Territoires
Vers une organisation de l'appro local en RHD?
Face à la volonté d'approvisionnement local en RHD, les légumeries semblent revenir en force sur certains territoires. Mais le marché doit s'organiser. Les parlementaires plancheront en janvier sur une proposition de loi en ce sens.







Une émulation sans précédent anime certains territoires depuis quelques années pour multiplier les plates-formes alimentaires, ouvrir des légumeries, se faire rapprocher producteurs et consommateurs. En Loire-Atlantique par exemple, trois projets de légumeries sont en cours (cf. fld hebdo du 28 octobre). Est-ce bien raisonnable ?
Selon un expert, il est clair aujourd'hui que le modèle économique durable, au-delà des subven-tions, est encore à chercher : « La valorisation de ce nouveau marché est un enjeu difficile pour ces producteurs. Les logiques économiques des Amap, de la vente à la ferme ou sur les marchés diffèrent de l'approvisionnement en légu-merie. » S'ajoute une difficulté supplémentaire. « En restauration collective, notamment scolaire, note cet expert, le calendrier des productions ne coïncide pas forcément avec la demande. Voyez la tomate disponible en été quand les enfants sont en vacances ! » La Fnab (Fédération nationale d'agriculture biologique) fait le même constat. « Les légumeries sont difficiles à rentabiliser, assure Julie Portier, chargée de mission “Alimentation et territoires” à la Fnab. Entre les intentions d'achat et le commerce réellement effectué, les décalages peuvent exister. Et les outils ne sont rentables que si la demande est importante et diversifiée. »
Utiliser les outils existants
« Notre message, affirme Julie Portier, consiste à dire qu'il faut utiliser les outils existants. J'ai en mémoire l'hôpital de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) qui prépare les repas non seulement pour les malades mais aussi pour des écoles de la ville ou encore l'outil récemment inauguré à Lons-le-Saulnier (Jura). » Cette légumerie alimente la cuisine centrale de Lons (objectif en 2020 : 200 t) qui distribue 5 000 repas pour les écoles municipales, les maisons de retraite, les centres aérés, l'hôpital et des restaurants administratifs.
La diversité de la demande est une des réponses à la rentabilité des légumeries. Patrick Offertelli, responsable de la restauration collective à la ville de Nantes (15 000 repas jour, 88 cantines), en est convaincu. La centrale qui a été construite en 1989 puis restructurée en 2002 ne possède pas de légumerie : « Nous approvisionnons uniquement les restaurants scolaires. Aussi, nous n'avons pas besoin de légumes transformés tous les jours. »
La centrale, via les appels d'offres, achète ses produits à plusieurs légumeries
« Les f&l restent des produits compliqués à travailler en local, rappelle le responsable de la centrale de Nantes. La notion de fraîcheur ne peut être mise en avant. Une tomate espagnole est aussi fraîche qu'une tomate du bassin nantais. Mais d'autres critères peuvent entrer en ligne de compte comme les animations dans les écoles, l'emploi de personnel en insertion ou handicapé. C'est le cas par exemple avec Aria 85, une légumerie avec laquelle nous travaillons. Autre solution, le contrat hors marché. Celui de la carotte se termine le 31 décembre. Cela va nous donner l'occasion de tester hors marché les carottes de la légumerie du Lycée Rieffel qui est en train de se mettre en place [cf. fld hebdo du 3 juin]. »
La ville de Nantes a opté pour des accords-cadres qui permettent de mettre en concurrence trois fournisseurs retenus lors de l'appel d'offres. Mais malgré ce dispositif et le fait que le prix n'intervient que pour 40 % des critères, les opérateurs qui proposent des produits locaux ne remportent pas toujours l'appel d'offres. Alors, ce marché des produits locaux en restauration collective a-t-il vraiment un avenir ?
En débat à l'Assemblée nationale en janvier prochain
« Nous avons un vrai besoin d'organisation territoriale en s'appuyant sur ce qui existe déjà comme les Min par exemple », assure la députée de Dordogne, Brigitte Allain (cf. fld hebdo du 22 juillet), qui a remis un rapport de quarante-sept propositions sur le “manger local” à Stéphane Le Foll le 21 octobre. Ce rapport prône la création de conseils alimentaires locaux. Une proposition de loi sera étudiée à l'Assemblée nationale le 14 janvier. Le pays de Bergerac a décidé de tenter l'expérience. Ces conseils auraient, au moins à l'échelle des communautés de communes, pour objectif de mettre en place une organisation locale de marché. Mais selon la volonté des acteurs, ces conseils pourront simplement être un lieu d'échanges d'expériences ou initiateurs de projets tels une réserve foncière pour une production locale, une étude de l'offre et de la demande, la création d'un groupement d'achats pour les collèges et lycées par exemple, comme cela peut déjà se faire dans certaines régions.