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Reportage
Tester et s’approprier de nouvelles techniques grâce au réseau des fermes Dephy

Grâce à son groupe Dephy, David Balaguer a pu se former et découvrir de nouvelles techniques de désherbage tout en allongeant sa rotation. Si stabiliser les traitements phytosanitaires sur sa ferme reste difficile, il a tout de même réduit son IFT global entre 2011 et 2018.

David Balaguer utilise le déchaumeur acheté en 2017 systématiquement après ses moissons d'été.
© DR

« Je suis entré dans le réseau Dephy pour avoir du suivi », explique David Balaguer. Installé dans le Tarn-et-Garonne à La Chapelle, cet exploitant de 47 ans gère une petite ferme de 90 hectares avec des sols hétérogènes. Production phare de l’exploitation avec une marge brute de plus de 7000 euros de l’hectare, l'ail, même s'il occupe moins de 4 hectares, lui prend pas mal de temps. Il doit donc s’organiser en conséquence, dans un contexte réglementaire de plus en plus exigeant. « L’objectif de réduction des phytos affiché par le réseau m’intéressait également, tant pour réduire mes charges que pour voir comment changer de fusil d’épaule alors que les matières actives se réduisent les unes après les autres », complète l’exploitant. Sur huit ans, l’évolution erratique de son IFT (indice de fréquence de traitement) montre qu’il est assez difficile de garantir une réduction des traitements (voir graphique) sur la ferme. Néanmoins, les progrès sont là. « Dans le groupe, les IFT restent variables mais nous ne dépassons plus la référence régionale, confirme Pierre-Henri Guiral, technicien chez Qualisol et animateur du groupe Dephy de David Balaguer. En 2016, nous étions à -15 % en moyenne par rapport à la référence 2011. »

Quand le désherbage mécanique s’invite dans l’itinéraire technique

Pour David Balaguer, qui testait pour la première fois le travail en groupe, les expériences partagées sont un vrai facteur de progrès. « J’ai par exemple réussi à éliminer un passage insecticide sur colza en ajoutant à mes semences un sachet d’une variété plus précoce qui attire les méligèthes, explique-t-il. Nous en avons parlé dans le groupe, certains collègues avaient testé cette technique et obtenu des résultats, alors je me suis lancé. Et ça a marché. » Les échanges, les formations, particulièrement nombreuses dans la première partie de la programmation, et les conseils plus poussés de la coopérative l’ont amené à pas mal de changements dont, entre autres, le décalage de la date du semis du blé à fin novembre, pour éviter un traitement sans perte de rendement. L’agriculteur s’est également équipé d’un déchaumeur en 2017. « Cela m’a permis d’abandonner le glyphosate, explique Didier Balaguer. Je passe le déchaumeur systématiquement après les blés, les tournesols, également derrière colza. Sur mes boulbènes qui étaient sales, j’ai fait trois faux-semis l’an dernier .»  L’agriculteur ne fait pas de traitement d’automne sur céréales, sauf exception. Pour compléter sa stratégie, il est en passe d’acheter une herse étrille qu'il valorisera aussi dans son ail. Au fil des essais menés au sein du groupe Dephy, l’agriculteur a également pu écarter, au moins temporairement, certaines techniques. C’est le cas de l’herbi-semis qui consiste à apporter un herbicide au semis uniquement sur le rang. « Grâce à un partenariat entre Syngenta et Qualisol, j’ai fourni la cuve et bénéficié en retour de l’équipement adéquat, explique-t-il. Mais je n’ai jamais pu mettre en œuvre cette technique correctement. » Faute de temps, arrachage de l'ail oblige, mais également d’outil pour revenir désherber mécaniquement ses maïs et ses tournesols pendant la campagne, l’agriculteur désherbe en plein. « Le seul avantage, c’est d'éviter un passage de tracteur en faisant semis et désherbage en même temps », note-t-il.

De la luzerne et du pois chiche dans la rotation

Globalement, l’agriculteur se sent aujourd’hui plus à même de prendre des risques. « Je ne désherbe plus systématiquement tous mes blés, seulement les bordures pour éviter de propager les adventices », indique-t-il, par exemple. Pour Pierre-Henri Guiral, c’est de fait l’une des victoires du groupe : « je constate que les agriculteurs ont un rapport différent aux conseils et à l’utilisation des phytos. Ils ont plus de recul sur leurs interventions et savent dire non à un traitement lorsque la situation ne le justifie pas totalement ».

Mais au-delà des traitements eux-mêmes, le groupe Dephy a permis à David Balaguer de transformer sa rotation. Il s’est ainsi lancé dans la production de pois chiche, culture poussée par la coopérative et dont il a testé la faisabilité au sein du groupe. « En 2017, je n’ai apporté ni fongicide, ni insecticide pour un rendement de 30 q/ha, raconte-t-il. C’est une culture vraiment intéressante, même s’il a fallu traiter contre l’anthracnose en raison de la pluie l’an dernier. » À la recherche de cultures susceptibles de remplacer le maïs, dont les prix faibles entament la rentabilité ces dernières années, il a aussi découvert la luzerne. « Un collègue du groupe Dephy nous a expliqué qu’il s’était lancé avec succès, j’ai essayé », décrit l’agriculteur, qui en a implanté voici deux ans pour cinq ans. Sur 2018, la culture a rapporté 1 100 euros de l’hectare de marge brute, rien à voir avec les 350 euros de l'hectare du maïs irrigué. « Je la vends sur pied à un éleveur voisin, à raison de trois coupes dans l’année », détaille David Balaguer. L’an dernier, l’agriculteur a dû traiter en urgence contre l’apion, mais cela n’enlève rien à l’intérêt de la culture, facile à conduire et à vendre. David Balaguer songe même à en profiter pour passer en bio une partie de ses surfaces…

 
En chiffres

Une rotation allongée

90 ha partagés entre terreforts (sols argilo-calcaires lourds) et boulbènes (limons battants hydromorphes) ;

34,5 ha de blé améliorant (55 q/ha en moyenne), 17 ha de tournesol (25 q/ha), 17 ha de luzerne (11 t de matière sèche/ha), 10 ha de maïs irrigué (100 q/ha), 3 ha de pois chiche (30 q/ha), 3,8 ha d’ail (8 t/ha) ;

356 euros/ha (maïs irrigué, frais d’irrigation déduits) à 7 300 euros/ha (ail) de marge brute sur la ferme ;

100 % de la production vendue à Qualisol.

En route vers la Haute valeur environnementale

« Réduire les phytos, d’accord, mais c’est tout de même beaucoup plus facile s’il y a une contrepartie. Quand les risques sont compensés par des avantages, cela donne du sens », explique Pierre-Henri Guiral, animateur du groupe Dephy de Qualisol. C’est grâce à la certification HVE (Haute valeur environnementale) de niveau 3 que la coopérative compte offrir à ses adhérents cette valorisation. Pour 2018, elle a commencé avec le pois chiche, payé cette année 1 euro la tonne de plus à Françoise Magné (voire encadré), première exploitante du groupe Dephy certifiée HVE. « La certification repose sur quatre groupes d’indicateurs autour de la fertilisation, des phytos, de l’irrigation et de la biodiversité, rappelle Pierre-Henri Guiral. Au sein du groupe Dephy, nous avons beaucoup travaillé sur la fertilisation grâce à l’introduction de légumineuses. Les indicateurs autour de la biodiversité et de l’irrigation ne posent en général pas de problèmes. C’est vraiment sur la stratégie phyto que portent nos efforts. » Les exploitations doivent descendre de 30 % leur IFT par rapport à la référence. David Balaguer y est presque, mais il devra probablement aller encore un peu plus loin sur le désherbage mécanique : « Nous allons essayer l’HVE, mais dans la limite du possible, prévient-il. Il faudra réétudier la faisabilité régulièrement. » Pour Pierre-Henri Guiral, la clé est dans le suivi : « dans Dephy, nous avons beaucoup développé les accompagnements individuels, avec des préconisations cohérentes par rapport aux débouchés, c’est un gros atout ».

Les deux leviers de Françoise Magné pour baisser l'IFT

Exploitante sur 82 hectares dans le Gers, Françoise Magné est la première agricultrice certifiée HVE du groupe Dephy de Qualisol. Sans irrigation, elle a mis en place une rotation à base de blé améliorant, d’orge d’hiver et de tournesol, enrichie depuis trois ans par du pois chiche. « C’est un bon assolement, même si le pois chiche n’est pas aussi simple à faire que nous le pensions, explique-t-elle. On ne peut pas faire de semences de ferme, et il y a un risque maladie avec l’anthracnose. » La culture est l’un des leviers pour faire baisser les IFT sur la ferme, de même que le désherbage mécanique. « Nous avions une bineuse depuis longtemps, mais nous avons investi dans une herse étrille en 2012, financée à 30 % par une aide du conseil régional, précise-t-elle. Ça nous a permis de réduire les herbicides. » Reste que comme David Balaguer, Françoise Magné est soumise aux aléas climatiques. Descendu à 1,83 en 2014, son IFT total est remonté à 3,31 en 2018…

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