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Zéro résidu : une nouvelle voie ?

En réponse aux attentes des consommateurs, des démarches très restrictives sur la présence et l’usage de produits phytosanitaires émergent. En proposant une gamme de fruits et légumes « Zéro résidu de pesticides », le collectif Nouveaux Champs ébranle la filière et ouvre une nouvelle voie.

La communication claire des démarches très restrictives sur la présence et l’usage de produits phytosanitaires rassure les consommateurs.
© RFL

La filière fruits et légumes est en pleine ébullition. L’annonce d’une gamme de fruits et légumes « Zéro résidu de pesticides » réalisée par le collectif Nouveaux champs lors du dernier salon Fruitlogistica (voir Réussir Fruits & Légumes mars 2018) puis l’engagement des groupements bretons, Savéol, Solarenn et Prince de Bretagne dans une démarche « sans pesticide, 100 % nature » au Salon de l’agriculture créent une effervescence à tous les niveaux de la filière et même au-delà.

Zéro est un coup d’accélérateur

Est-ce là un tournant ? Une nouvelle voie ? Ces démarches ont le mérite de répondre de manière claire et simple à l’inquiétude des consommateurs concernant la présence de produits phytosanitaires dans les fruits et légumes. Initié par Rougeline et fondé par sept entreprises, le label « Zéro résidu de pesticides » est porté par le collectif Nouveaux champs qui compte aujourd’hui près de quarante structures adhérentes représentant 3 000 producteurs, plus de 10 % de la production française et une gamme de plus de 20 fruits et légumes. « D’autres entreprises ont aussi fait part de leur intérêt. Nous discutons avec une quarantaine d’entreprises de la filière et de nouvelles discussions s’engagent toutes les semaines. D’autres secteurs comme l’oléiculture et la viticulture nous questionnent », précise Gilles Bertrandias, président du collectif Nouveaux champs. Pour ces entreprises, déjà engagées dans d’autres certifications (Global Gap, HVE, ISO…), le collectif Nouveaux champs est perçu comme une solution pour entrer dans la démarche « Zéro résidu de pesticides » en bénéficiant déjà d’une expérience, en s’appuyant sur une démarche établie et en disposant d’un accompagnement. « Pour chaque espèce, nous mettons en œuvre une combinaison de pratiques agricoles basées sur l’agro-écologie, ces stratégies de protection de cultures permettent de viser et de garantir aux consommateurs l’absence de résidus de pesticides. Nous assurons un résultat inférieur à la Limite de quantification (0,01 mg/kg), dans une liste pertinente et très large de substances actives pour chaque espèce avec des contrôles sur les moyens déployés et des plans de surveillance réalisés par des laboratoires certifiés Cofrac », précise Gilles Bertrandias.

La nouvelle affirmative « Zéro » perturbe de nombreux acteurs de la filière. A commencer par les producteurs et leur organisation. Les endiviers en ont récemment témoigné lors de leur assemblée générale (voir page 15) et mentionnent les fortes demandes de la grande distribution. Elle vient aussi brouiller des engagements plus orientés sur l’agriculture durable comme les chartes des vergers (pomme, fruits à noyau) et serres éco-responsables (tomate). Lors d’une table ronde organisée au Medfel, salon de la filière fruits et légumes à Perpignan, Daniel Sauvaitre président de l’Association nationale pomme et poire, représentant 24 000 ha de verger mettant en œuvre des techniques agro-écologiques depuis 20 ans pour certains, a témoigné de la difficulté d’intégrer cette nouvelle approche. « Le fait de faire apparaître un objectif zéro est un coup d’accélérateur », a-t-il témoigné. Toutefois, l’affirmation ne remet pas en cause la démarche « éco-responsable » et le pomiculteur y voit « un nouveau Graal à atteindre ». « Cette nouvelle promesse doit également induire la mise en œuvre de nouveaux moyens de recherche et d’expérimentation. Elle doit aussi pousser les autorités à communiquer autour de la sécurité sanitaire apportée par la législation actuelle des LMR », analyse le responsable.

Une plus-value entre le conventionnel et le bio

La démarche est en phase avec la volonté de la distribution. George Daniel, président délégué de la Fédération du commerce et de la distribution à Interfel mentionne l’adhésion totale de ses membres à cette démarche constructive. « De manière générale, les enseignes souhaitent développer une offre « Zéro résidu de pesticides » et certaines ont fait part d’échéances plus précises », assure le responsable. Ainsi, Auchan qui a annoncé mi-décembre le référencement d’agrumes sans pesticide, avait aussi affirmé sa volonté de disposer d’une telle gamme de fruits et légumes en 2020. Lors de la table ronde du Medfel, Matthieu Lovery, directeur du sourcing fruits et légumes de Carrefour, a assuré son intérêt pour accompagner « cette démarche vertueuse ». « Nos partenaires ont besoin d’une position claire. On y va », a-t-il précisé. Selon lui, l’offre « Zéro résidu de pesticides » se fera produit par produit, et sera en substitution ou complément de la gamme conventionnelle et bio existante. Difficile d’ouvrir de nouvelles lignes et d’agrandir le rayon fruits et légumes. « Par exemple, notre tomate cocktail 500 g sera « Zéro résidu de pesticides », alors qu’il sera peut-être plus difficile de faire apparaître cette offre dans le linéaire pomme où le bio est déjà très présent », a-t-il souligné. Les démarches Zéro résidu ou sans pesticide sont des démarches contraignantes, avec un coût mais aussi une valorisation. « Elle se situe dans une plus-value entre le conventionnel et le bio », reconnaît le responsable de Carrefour. L’essai réalisé en 2017 avec Rougeline a aussi conduit l’enseigne à faire évoluer favorablement ses pratiques commerciales en contractualisant sur le volume et le prix. La démarche réalisée par le collectif Nouveaux champs n’est pas unique ni exclusive. Si elle permet pour certains fruits et légumes, notamment la tomate, de créer une « marche supplémentaire » à laquelle certains produits d’importation pourront difficilement accéder, d’autres y sont déjà. Ainsi, au dernier Medfel, l’entreprise espagnole Royal proposait une offre « Zéro résidu de pesticides » en myrtille et fruits à noyau. De là, débute la difficulté de certification, d’homogénéisation et de contrôle d’une telle affirmation.

« Le « Zéro résidu de pesticides » est un engagement fort des producteurs dans une démarche de progrès sur la protection des cultures et une segmentation du marché qui vise le développement de la consommation des fruits et légumes. Il n’est pas supportable de voir les consommateurs se détourner des fruits et légumes à cause du risque pesticides », assure Gilles Bertrandias. Ainsi, la nouvelle promesse faite peut satisfaire un certain nombre de consommateurs inquiets de leur santé. Daniel Sauvaitre assure aussi qu’elle est une motivation pour faire mieux connaître les modes de production et répondre aux ONG sur le débat résidus de pesticides. « C’est une possibilité de changer de posture pour parler de ce sujet. Ras le bol de passer pour des pollueurs », concluait Gilles Bertrandias au Medfel.

Leurs avis sur le "Zéro résidu de pesticides"

Jacques Rouchaussé, président du Ctifl

Le label « Zéro résidus de pesticides » correspond à une réassurance de la société et de la filière sur leur emploi ou leur non-emploi dans une approche collective, même s’il s’agit d’une initiative privée. Il concrétise des démarches techniques qui existent mais qui n’ont pas été valorisées et donne des arguments supplémentaires pour que l’Etat mette des moyens pour continuer de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires en agriculture, notamment dans les fruits et légumes.

Bruno Dupont, président d’Interfel

Chacun se positionne sur de futurs marchés. L’interprofession doit se porter garante de ce type de démarche et veiller à la crédibilité et à la véracité des promesses. Elles répondent à des attentes fortes des consommateurs, mais ce « Plus » accentue aussi la part de risque. L’important est d’éviter le syndrome Volkswagen pour ne pas que l’ensemble des fruits et légumes prenne le risque d’un effet contraire.

Georges Daniel, président délégué FCD à Interfel

La démarche est très constructive. Elle représente une prise de risque et un effort de la part de producteurs qu’il faut accompagner et valoriser. Son développement attendu doit aussi être contrôlé, vérifiable et justifiable en permanence auprès des consommateurs. Nous comptons sur nos fournisseurs pour en assurer la garantie. Il faut également veiller à conserver nos rayons lisibles pour le consommateur.

En Pratique

79 % des Français jugent probable le risque que les aliments nuisent à la santé

89 % des Français souhaitent être informés de la présence ou non de pesticides (à travers un étiquetage)

« C’est une possibilité de changer de posture pour parler de ce sujet. Ras le bol de passer pour des pollueurs »

Gilles Bertrandias, président du collectif Nouveaux champs

Force Sud se positionne sur l’échiquier

Spécialiste du melon, Force Sud se lance avec confiance dans la production « Zéro résidu de pesticides » et complète son offre déjà très diversifiée.

Force Sud est un groupement des cinq entreprises familiales productrices de melon dans le sud de la France. Avec 20 000 tonnes de melon, il compte dans le trio de tête français des metteurs en marché de melon et fait désormais partie du collectif Nouveaux Champs. « Nous sommes impliqués déjà dans différentes démarches de certification Global Gap, Agriculture biologique, Label rouge… Le concept « Zéro résidu de pesticides » a donc toute sa légitimité chez les producteurs de Force Sud mais qui était difficile à mettre en pratique seul à partir d’une page blanche. Notre adhésion au collectif a facilité la démarche », témoigne Jérôme Jausseran, directeur de Force Sud. Après une année de test en 2017 et 60 000 euros d’analyse de résidus, Force Sud sera le premier opérateur melon « Zéro résidu de pesticides » en 2018. Force Sud dispose de trois sources d’approvisionnement du label. « Nous avons un gros développement du melon bio avec des parcelles en conversion dont la production pourra être « Zéro résidu de pesticides », idem pour une partie des melons AB dont les calibres ne correspondent pas à la demande du marché centrée sur un calibre unique et enfin nous disposons de parcelles de melon conventionnel dédiées à la démarche », précise le responsable.

La difficulté d’ouvrir des lignes

Ainsi, Hugues Ricome, membre Force Sud et producteur sur 200 ha de melon dont 50 ha en agriculture biologique, estime que 50 % de sa production peut prétendre au label « Zéro résidu de pesticides ». « Le plus important est de ne pas avoir à intervenir contre les pucerons. C’est pour cela que nous développons la biodiversité autour et dans nos parcelles pour lutter avec des auxiliaires comme les coccinelles ou les syrphes », explique le professionnel. Selon Jérôme Jausseran, la valorisation de la démarche doit se positionner entre le conventionnel et le bio. « Il y a des coûts supplémentaires en production mais aussi en station notamment dans l’identification individuelle de chaque melon avec un ruban », complète-t-il. Même s’il est convaincu de l’intérêt de ses clients et des consommateurs pour cette offre, Jérôme Jausseran connaît aussi la difficulté d’ouvrir des lignes et d’installer une nouvelle référence dans les linéaires. « C’est un travail de longue haleine, 2018 nous permettra de nous positionner sur l’échiquier », conclut-il.

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