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Grippe aviaire : s’appuyer sur l’expérience pour progresser dans la lutte

Exerçant en Vendée, le vétérinaire avicole Dominique Balloy tire les leçons de l’épizootie de virus influenza H5N1, qu’il a vécu de très près.

Compte tenu de la contagiosité extrême du virus H5N1, la biosécurité a été insuffisante, notamment lors des transports d'animaux
Compte tenu de la contagiosité extrême du virus H5N1, la biosécurité a été insuffisante, notamment lors des transports d'animaux
© P. Le Douarin

“C’est une maladie sournoise”, relatait Dominique Balloy, vétérinaire en Vendée, lors d'une réunion organisée en juin 2022 par le laboratoire de santé animale Zoetis. Si l’excrétion préclinique est marquée chez les palmipèdes, elle est plus faible chez les galliformes. Les signes nerveux sont caractéristiques, mais des expressions cliniques plus surprenantes, de type cardiaque sur des poulets de chair, ont aussi été observées.

“On n’a sans doute pas dépisté certains lots précocement atteints car les signes nerveux n’étaient pas assez manifestes ou sont passés sous les radars avant déplacements.” Des prélèvements négatifs, effectués 48 heures avant l’enlèvement des volailles, pouvaient basculer positifs 24 heures plus tard sur les animaux morts. De quoi être déroutés !

Des lésions inhabituelles ont fini de surprendre les vétérinaires. “Le virus se comporte différemment chaque année.” Des mortalités de fin de lot, non diagnostiquées ont pu être des premiers cas d’influenza aviaire. “Il faut absolument s’intéresser aux animaux morts de fin de bande.”

 

 
Les moyens ont été dépassés en Vendée, mais la solidarité a permis de gérer tant bien que mal.
Les moyens ont été dépassés en Vendée, mais la solidarité a permis de gérer tant bien que mal. © S.Huet

 

Une gestion tant bien que mal

Les moyens technologiques et humains ont été clairement dépassés en Vendée. Mais la solidarité a permis de gérer la crise tant bien que mal. Les euthanasies par injection et les chantiers de ramassage des morts, souvent “effectués dans des conditions innommables du fait des retards de collecte”, ont mobilisé du personnel nombreux.

Les enfouissements de cadavres et les stockages temporaires dans l’attente d’évacuation ont compensé le débordement. Des centres d’enfouissement technique ont désengorgé les élevages. Pour autant, les camions qui ont procédé aux enlèvements dans l’urgence n’étaient pas toujours adaptés, ni bien bâchés. “Il y a sans doute eu des contaminations liées au transport de cadavres.”

La virulence du virus H5N1 et la forte pression environnementale ont remis en cause la certitude que la biosécurité pouvait suffire. “Même dans un élevage de reproducteurs hypercarré, le virus a frappé, sans doute suite au dépeuplement d’un élevage touché à 400 mètres.” Des chantiers de dépeuplement, même menés dans des conditions idéales ne sont pas à l’abri d’être contaminants. “Il y a toujours des plumes qui volent.” Cela dit, le dépeuplement opéré au Nord de la région a sans doute protégé la Bretagne, où il n’y a eu que six foyers.

Apprendre des autres et de ses erreurs

Les retours d’expérience sont une aide précieuse pour mieux se préparer et s’équiper. Les Pays-Bas, qui ont vécu des crises graves en 2003-2004, envoient du CO2 mousseux avec détergent directement dans le bâtiment pour euthanasier les animaux sans les manipuler, refroidir et décontaminer les carcasses. “L’évacuation des morts à la brouette est beaucoup moins dangereuse pour l’environnement (échappement de contaminants dans l’air) et pour le personnel (risques de blessures).”

Les Néerlandais peuvent aussi composter les cadavres et les litières pendant trois semaines dans le bâtiment avant évacuation. “Cela diminue le risque de contamination environnementale.” En Asie, tous les camions circulant sur les routes sont bloqués et désinfectés en cas de crise. Les visiteurs des élevages sont parfois aspergés de désinfectant avant douche obligatoire.

“Chez nous, nous avons peut-être surestimé notre niveau de biosécurité.” L’humilité aurait aussi été préférable à l’orgueil, quand on sait que la définition des zones à risque de diffusion a été publiée au 29 septembre 2021. “Le Sud-Ouest et le Grand Ouest avaient été identifiés par la chaire de biosécurité de l’École nationale vétérinaire de Toulouse. Ils avaient raison.”

On sait aussi par expérience que la vague de suspicion de cas chez les palmipèdes précède toujours la vague Gallus. Et que les foyers initiaux résultent d’une exposition massive des élevages au virus via la faune sauvage et des failles de biosécurité. Étant donné la très forte contagiosité du virus, la biosécurité ne permettait pas de maîtriser la diffusion, notamment lors des transports d’animaux. Les Italiens se sont d’ailleurs résolus à réduire les mouvements d’animaux entre élevages pour limiter la contagion.

Améliorer les systèmes de détection

Pour éviter que ça ne déraille à l’avenir, Dominique Balloy suggère d’éviter les épandages d’effluents d’élevages non contrôlés jusqu’à fin février, de dépister systématiquement tous les lots de volailles avant transfert et avant enlèvement, de mieux maîtriser les chantiers de ramassage, d’euthanasie et d’enfouissement ainsi que les tournées d’équarrissage. La concentration d’élevages multiespèces est un facteur majeur de risques.

“L’âge unique et l’espèce unique sont la meilleure option sanitaire.” Il faut proscrire la dispersion par mouvement d’animaux dans des élevages multiples et distants, renforcer la biosécurité et éviter le croisement des camions de transport (poussins, aliments, gaz, vif, cadavres, lisiers) sales et propres dans des zones à risque. Sur ce point, une commune vendéenne en est l’illustration. Le dépeuplement, qui a fait ses preuves est une solution à maintenir.

Quant à la vaccination, “on ne peut plus attendre, il faut tester pour éviter les excrétions et les contaminations de voisinage.”

« On se relève mais c’est compliqué ! »

François Landais, vétérinaire dans le Sud-Ouest

La filière Sud-Ouest gère de mieux en mieux l’influenza aviaire, mais l’impact reste à un niveau inacceptable et la répétition génère exaspération et découragement.

 

 
La filière sud-ouest gère de mieux en mieux mais la répétition génère exaspération et découragement.
La filière sud-ouest gère de mieux en mieux mais la répétition génère exaspération et découragement. © S. Huet

 

“Durant la trêve de 2018-2020 sans foyer, on a perdu des automatismes. Et ce qu’on apprend d’une crise est mis en défaut par la suivante, les scénarios étant à chaque fois différents. Le virus est un révélateur impitoyable des aspects oubliés ou occultés. Néanmoins, on se relève plus vite.

En 2022, malgré un virus plus destructeur, on a eu moins de foyers, on a préservé les reproducteurs, les zones réglementées ont été moins étendues, on n’a pas été en saturation pour les prélèvements, les analyses, les euthanasies, l’équarrissage. Tout se fait de manière plus fluide entre les intervenants et les procédures sont rodées. Les moyens de nettoyage et de désinfection sont maîtrisés. Les remises en place ont eu lieu deux mois après le dernier foyer, contre cinq mois en 2016. Les vides sanitaires sont plus courts. Les différentes stratégies de repeuplement testées ont bien fonctionné. Le risque de réapparition du virus est de mieux en mieux maîtrisé grâce aux protocoles exigeants de contrôles, nettoyages, désinfections et vides sanitaires absolus.

Ces aspects positifs sont toutefois bien dérisoires et ne compensent pas le traumatisme des producteurs. Beaucoup ont été systématiquement concernés par les dépeuplements et les vides sanitaires, malgré les investissements et les efforts de biosécurité. Le mode de gestion conventionnel des crises a atteint un plafond de verre.

Pour les scientifiques, seule la vaccination en complément de ces mesures pourrait permettre de le franchir. C’est l’ultime lueur d’espoir pour les éleveurs.”

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