« J’investis dans l’élevage de porc de demain »
David Le Lay en est persuadé. C’est maintenant qu’il faut construire l’élevage de demain. Un élevage décarboné, doté d’un système d’intelligence artificielle. Dans sa structure de 859 truies située sur la commune de Lothey, dans le Finistère, il investit massivement dans ce sens.
David Le Lay en est persuadé. C’est maintenant qu’il faut construire l’élevage de demain. Un élevage décarboné, doté d’un système d’intelligence artificielle. Dans sa structure de 859 truies située sur la commune de Lothey, dans le Finistère, il investit massivement dans ce sens.



À cinquante-deux ans, David Le Lay considère que la production porcine pourrait connaître prochainement ses Trente Glorieuses. À condition de réussir à investir dans son outil pour décarboner au maximum l’énergie utilisée, être performant en bien-être animal et utiliser l’intelligence artificielle dans la conduite de son élevage. C’est l’adoption de l’Accord de Paris sur le Climat en 2015 « qui m’a fait prendre conscience de la nécessité de faire entrer mon élevage dans une nouvelle direction, explique cet éleveur de 859 truies naisseur-engraisseur (130 hectares de SAU, 25 300 porcs produits), mais toujours dans l’objectif de produire du porc en qualité-prix pour tous ». Autrement dit, sous référentiel Le porc français (LPF). Dans son élevage de Rossivin racheté à son père en 2002, David Le Lay (adhérent Evel’Up) va mettre en place une stratégie globale à partir de 2017. Un projet d’ampleur dont les derniers travaux viennent tout juste de se terminer.

Première étape, la décarbonation
À l’époque, David Le Lay calcule avec précision toutes ses consommations. 1,1 million de kilowatts électriques pour fabriquer dans l’année 7 000 tonnes d’aliments à la ferme, traiter de novembre à février hors période d’épandage 60 mètres cubes de lisier par jour ou encore éclairer et ventiler ses bâtiments. Et 30 tonnes de gaz, soit 250 000 kWe pour chauffer la partie post-sevrage (4 000 places). À partir de là, il regarde quels équipementiers pourraient lui fournir de quoi produire de l’énergie renouvelable. « J’ai opté pour six trackers de la société OKwind dont la production électrique est intégralement consommée sur place, sans revente à EDF. » Pour le chauffage de ses 4 000 places en post-sevrage, il fait le choix de la lisiothermie avec Caloporc pour « économiser l’équivalent de 22 tonnes de gaz. La récupération de calories dans le lisier présente l’avantage en plus de réduire les émissions d’ammoniac ». Enfin, il recouvre ses fosses à lisier de membranes de type Nénufar et extrait le méthane pour produire par cogénération 280 000 kWe.
Un cercle vertueux
Dans sa stratégie de décarbonation, ce lisier fait l’objet d’un troc : de l’azote en échange de maïs et de céréales collectées dans un rayon de 25 kilomètres autour de l’élevage pour fabriquer son aliment. « C’est un cercle vertueux, sourit David. Les céréales données aux cochons élevés grâce à de l’énergie renouvelable donnent du lisier qui revient à mes voisins cultivateurs pour produire des céréales. » Pour toute la partie décarbonation, l’investissement s’est monté à 1 million d’euros. Il a même fait le choix de se doter de trottinettes-cargo électriques pour les opérations de manutention dans l’élevage. David Le Lay est maximaliste dans ses choix. Sur la parte décarbonation, l’élevage de Rossivin a injecté 1 million d’euros au total. Un investissement conséquent, mais sans commune mesure avec la rénovation complète de ses bâtiments d’élevage.

7 millions d’euros en huit ans
David Le Lay a en effet injecté en huit ans 7 millions d’euros dans la mise en cohérence de ses bâtiments, la reconstruction des structures les plus anciennes – la maternité transformée en maternité-liberté (168 cases), la verraterie-liberté (travaux en cours) –, le désamiantage des bâtis les plus anciens, leur isolation par l’extérieur, l’installation de ventilation économe, d’éclairages au LED… Le bien-être des dix salariés fait évidemment partie de l’équation avec un local adapté, une salle dotée d’une connexion vidéo pour se former à distance, etc.
Ouverture capitale
Par l’ensemble de cette transformation, l’élevage de Rossivin a fait progresser l’ensemble de ses paramètres de production entre 2017 et 2024. « Par le progrès génétique (PIG 410 en lignée mâle et Camborough en femelle avec multiplication à la ferme), le nombre de porcelets sevrés par truie et par an est passé de 31,82 à 35,62, souligne David Le Lay. Le GMS technique 30-115 a progressé de 796 à 857 grammes. De fait, l’indice de consommation global s’est amélioré (2,73 en 2017, 2,63 en 2024). Enfin, on peut citer le taux de perte et saisie en engraissement passé de 3,1 à 1,9 %. » L’éleveur est conscient qu’il n’aurait jamais pu investir à ce niveau s’il avait eu un élevage plus petit. C’est de son point de vue le seul chemin pour être mieux-disant sur tous les plans. Reste à réussir à l’expliquer à la société face aux attaques incessantes des associations abolitionnistes. Entrepreneur dans l’âme, David Le Lay a un autre projet en tête dans le cochon : créer un autre élevage de même niveau dans le futur. Mais il ne pourra jamais le faire seul, vu le niveau d’investissements : 16 000 euros la place de truie en neuf, soit 16 millions d’euros pour un élevage de 1 000 truies. D’où son idée d’ouvrir son capital à un partenaire au maximum à 49 % pour qu’il garde la main. En mai, il avait commencé à le faire savoir.
« La production porcine pourrait connaître prochainement ses Trente Glorieuses »
Une numérisation de l’élevage depuis quinze ans
L’élevage de Rossivin a fait le pari à la fin des années 2010 de la numérisation de l’intégralité de son élevage. Une idée folle parce qu’à l’époque, il n’était même pas connecté à l’internet haut débit. Pour commencer, « j’ai investi dans une antenne privée pour avoir 400 mégabits en hertzien, puis fait poser 1,4 kilomètre de fibres optiques dans tous les bâtiments pour constituer la base des données de production de tout l’élevage ». David Le Lay confie qu’il ne savait pas vraiment quand et comment il pourrait valoriser cette somme colossale de données d’élevage.
« Maintenant je sais : cette autoroute de l’information couplée à un algorithme performant me donne la possibilité d’établir des processus précis pour ne pas dériver en performances. » Par exemple pour un porc de 95 kilos de carcasse, son système d’informations établit instantanément tous les paramètres de production durant sa carrière : les protocoles sanitaires bien sûr, mais aussi sa consommation d’aliment, le confort de l’animal et toutes sortes d’informations techniques. « L’IA va nous apporter bien d’autres choses, poursuit l’éleveur. Je travaille actuellement à la mise en place d’une sorte d’agenda qui établira tout le processus organisationnel. Qu’en cliquant sur un lien, l’algorithme décrive la tâche à réaliser, en texte et/ou en vidéo. »