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La taille de la vigne, véritable levier d’adaptation

Ajustement au changement climatique, au manque de personnel ou encore aux maladies. Ce sont autant d’objectifs visés par des vignerons de toutes les régions qui font évoluer leurs méthodes de taille.

La taille Scott Henry consiste à conduire le cordon sur deux niveaux.
La taille Scott Henry consiste à conduire le cordon sur deux niveaux.
© L. Vimond
 

Laurent Monnet, directeur vignobles domaines du Château Philippe le Hardi, à Santenay en Côte-d’Or

« Rendre la vigne plus résiliente grâce au respect des flux de sève »

 

 
Laurent Monnet, directeur vignobles domaines du Château Philippe le Hardi, à Santenay en Côte-d’Or
Laurent Monnet, directeur vignobles domaines du Château Philippe le Hardi, à Santenay en Côte-d’Or © Domaines du Château Philippe le Hardi
« Nous avons commencé à modifier notre mode de taille il y a environ huit ans. Nous avions des problèmes de gel de printemps, de baisse de production, de pérennité du vignoble. Nous nous sommes dit qu’il fallait favoriser l’enracinement et retarder la mise à fruits. Jusque-là, nous étions partout en guyot simple. Nous avons commencé par faire appel à un formateur de taille bourguignon, qui nous a parlé de flux de sève, de taille douce. De taille Guyot-Poussard même si notre vignoble n’est pas implanté pour.

 

Nous avons compris que les plaies de taille et de manière plus générale, nos pratiques de taille, pouvaient influer sur le dépérissement de la vigne. Cela nous a permis de faire évoluer nos pratiques. Nous avons ainsi arrêté de tailler ras pour laisser des cônes de dessèchement. Il y a quinze ans, nous avions tous une scie arbo pour rajeunir le pied, avec laquelle nous faisions des plaies de 5 cm. Maintenant, c’est fini.

Nous essayons également de conserver tout ce qui marche. Par exemple, si un pied a deux flux, le but est de les maintenir intelligemment pour un pied plus résilient et plus productif. L’objectif est de s’adapter à chaque cep, et de respecter son ou ses flux. Il faut se poser des questions, observer le végétal. On ne peut plus tailler de manière automatique et systématique. Cela entraîne d’ailleurs une hausse de nos temps de taille de l’ordre de 20 %.

À présent, selon les parcelles, les porte-greffes, les cépages, etc., nous avons des pieds en Guyot-Poussard, d’autres en guyot simple double billon, et d’autres en guyot simple classique. Je ne sais pas si c’est lié à cela, car nous faisons évoluer beaucoup de pratiques (fertilisation, entretien du sol, etc.), mais cette année, la vigne a beaucoup moins souffert de la sécheresse que lors des épisodes caniculaires précédents où nous avions eu de graves défoliations. Cet hiver, nous allons refaire une session de formation, cette fois-ci avec François Dal du Sicavac à Sancerre, afin qu’il nous apporte son éclairage sur des solutions adaptées à notre vignoble.

Nous avons également décalé notre chantier de taille afin d’avoir moins de dégâts de gel. Avant nous débutions dès la chute des feuilles. À présent, le gros de la taille est effectué sur janvier et février, voire début mars. »

Denis Lurton, propriétaire du Château Desmirail, à Margaux en Gironde

« Une taille douce pour lutter contre le changement climatique »

 

 
Denis Lurton, du Château Desmirail, à Margaux en Gironde
Denis Lurton, du Château Desmirail, à Margaux en Gironde © C. Larmanjat
« Nous travaillons sur la taille depuis l’an dernier, notamment pour des questions climatiques. Le but est d’aller vers une taille douce, moins mutilante pour les ceps. Concrètement, sur les jeunes vignes, cela se traduit par l’abandon du guyot double médocain sur cabernet sauvignon au profit du guyot simple, où on ne conserve que les yeux du dessus de la baguette, et au profit du cordon sur merlot. Ce choix tient compte de la capacité de reprise de ces deux cépages suite à un gel. Le cabernet sauvignon aura plus de mal à reprendre en post-gel s’il est conduit en cordon. Le merlot aura moins de difficulté. Nous avons mis cela en place sur environ cinq hectares l’an dernier, sur une vigne de deux ans.

 

Sur les vignes en place, nous allons essayer de davantage étaler la végétation, d’éviter les grosses plaies de taille. Si le pied s’étale trop, nous allons conduire l’aste de manière à ce qu’il revienne vers le pied. Cela limitera par la même occasion l’épamprage car le fait de ne pas réaliser de plaies de taille sur des bois de plus de deux ans évite la sortie des yeux latents.

L’objectif de cette évolution est également de nous affranchir autant que possible du risque de gel. Nous prétaillons les vignes, et notamment celles en cordon, et finissons la taille le plus tard possible. Le cordon permet aussi d’éviter le pliage et il y a moins de pampres. Ce qui résout un autre problème qui est celui de la main-d’œuvre.

Nous n’en sommes qu’au stade de la mise en place donc nous n’avons pas assez de recul pour estimer le gain de temps réel mais cela devrait aussi permettre d’en gagner au relevage puisque les sarments poussent à la verticale tant sur cordon que sur le guyot simple où on a conservé uniquement les yeux du dessus. Enfin, la végétation est plus étalée, ce qui limite la création d’un microclimat propice au développement des maladies fongiques, ce qui devrait nous permettre d’économiser des intrants. Pour tout cela, nous nous faisons accompagner par un formateur, Davy Chodjaï, de chez Cambium.

Tous ces changements s’accompagnent d’une modification du palissage. Nous allons essayer de monter d’environ 50 cm pour une meilleure résistance à la chaleur grâce à la création d’une ombre portée. »

Florian Brusseau, gérant de la SARL Brusseau et fils, à Jarnac-Champagne en Charente-Maritime

« Le cordon permet de limiter le recours à la main-d’œuvre et la mortalité des ceps »

 

 
Florian Brusseau, gérant de la SARL Brusseau et fils, à Jarnac-Champagne en Charente-Maritime
Florian Brusseau, gérant de la SARL Brusseau et fils, à Jarnac-Champagne en Charente-Maritime © L. Vimond
« Sur les 110 hectares du domaine, environ 80 sont menés en guyot double. Ce mode de conduite permet une bonne rentabilité car le rendement est au rendez-vous. Mais avec les problèmes de main-d’œuvre de plus en plus difficile à trouver, le cordon est un réel atout. J’en ai 20 hectares, je les taille avec les scies (taille rase), il n’y a pas de tirage des bois, pas d’attachage, pas de relevage. C’est un vrai gain de temps.

 

Et je constate aussi une moindre mortalité des ugni blanc en cordon. J’ai deux parcelles, plantées la même année, avec le même lot de plants et travaillées de manière identique sauf la taille. Sur la partie en guyot double, il y a environ 20 à 30 % de mortalité, contre 5 % dans celle en cordon. Autre atout, on peut tailler les vignes en cordon beaucoup plus tardivement vu que cela va vite. Ce qui est utile pour éviter le gel. J’ai également planté une parcelle d’environ 10 hectares il y a trois ans en cordon à deux étages, aussi appelé Scott Henry, afin d’augmenter le rendement de ce mode de taille. C’est une technique qui vient d’Australie et nécessite pas mal de temps à l’établissement. Il y a un cordon à 1,60 m de haut et un autre 50 cm plus haut en sens inverse. On travaille sur la création d’une machine à deux niveaux pour passer en TRP dessus. Cela existe en Australie, cela devrait être faisable. Ce mode de taille devrait allier les intérêts du cordon à ceux du guyot. »

Mickael Burger, chef de culture au Domaine Muller-Koeberle, à Saint-Hippolyte dans le Haut-Rhin

« Diminuer les maladies en allongeant les pieds »

 

 
Mickael Burger, chef de culture au Domaine Muller-Koeberle, à Saint-Hippolyte dans le Haut-Rhin
Mickael Burger, chef de culture au Domaine Muller-Koeberle, à Saint-Hippolyte dans le Haut-Rhin © M. Burger
« Nous sommes passés du guyot double conventionnel à une taille Dezeimeris-Poussard en guyot simple depuis deux ans. L’objectif est de péreniser le flux de sève, afin de diminuer la mortalité, les maladies et d’augmenter la résistance à la sécheresse de la vigne, d’éviter de créer du bois mort pour avoir moins d’esca. Avant, nous essayions de rester sur le courson mais nous revenions toujours au cep afin d’éviter l’allongement du pied. Nous avons suivi une formation avec Marceau Bourdarias, conseiller en viticulture, chantre de la taille douce, pour voir comment conserver l’allongement d’année en année.

 

Nous montons un courson-baguette sur le courson de l’année précédente et allons toujours dans le même sens. Sur les vignes avec un fort espacement entre ceps, nous créons un genre de pied intermédiaire en laissant une baguette et un courson au bout d’une baguette (de l’année passée en guyot double). Les pieds intermédiaires nous permettent de conduire les parcelles en guyot simple tout en conservant les deux flux de sève.

Sur des parcelles avec un écartement entre pied plus réduit, nous ne créons pas de ceps intermédiaires, nous conduisons alors la parcelle en guyot simple en perpétuant coursons-baguette sur courson. Nous lions tout à plat et non en arcure, ce qui permet un gain de temps au liage, à l’ébourgeonnage et un palissage plus simple, car tout pousse au même niveau.

Malgré une baisse de la charge, le rendement reste stable car les raisins sont plus gros. Et sur les coursons, les flux semblent beaucoup plus intenses ; on constate déjà une différence de vigueur des bois. »

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