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"Agronomie et autonomie alimentaire marchent de pair »

Au Gaec de la Grange dans l’Ain, des méteils d’hiver et d’été sont implantés depuis deux ans. L’objectif est de produire des fourrages riches en protéines et en fibres. Et de rechercher une couverture permanente du sol.

Une bonne ration de base, c’est ça qui compte ! Cela signifie de récolter des fourrages diversifiés et de qualité", estime Christian Gonnu, éleveur en Gaec à Sainte-Olive dans l’Ain, à la tête d’un troupeau de 70 laitières à 9 600 kg de moyenne. "Nous voulons être moins dépendants au tourteau mais tout en visant une bonne productivité par vache car nous sommes limités en place dans notre bâtiment. »

Sur l’exploitation, la recherche de l’autonomie protéique passe avant tout par la voie fourragère. Depuis une dizaine d’années, la ration hivernale des laitières se constitue pour moitié d’ensilage de maïs et moitié d’ensilage d’herbe. Au printemps, les éleveurs pratiquent le pâturage tournant sur 12 hectares accessibles aux laitières. « Chez nous, le ray-grass anglais-trèfle blanc montre ses limites. Nous n’avons pas le climat breton ! Cette association ne résiste pas aux chaleurs de fin de printemps ni à la sécheresse estivale. Le RGA ne pousse plus au-delà de 22°C et ne possède pas d’enracinement profond. » Les éleveurs ont testé le dactyle et la fétuque mais ils se sont révélés trop envahissants et prenaient le dessus sur le trèfle.

Une économie de 20 à 30 €/1 000 l sur les mois d’hiver

Parmi les différentes pistes pour viser à plus d’autonomie, la luzerne a été d’emblée écartée de la réflexion ; sa culture n’étant pas possible en raison de sols hydromorphes. « Nous souffrons à la fois de l’excès d’eau et du sec. » Pour gagner en autonomie, les éleveurs se sont tournés vers le lupin de printemps pendant 3-4 ans. « Nous n’avons pas été convaincus, le désherbage n’était pas satisfaisant. Au mieux, nous faisions 25-30 qx/ha de rendement mais le plus souvent, les résultats ne dépassaient pas 15 qx/ha. »

Aujourd’hui, le maïs représente un quart de la surface fourragère (14 ha). Le reste de la SFP se répartit en 35 hectares de prairies temporaires, plus 28 ha de méteils. On distingue les mélanges d’été ou « petits méteils » pour leur cycle court, des mélanges d’hiver ou « grands méteils » pour leur cycle plus long. « Depuis leur introduction dans la ration en janvier dernier, à raison de 10 kg MS par vache et par jour sur les mois d’hiver, le coût alimentaire a bien diminué, affirme Rémi Berthet de ASCEL Conseil élevage. Il oscille en moyenne entre 104 et 118 €/1 000 l sur les mois d’hiver, quand il tournait plutôt entre 132 à 145 €/1 000 l les années précédentes. »

Le méteil d’hiver devient une culture à part entière

Dans la droite ligne de l’agriculture de conservation, la démarche d’autonomie du Gaec de la Grange passe par l’agronomie et la mise en place de couverts. « Nous avons arrêté le labour il y a dix ans car une partie de notre parcellaire se constitue de limons battants. Et nous sommes passés au semis direct depuis 2013 », indique Christian. Un semoir spécifique John Deere 750A et un strip-till ont été achetés en Cuma. « L’objectif est de retrouver davantage d’autofertilité du sol en le nourrissant, de récupérer de la réserve utile et de bénéficier du travail des vers de terre. On oublie trop souvent qu’ils sont nos alliés agronomiques ! Ils contribuent à améliorer la porosité du sol, la teneur en humus, la portance… » 

Les éleveurs appliquent le principe de la double-culture. « Le méteil devient une culture à part entière, tandis que le maïs, qui reste en terre cinq mois, joue le rôle d’interculture. » En 2014, le maïs a été coupé haut (à 80 cm du sol) pour augmenter sa valeur énergétique (1 UFL/kg MS à l’analyse). « La finalité serait de récolter du maïs épi ou du maïs grain humide. » Mais en 2015, les stocks d’herbe ne se sont révélés suffisants pour envisager cette option. « Nous n’en sommes aujourd’hui qu’au commencement de notre démarche, avance modestement Christian dans un sourire. Nous poursuivons nos essais et cherchons encore nos repères. L’un des défis est de trouver la meilleure complémentarité entre graminées et légumineuses dans nos mélanges. »

« Le résultat des méteils d’été est toujours aléatoire »

Sitôt le blé récolté, les associés sèment un petit méteil, qu’ils récoltent mi-octobre. « En 2014, nous avons semé 20 ha d’un mélange à base de 11 kg de vesce, 8 kg de trèfle d’Alexandrie, 14 kg de trèfle incarnat et 1,5 kg de trèfle de Perse. Sur la moitié de la surface, nous avons aussi ajouté 7 kg de RGI et 10 kg de trèfle violet ce qui a permis de faire une coupe au printemps suivant. » La coupe de méteil pur récolté à l’automne a donné 3,6 tMS/ha. Les analyses indiquent un fourrage à 0,69 UF et 22 % MAT. « En incluant tous les frais liés à la chaîne de récolte et le coût des intrants, ce méteil a coûté 301 €/ha, soit 83 €/tMS », calcule Rémi Berthet. « Le mélange a super bien marché cette année-là, par contre, cet été, le couvert a levé mais avec la sécheresse et la canicule, il n’a pas poussé…, témoigne Christian. Il y a toujours le risque avec les intercultures d’été ; le résultat peut être aléatoire selon les conditions climatiques. Or, c’est un véritable investissement, étant donné le prix des semences de légumineuses. À l’avenir, nous miserons plutôt sur le méteil d’hiver. »

Semés mi-octobre et récoltés mi-mai avant les semis de maïs, le méteil d’hiver, à base de pois (50 kg/ha), vesce (32 kg/ha), féverole (59 kg/ha) et triticale (25 kg/ha), occupait 8 ha en 2014. « Avec 21,7 % de MAT, 0,71 UFL et 140 g de PDI, la qualité a été au rendez-vous mais pas la quantité. Nous avons récolté moins de 5 tMS/ha à 41 % de matière sèche. Nous avons fauché de bonne heure (le 10 avril). Peut-être aurions nous dû attendre une semaine de plus... La fertilisation s’est certainement montrée limitante (0 azote et 40 unités de potasse) et le mélange a aussi sans doute manqué de densité », estime l’éleveur. « Le coût du grand méteil, frais de mécanisation inclus, s’élève à 546 €/ha (dont 335 €/ha de semences), et revient donc à 116 €/tMS », rapporte Rémi Berthet.

Viser la meilleure complémentarité graminées-légumineuses

Pour limiter le coût, des commandes groupées de semences ont été mises en place en 2015 à l’échelle d’une trentaine d’exploitations en Dombes. Cet automne, suite à l’échec estival du petit méteil, 23 ha de méteil d’hiver ont été semés sur l’exploitation, après maïs ou céréales. Par rapport à l’année précédente, Christian a ajouté au mélange 10 kg/ha de ray-grass anglais pour améliorer la densité et augmenter la teneur en sucres solubles, pour relever un peu le niveau de matière grasse du lait, qui a eu tendance à fléchir suite à l’incorporation du méteil dans la ration. « Nous n’avons pas de souci de conservation par contre. Un conservateur biologique est utilisé. »

Au-delà de l’amélioration de l’autonomie, les éleveurs évoquent aussi un intérêt certain au niveau agronomique et en termes de santé de leurs animaux. Le méteil, riche en fibres digestibles, est sécurisant dans le régime. « Au niveau agronomique, la féverole fait l’effet d’un speudo-labour et les méteils n’épuisent pas les sols comme les ray-grass. »

« Le coût de semences des légumineuses est divisé par deux grâce à l’achat groupé »

« L’inconvénient du méteil réside dans son coût d’implantation par rapport au volume récolté. Les semences de légumineuses coûtent très cher !, reconnaît Christain Gonnu. Sur notre secteur, nous avons décidé de réaliser une négociation groupée de semences, avec un engagement de surfaces, pour abaisser par le volume le prix de semences à l’hectare. » Chaque exploitant a réalisé un appel d’offres auprès de différents fournisseurs. Pour les densités et les variétés à utiliser, ils se sont basés sur les résultats et analyses réalisés au sein du groupe l’année précédente. « En tout, la commande concerne 29 exploitations et représente 200 hectares, poursuit l’éleveur. Soit 12 t de pois, 12 t de féverole, 4 t de vesce. »

En termes de tarifs, la différence de prix s’est montrée conséquente. « À variété équivalente, le coût de la semence a été divisé par deux par rapport à un achat en individuel !, témoigne Christian. La féverole Diva leur est revenue à 1 060 €/t, le pois Assas à 1 150 €/t et la vesce Gravesca à 1 150 €/t. « La semence du grand méteil que j’ai implanté cet automne me coûte 186 €/ha (féverole 65 kg/ha, pois 43 kg/ha, vesce 35 kg/ha, avoine 20 kg/ha, RGA 10 kg/ha), soit nettement moins que l’an dernier (335 €/ha) !» Dans le mélange 2015, le triticale a été remplacé par l’avoine, qui semble mieux adaptée au contexte local en termes de stade de récolte et d’effet tuteur. Suite aux résultats observés la première année, tous les exploitants investis ont décidé de rouler après le semis, ce qui n’avait pas été fait en 2014 et qui avait provoqué des problèmes de levée.

L’essentiel

• Le système

- 70 vaches à 9 600 kg

- 11 200 l de lait/ha

- 24 % de maïs dans la SFP

• Le coût alimentaire 2015 (1)

- Coût alimentaire total : 94 €/1 000 l

dont coût des fourrages : 41 €/1 000 l

dont coût des concentrés : 53 €/1 000 l

• Les leviers

- valorisation de méteils riches en MAT

- maintien d'un sol vivant et fertile

(1) Ce coût alimentaire vaches laitières a été calculé sur 10 mois (depuis l’introduction des méteils dans la ration). Le coût des méteils inclut les frais de mécanisation et récolte ; le coût l’ensilage de maïs a été estimé à 95 €/tMS toutes charges incluses (sauf distribution), soit 1425 €/ha.

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