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Genodics contre l'esca de la vigne : stop ou encore ?

Les retours du vignoble concernant l’utilisation des boîtiers de génodique contre l’esca sont très hétérogènes. Des recherches de l’université de Cergy-Pontoise pourraient venir éclairer le débat.

Les boîtiers de l'entreprise Genodics diffusent des phrases musicales pendant quelques minutes plusieurs fois par jour.
Les boîtiers de l'entreprise Genodics diffusent des phrases musicales pendant quelques minutes plusieurs fois par jour.
© Vignerons de Buzet

Nombreux sont les vignerons, caves, groupes ou instituts techniques ayant voulu tester les boîtes à musiques de l’entreprise Genodics pour lutter contre l’esca. Et malheureusement, tout aussi nombreuses sont les conclusions. Pour certains, le bénéfice est sans appel. C’est le cas chez les Vignerons de Buzet, dans le Lot-et-Garonne, qui les expérimentent depuis 2014. « J’étais plutôt dubitative quand l’entreprise Genodics nous a contactés, avoue Carine Magot, responsable expérimentation au vignoble de la coopérative. Mais ça ne nous coûtait rien d’essayer, le deal était satisfait ou remboursé. » Les Vignerons de Buzet avaient justement un îlot de cabernet franc de 5 ha planté dans les années 70 et fortement touché par l’esca. Dans ces parcelles, les comptages et les suivis de mortalité sont réalisés depuis dix ans. L’historique permet donc de comparer la différence. « En moyenne nous avions entre 7 et 8 % de mortalité par an », soulève la responsable. La première année, elle a relevé des taux de 3 % et 5,3 % dans les deux lots ayant reçu les protéodies (voir encadré). En 2015, les taux étaient de 2,6 et 2,8 %. Pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’un effet millésime, les Vignerons de Buzet ont poursuivi l’expérience et depuis 2015 la mortalité n’a jamais été supérieure à 3 %. « Nous avons même décidé de marquer les ceps qui n’avaient que des expressions ponctuelles, et ils ont moins tendance à mourir l’année suivante par rapport aux autres parcelles », poursuit Carine Magot. Depuis, une trentaine de viticulteurs de Buzet se sont équipés. « Eux n’ont pas mis en place de protocole précis et sont dans le ressenti, mais ils ont l’impression de voir une amélioration, ne serait-ce qu’en comparant la taille des tas de souches mortes », ajoute la responsable.

Des résultats qui ne sont pas toujours au rendez-vous

Pour d’autres, les résultats attendus ne sont clairement pas au rendez-vous. « Nous avons arrêté l’expérimentation car les résultats n’ont pas été probants du tout », nous a-t-on dit au château Pape-Clément, propriété du groupe Bernard Magrez à Pessac, en Gironde. De même, les boîtiers ont été testés par la chambre d’agriculture du Vaucluse dans le cadre du Plan national dépérissement. Un boîtier a été installé en 2018 sur une parcelle de mourvèdres d’une dizaine d’années avec une forte présence d’esca. Quatre rangs ont été suivis sur 400 m environ, les 200 premiers étant jugés sous l’influence du boîtier et les 200 suivant servant de témoin. En 2018, les improductifs étaient estimés entre 8,5 et 10 % pour les témoins et 10 à 11 % pour les essais. Les comptages ont donné en 2019 des valeurs entre 10 et 12 % pour les témoins et entre 10 et 13 % dans la modalité testée. Puis respectivement 14 à 16,5 % et 16 à 18 % en 2020.

Lire aussi : Un nouvel espoir contre l’esca

Ce qui a fait dire aux techniciens que « le pourcentage d’improductifs n’a pas diminué après deux ans de suivi. Au contraire, leur nombre a continué d’augmenter » et de conclure que « sur cet essai, le dispositif ne semble pas concluant quant à son objectif de réduction de la mortalité de la vigne ». Face à des avis aussi divergents, que penser ? Un éclairage pourrait bien nous venir de l’université de Cergy-Pontoise. Olivier Gallet, professeur en biochimie et physiologie végétale, a mis en place un protocole en laboratoire pour voir si les mélodies de Genodics ont un effet concret sur le végétal. Puisque l’entreprise propose aux maraîchers des protéodies pour lutter contre les aléas climatiques, le chercheur a travaillé sur des pois en germination dans des conditions de stress hydrique, en ciblant une protéine de 25 acides aminés caractéristique de l’adaptation à la sécheresse.

Davantage de biomasse et de protéine cible sur des pois en laboratoire

Une modalité a été stimulée par une mélodie définie par Genodics, une autre avec cette même mélodie modifiée (construite à l’envers, pour voir une éventuelle inhibition) et la dernière servait de contrôle. « Comme j’avais des doutes sur le concept, j’ai fait en sorte d’avoir le moins de biais possible et de multiplier les répétitions », se remémore Olivier Gallet. Et à sa grande surprise, la modalité stimulée avec par la mélodie de Genodics a montré des germinations ayant davantage de biomasse, et qui contenait la protéine d’adaptation à la sécheresse en plus grande quantité. « Je ne saurai trouver d’explication du côté de la physique quantique comme le prétend Genodics, cette discipline me dépasse. Mais d’un point de vue biologique, il est possible que ces fréquences d’ondes particulières favorisent l’organisation des acides aminés dans la cellule, et donc facilitent la traduction des protéines par l’ARN », tente d’analyser le chercheur. Il va lancer prochainement un nouveau projet de recherche pour essayer de comprendre précisément ce qu’il se passe au niveau cellulaire, en étudiant l’effet de protéodies sur des cellules isolées. « De manière générale nous ne savons encore que très peu de choses sur les ondes non ionisantes électromagnétiques et acoustiques, les Oniea, commente Olivier Gallet. Mais les scientifiques se rendent compte qu’elles pourraient avoir de nombreux effets étonnants en médecine, en chimie industrielle ou sur les végétaux. Il y a tout un champ de connaissances à explorer. »

Une solution contre l’esca qui ne saurait être que partielle

Attention toutefois à ne pas tomber dans l’attente d’une solution miraculeuse. Pour lui, même si l’on prouve un jour scientifiquement l’effet des protéodies sur l’esca de la vigne, cela ne permettra certainement pas d’éradiquer la maladie. « L’esca est un problème plurifactoriel, dit-il. Quand bien même nous arriverions à favoriser la synthèse d’une protéine d’adaptation à l’esca de cette façon, cela ne fera pas tout. L’hétérogénéité des résultats d’essais sur le terrain le montre bien. Mais dans la stratégie immunitaire, cela permettrait de placer les vignes dans de bonnes conditions, ce qui serait déjà une bonne chose. »

comprendre

La génodique est un concept développé dans les années 80 par Joël Sternheimer, spécialiste de physique quantique et artiste musicien. Elle étudie les effets de certaines mélodies sur les organismes vivants. L’entreprise Genodics s’est attachée à créer des « protéodies », c’est-à-dire des séries de sons harmonisés en accord avec les acides aminés qui composent les protéines. Genodics a commencé à proposer ses boîtes à musiques en vigne il y a un peu moins de dix ans dans le but de lutter contre l’esca. La firme propose aujourd’hui différentes protéodies destinées à aider la vigne face aux maladies cryptogamiques ou encore aux stress environnementaux.

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