la betterave est un atout puisqu’elle permet de compléter une ration à base d’herbe. « Le seul inconvénient de la betterave dans notre cas est qu’elle implique un rinçage supplémentaire du pulvérisateur pour deux hectares, entre le dernier fongicide maïs et le rattrapage de l’herbicide betterave », estime Yves Allée.

(1) 50 ha de céréales de vente, 63 ha de maïs, 25 ha de prairies ray-grass anglais - trèfle blanc, 5 ha de prairies naturelles.

" Nous avons gagné 2 points de TB et 1 point de TP en 2017-2018 " Yves Allée

Des points clés à toutes les étapes

La culture. Un premier désherbage est effectué deux semaines après le semis, vers le 10 mai, avec deux herbicides sélectifs. L’opération est renouvellée deux semaines plus tard avec les mêmes produits à dose réduite.
La récolte. « Nous nous arrangeons en général avec une autre exploitation située à 5 km et qui cultive également 2 ha de betterave, précisent les éleveurs. L’entreprise récolte les deux parcelles le même jour et nous nous entraidons pour la récolte. » L’autochargeuse assure en un passage l’effeuillage, l’arrachage, le nettoyage et le chargement dans une trémie des betteraves qui sont ensuite vidées dans une remorque.
Le stockage. La betterave est stockée en tas en extérieur sur un sol stabilisé. À l’avenir, les éleveurs envisagent de construire une plate-forme bétonnée pour le stockage, plus près des silos à maïs et du bâtiment, ce qui facilitera la distribution.
La distribution. Au départ, les éleveurs distribuaient un bol entier sur un côté du bâtiment puis un autre bol entier sur l’autre côté. Mais toutes les vaches couraient et s’accumulaient sur le premier côté pour manger les betteraves. Pour qu’elles restent mieux réparties dans le bâtiment, ils distribuent donc maintenant un bol sans betteraves qu’ils répartissent sur les deux côtés, puis un deuxième avec la betterave.

Réussir le désherbage

La couverture du sol étant assez lente et le rendement pouvant être très affecté par les adventices, le désherbage est un poste essentiel mais compliqué, du fait notamment de la sensibilité de la betterave aux herbicides. Les principales espèces visées sont en général la matricaire, la renouée des oiseaux, l'amarante, la renouée persicaire et le fumeterre. En plus du travail du sol, Yves Allée parvient à maîtriser l’enherbement avec deux passages associant phenmedipham et metamitron en post-levée. «Il est possible de réaliser trois passages en post-levée, notamment quand on est en sans-labour, ce qui n’est pas notre cas, précise l’éleveur. Mais pour l’instant, j’y arrive avec deux passages. Je fais bien attention à intervenir toujours à 15 jours d’intervalle sur des adventices très jeunes. J’interviens soit le matin, soit le soir selon l’hygrométrie.»

Côté éco

Coût de production de la betterave

Engrais : 0 €/ha
Semence : 248 €/ha
Semis : 50 €/ha
Traitements : 235 €/ha
Récolte : 339 €/ha
Total : 872 €/ha

Avis d’expert : Jean-Marc Chalouny, animateur technique d’Even Nutrition Animale

« Un des éléments de la ration »

« La betterave est un des éléments de la ration qui, comme le maïs, doit s’envisager dans une conception globale de l’alimentation. Son intérêt est qu’elle apporte de l’énergie rapide. Avec un maïs fibreux, peu fermentescible, comme il y en a eu en 2017, la betterave peut permettre de mieux valoriser l’ensemble de la ration et d’améliorer notablement les résultats. Il faut toutefois veiller à ce qu’il n’y ait pas trop d’énergie rapide dans la ration, sinon celle-ci devient acidogène par excès de sucre. Cela peut être le cas avec un maïs très fermentescible, notamment avec les nouvelles variétés de betteraves fourragères-sucrières très riches en sucre. Le risque est moins important avec les variétés anciennes purement fourragères comme Jamon, qui sont moins sucrées. Le taux de matière sèche est également important. Globalement, l’ensemble de la ration doit avoir une teneur en matière sèche de 35-40 %, faute de quoi le transit est accéléré. Comme le taux de matière sèche de la betterave est peu élevé, il faut donc que le maïs ait une teneur en matière sèche supérieure à 32 %. Un autre intérêt de la betterave est qu’elle a une faible valeur d’encombrement et peut donc permettre d’augmenter la quantité ingérée. Un autre atout encore est qu’elle est très appétente et qu’elle stimule l’appétit. En salivant, la vache fabrique des bicarbonates, ce qui la fait ruminer davantage. La betterave est par contre très pauvre en protéines, et comme par ailleurs elle entraîne une augmentation de l’ingéré, il est essentiel d’augmenter également le correcteur azoté. Un autre point important est de bien déterminer les surfaces à semer pour répondre aux besoins du troupeau sans gaspillage. Le stockage en tas en extérieur entraîne parfois des pertes en fin de saison. Une solution peut être de fractionner les arrachages, car la betterave se conserve mieux dans le sol qu’à l’extérieur. Beaucoup d’entreprises ou de Cuma assurent désormais la récolte en trois ou quatre fois, en couvrant à chaque fois les besoins pour 40-45 jours. Enfin, si la betterave peut se distribuer entière ou coupée, le fait de la couper permet d’améliorer l’homogénéité de la consommation. Les primipares notamment peuvent manger moins de betteraves entières, alors que parallèlement, des vaches adultes vont en manger beaucoup. La betterave étant riche en potasse, il vaut mieux éviter d'en distribuer aux vaches taries, car cela peut modifier l'équilibre minéral et entraîner des fièvres de lait. »

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