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La cave de Cap Leucate mise sur le recyclage des eaux usées pour l'irrigation

Alors que le dernier millésime a été marqué par des épisodes de canicule et de sécheresse ayant un impact direct sur le volume de production, la question de l’eau devient cruciale. Convaincue que le recyclage de l’eau des stations d’épuration peut apporter une partie de la solution, la cave coopérative de Cap Leucate développe un projet pilote.

Lilian Copovi : L’accès à l’eau est une des clés de la survie de la viticulture ici mais cela ne sera pas suffisant. Il faudra actionner tous les leviers pour surmonter le réchauffement climatique.  © Y. Kerveno
Lilian Copovi : L’accès à l’eau est une des clés de la survie de la viticulture ici mais cela ne sera pas suffisant. Il faudra actionner tous les leviers pour surmonter le réchauffement climatique.
© Y. Kerveno

« Dans notre contexte où l’eau devient un enjeu majeur, le recours aux eaux de stations d’épuration est un atout », explique Lilian Copovi, vice-président de la cave de Cap Leucate, dans l’Aude. « Et le premier de ces atouts, c’est que cette eau sera toujours là et disponible puisqu’elle sert d’abord aux habitants et que les populations se développent. » Pour commencer, il a fallu lever les obstacles sanitaires et techniques, tâche dont se sont acquittées les équipes d’Hernan Ojeda, directeur du centre Inra Pech rouge à Gruissan au cours d’un cycle de trois années d’expérimentations. Paradoxalement, ce sont les moins « pures », les eaux de catégories C qui sont aussi les plus répandues, qui se sont révélées au fil des études les plus intéressantes à utiliser en irrigation. « Il a d’abord fallu convaincre que nous pouvions utiliser ces eaux pour irriguer la vigne, alors que la norme ne nous autorisait que les eaux de catégorie B », explique-t-il. L’astuce, c’est le recours à l’aspersion et au goutte-à-goutte. Sans contact direct possible avec l’homme, il n’y avait plus de frein sanitaire. En plus, à l’usage, l’eau de catégorie C s’est révélée depuis bien plus qu’un simple apport hydrique. « Ces eaux sont porteuses de nutriments et de micro-organismes. Elles comportent de l’azote, mais aussi du potassium et un peu de phosphate », décrit Flor Etchebarne, consultante indépendante et chef de projet Irri-Alt’Eau (1). Ce qui permet d’envisager de passer de la simple irrigation à de la ferti-irrigation. D’autres bénéfices sont envisagés, par l’apport de micro-organismes et de nutriments contenus dans l’eau qui pourraient contribuer à la vie de sols.

Un apport essentiel pour les vignes les plus jeunes

Cap Leucate a donc investi 480 000 euros avec le groupe BRL pour développer un projet pilote à Roquefort-des-Corbières, dans une zone de forte tension. C’est une zone de 16 hectares comptant 10 propriétaires et contiguë à la station d’épuration qui a été retenue et équipée. « Il a fallu que nous construisions un bassin de rétention de 3 000 m3 pour stocker l’eau, sinon nous n’aurions pas eu assez de débit », précise Lilian Copovi. Une fois traitée, l’eau est reprise par une pompe pour être expédiée dans un bassin. Elle transite ensuite par des filtres à sable, puis subit un filtrage aux ultraviolets et une très légère chloration avant d’être injectée dans le réseau d’irrigation. L’an passé, c’est une parcelle de 4 ha appartenant à un vigneron indépendant qui a été irrigué, cette année, pour la deuxième campagne, c’est tout l’îlot. « Nous avons mis en place quatre modalités pour comparer, zéro irrigation, 50 mm, 100 mm et le recours à l’eau potable du réseau », ajoute-t-il. Les premiers résultats des analyses menées par l’IFV confirment qu’il existe une réelle différence entre la conduite en sec et celle bénéficiant d’irrigation au moins pour les vignes les plus jeunes. Par contre, les différences entre 50 ou 100 mm sont minimes. Et dans les vieilles parcelles, la conduite en sec ou irrigué n’a pas créé de différence majeure, ni dans les volumes, ni dans la composition des raisins.

(1) Irri-Alt’Eau est un projet collaboratif mené entre 2014 et 2018 avec un partenariat réunissant l’Inra Pech-Rouge, Le Grand Narbonne, Veolia, la cave coopérative de Gruissan et Aquadoc.

Une goutte d’eau dans un océan de problèmes ?

La cave de Cap Leucate a d’autres projets en matière d’irrigation. Elle a déposé des demandes de forages, réfléchit à du stockage collinaire et louche sur la station d’épuration de Leucate, station balnéaire importante de la côte audoise pour irriguer un secteur de 106 hectares avec un budget de 2 millions d’euros. « Juste à côté, il y a la station Fitou qui pourrait être raccordée, et celle de Sigean mais, celle-là, les élus ne semblent vraiment pas s’y intéresser », détaille Lilian Copovi. L’union de cave coopérative à laquelle appartient Cap Leucate, Val d’Orbieu, y réfléchit aussi pour la coopérative de Névian, au nord de Narbonne. « La plupart des stations d’épuration récentes sont compatibles, sanitairement, avec ces procédés. Mais face à cette problématique de l’eau, nous ne nous en sortirons pas avec une seule solution, il faut donc étudier toutes les pistes possibles », prévient Lilian Copovi.

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