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La vente et le conseil de produits phyto se réorganisent

Depuis le 1er janvier dernier, les coopératives et négoces doivent choisir entre vente et conseil pour les produits phytosanitaires. Une nouvelle donne pour les vignerons et des questions sur lesquelles la rédaction vous éclaire.

 © V. Bordenave
Vincent Bordenave, vigneron au Château Haut Canteloup, en Gironde, a commandé comme chaque année ses produits phytosanitaires pour la campagne. Avec la nouvelle réglementation, il ne recevra plus le bulletin technique de son fournisseur.
© V. Bordenave

Pourquoi séparer la vente et le conseil des produits phytosanitaires ?

Cette mesure inscrite dans la loi Egalim a pour objectif de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires considérant qu’il y a conflit d’intérêts quand une même structure assure à la fois le conseil et la vente. Le but est de supprimer des préconisations superflues par les technico-commerciaux des structures de distribution. La baisse de la consommation des produits phytosanitaires attendue doit s’accompagner de la promotion de solutions alternatives (comme les biocontrôles qui sont exclus de la loi Séparation vente/conseil) et d’outils pour mieux raisonner l’utilisation de ces produits. Cette réglementation est effective depuis le 1er janvier 2021.

Lire aussi : Phytos : les modalités de séparation entre la vente et le conseil enfin précisées

Désormais, un technicien d’une structure de distribution qui a fait le choix de la vente ne pourra donc plus indiquer par écrit au viticulteur quel produit utiliser pour une problématique identifiée dans une parcelle. Une consigne sur laquelle les distributeurs qui ont fait le choix de la vente seront particulièrement vigilants vis-à-vis de leurs équipes alors que des contrôles sont annoncés sur le terrain, et que toute effraction pourrait avoir des conséquences sur leur droit à vendre des produits phytosanitaires.

Quel choix ont fait les distributeurs et quel sera leur rôle désormais ?

La très grande majorité des coopératives et négoces (95 %) ont fait le choix de la vente dans la plupart des productions agricoles et notamment en viticulture. Ainsi, les 15 négoces de l’arc méditerranéen du réseau Agrosud ont choisi à 100 % la vente. « Les produits phytosanitaires représentent environ 20 % de notre activité intrants, observe Jean-Paul Palancade, directeur de la structure, nos équipes vont désormais se focaliser sur la réglementation, la promotion des OAD, la mise en place d’expérimentations mais elles ne pourront plus établir de programmes phytosanitaires pour les vignerons. En revanche, nous pouvons continuer à conseiller des solutions de biocontrôle qui font l’objet d’une fiche action CEPP. L’activité biocontrôle et agriculture biologique représente d’ailleurs d’ores et déjà 30 % de notre activité protection de la vigne. » En Champagne, la coopérative CSGV a également fait le choix de la vente. « Nos commerciaux vont continuer à accompagner les vignerons en leur proposant des solutions mais pas de programmes. Nous aurons aussi le devoir de vérifier qu’il n’y a pas d’incohérence dans leur choix, en particulier sur la compatibilité des produits. Et nous allons poursuivre le développement des solutions de biocontrôle », explique Stéphane Trumtel, directeur de la coopérative. Dans le Sud-Ouest, le groupe coopératif Euralis est une des rares structures à avoir fait le choix du conseil pour ses activités agricoles. « Pour la filière viticole, compte tenu de notre offre de la vigne au verre (palissage, protection et nutrition de la vigne, mais aussi cartons, bouteilles, fournitures œnologiques…), il n’était pas possible d’isoler les produits phytosanitaires. C’est pourquoi nous créons pour les fournitures aux vignerons une nouvelle structure EVV, qui pour la partie protection phytosanitaire se consacrera exclusivement à la vente », explique Laurent Dubain, directeur général du pôle agricole d’Euralis.

Lire aussi : La coopérative Euralis ne vendra plus de produits phytosanitaires : 7 points à retenir de cette stratégie

À la FNA, Sandrine Hallot souligne le changement majeur que représente cette nouvelle réglementation pour les exploitants « qui seront désormais responsables de leurs choix ». Elle s’interroge par ailleurs sur les difficultés que pourront rencontrer les équipes pour accompagner les agriculteurs vers des solutions alternatives comme les biocontrôles, non concernées par la loi, qui sont souvent associées à des produits phytosanitaires, eux réglementés par les nouvelles dispositions. Une frontière qui sera sans doute délicate à gérer sur le terrain.

C’est quoi le conseil stratégique ?

La loi prévoit deux conseils « stratégiques » obligatoires par période de cinq ans sauf pour les exploitations engagées en agriculture biologique ou certifiées HVE. Sans ce conseil stratégique, le renouvellement du Certiphyto sera impossible et par là même l’achat de produits phytosanitaires. Le premier conseil permet d’établir, à partir d’une visite et étude de l’exploitation, un plan d’action pour réduire l’usage des phytos. Et le second est destiné à dresser un bilan. « Les chambres d’agriculture sont en ordre de marche pour réaliser ce conseil stratégique », informe Jérémy Dreyfus de la direction Entreprises et conseil au sein de l’APCA, qui a réalisé plus de 200 tests en viticulture. « Avec le vigneron, nous abordons la protection de la vigne dans sa globalité en étudiant l’historique des traitements. Nous travaillons aussi les stratégies d’entretien du sol (désherbage mécanique mais aussi couverts végétaux). L’objectif est de proposer un plan d’action compatible avec les moyens humains, techniques et financiers de l’exploitation », explique Benoît Bazerolle de la chambre d’agriculture de la Côte d’Or.

Lire aussi : Les vendeurs de phyto ne peuvent officiellement plus vous conseiller depuis le 1er janvier

À qui s’adresser pour avoir un conseil spécifique ?

Le conseil dit « spécifique », destiné aux besoins de la campagne, n’est pas obligatoire, et ne pourra être que ponctuel. Tout dépendra du niveau d’information, de formation et d’indépendance des exploitants viticoles. Pour répondre à une potentielle demande, les chambres d’agriculture confortent ou structurent leur offre. Ainsi, en Gironde, la chambre d’agriculture a structuré depuis plusieurs années déjà une offre allant de l’abonnement à des messages hebdomadaires à un suivi et une surveillance à la parcelle. En Côte-d’Or, la chambre d’agriculture va proposer une offre de conseil spécifique à plusieurs étages avec des formules allant de l’abonnement à Viti Flash (25 numéros par an d’avril à la veille des vendanges) à un « Pack » plus complet qui comprendra un programme de traitement personnalisé, un suivi de parcelle, l’abonnement au réseau météo et l’appui d’un conseiller. Les vignerons pourront également s’adresser à des conseils privés (environ 500 structures de conseil pour l’ensemble des productions) avec des offres à géométrie variable selon le nombre de parcelles suivies et le niveau du conseil. Selon Franck Mazy, directeur de Viti-Concept, structure de conseil qui opère depuis plus de trente ans en Champagne, « la demande liée à la nouvelle réglementation est encore très timide », l’année 2021 fera sans doute figure de test.

Est-ce que cela va me coûter plus cher ?

Cette nouvelle donne réglementaire aura un coût pour les vignerons, entre 300 et 500 euros HT pour le conseil stratégique obligatoire selon les chambres d’agriculture interrogées. Pour le conseil spécifique non obligatoire, tout dépendra du niveau d’autonomie et des besoins de l’exploitant : de 150 à 300 euros HT pour un abonnement à une lettre hebdomadaire en saison, à plus de 1 000 euros HT pour un conseil plus complet comprenant le programme de traitement et le suivi parcellaire. Un coût qui peut augmenter en fonction du nombre de parcelles suivies. D’un autre côté, le prix du conseil était auparavant inclus dans les produits, chose qui ne se justifiera peut-être plus à l’avenir.

Lire aussi : Produits phytosanitaires : ce qui change pour vous avec la séparation vente-conseil

Au-delà du coût, ce sont de nouvelles relations que devra établir le vigneron avec le technico-commercial de la distribution, dans la mesure où le service de conseil accompagnait naturellement la vente. Un équilibre à trouver pour respecter cette nouvelle réglementation.

Témoignage : Vincent Bordenave, vigneron au Château Haut Canteloup, en Gironde

« J’ai commandé comme chaque année mes produits phytosanitaires pour la campagne. Avec la nouvelle réglementation, je ne recevrai plus le bulletin technique de mon fournisseur. Je suis de très près mon vignoble et je fais moi-même mes programmes de protection, mais j’apprécie malgré tout d’avoir un avis extérieur. Dans un premier temps, je vais m’abonner à un bulletin technique. Dans la mesure où je suis en démarche HVE, je ne suis pas concerné par le conseil stratégique obligatoire. »

Témoignage : Sébastien Caillat, vigneron au Domaine Lamy Pillot, en Côte-d’Or

« Cela fait déjà plusieurs années que je prends conseil auprès du technicien de mon distributeur et du technicien de la chambre d’agriculture. Ces échanges réguliers sont très constructifs pour établir mon programme. Je ne pense pas que la nouvelle réglementation va changer cette approche dans la mesure où c’est moi qui prends la décision. En revanche, j’ai déjà passé un conseil stratégique avec la chambre d’agriculture et je me dirige vers la certification HVE. »

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