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Trop d’approximations dans le rationnement des génisses 

Une erreur d’estimation du poids vif et de la valeur des fourrages distribués aux génisses affecte directement leur niveau d’ingestion, leur croissance, et par ricochet, l’âge au premier vêlage. Le point avec Julien Jurquet, de l’Institut de l’élevage.

Pourquoi s’intéresser à l’ingestion des génisses ? Celle-ci semble pourtant bien connue…

Julien Jurquet - « Sur le terrain, certains conseillers et éleveurs avaient l’impression que les génisses consommaient plus que ce que les outils de calcul de ration prévoient. Autrement dit, qu’une génisse de 12 mois censée ingérer 8 kilos de matière sèche en mangeait finalement plutôt 9 ou 10 kilos. Nous avons donc cherché à savoir pourquoi. La détermination de la capacité d’ingestion est en effet cruciale pour composer la ration et définir les quantités à distribuer.

La prévision de celle-ci repose sur une équation d’Inrae basée uniquement sur le poids vif de l’animal. C’est la même depuis 1990. Ajoutées à cela des évolutions de gabarit, liée à la sélection d’animaux de plus grand format, la question de la validité de l’équation de prédiction de l’ingestion des génisses pouvait donc légitimement se poser. Et ce d’autant plus que la capacité d’ingestion des vaches laitières a été revue à la hausse en 2007. »

Alors, faut-il réévaluer l’ingestion des génisses à la hausse ?

J. J. - « Non, même si cela peut se montrer surprenant, l’équation de prévision de la capacité d’ingestion reste bel et bien toujours d’actualité ! Nous avons pu le vérifier à travers une récente étude menée dans le cadre du projet Ingela financé par FranceAgriMer. Dans un premier temps, nous avons analysé les ingestions moyennes de 58 lots de génisses, issus de quatre fermes expérimentales, nourris à partir d’ensilage de maïs, de foin et d’enrubannage. La différence moyenne entre les ingestions prédites par INRAtion et celles mesurées sont minimes (-0,3 kg MS/j).

Dans un second temps, deux essais de détermination de la capacité d’ingestion ont été menés sur des troupeaux mixtes prim’Holstein et normandes au domaine expérimental Inrae du Pin-au-Haras à l’automne 2019 et 2020. Le premier a été conduit avec de l’ensilage d’herbe d’excellente qualité. Le second avec du foin de faible valeur alimentaire. Là encore, les résultats obtenus corroborent notre constat. Quels que soit la race et le fourrage distribué, l’équation de prévision de la capacité d’ingestion n’a pas lieu d’être révisée. »

Dans ce cas, comment expliquer que les niveaux de croissance ne sont pas toujours au rendez-vous ?

J. J. - « Le problème, c’est qu’il y a trop d’inconnues lors du calcul de ration des génisses. La première chose à faire est de caractériser l’animal à alimenter. Chez les génisses, l’ingestion est liée au poids vif des animaux ; il est donc essentiel de le connaître précisément pour établir une ration adaptée à leurs besoins. Cela permet aussi de vérifier que les objectifs de croissance sont bien atteints, et le cas échéant de corriger le rationnement. La pesée des génisses à des moments-clés, notamment sur la phase 0-12 mois, évite des erreurs d’appréciation affectant la croissance et par là-même l’âge au premier vêlage. Un retard de 20 kilos de croissance à 6 mois peut décaler d’un à un mois et demi la mise à la reproduction. À défaut de pesée, le recours au ruban barymétrique pour mesurer la tour de poitrine s’avère une alternative pertinente, même si elle est bien moins précise. »

Vous pointez aussi du doigt les approximations quant à la valeur des fourrages distribués…

J J. - « Si l’éleveur ne connaît pas la valeur de ses fourrages, cela engendre une approximation supplémentaire qui se cumule à la mauvaise estimation du poids vif, et biaise davantage encore le rationnement. Par exemple, pour une génisse de 400 kilos, une erreur d’estimation de 0,05 UFL sur la valeur d’un foin distribué à volonté avec 1 kilo de concentré, entraîne une variation d’ingestion totale quotidienne de 0,5 kg MS. Cela équivaut à une variation moyenne de la croissance attendue de 190 g/j, soit 20 % de la croissance ! »
 

Facile : la mesure du tour de poitrine !

Bien que moins précise que la pesée, la mesure du tour de poitrine au cornadis donne des repères pour suivre la croissance. « À choisir, mesurer trois à quatre fois le tour de thorax (à 3 mois, 6 mois, 2 semaines après la rentrée en stabulation et avant la mise à l’herbe suivante) a plus d’intérêt qu’une seule pesée », estime Julien Jurquet de l’Idele. Des abaques sont disponibles par race : prim’Holstein, montbéliarde, normande. Les races abondance et tarentaise disposent aussi de leur propre référentiel.

 

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