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Transport maritime
Vers un développement des flux en Afrique de l'Ouest

Problèmes récurrents d'infrastructures, de fiabilité... malgré cela, les ports de l'Afrique de l'Ouest font l'objet de toutes les attentions.

Le continent africain est considéré, du point de vue des puissances économiques mondiales, comme le “futur grand”. Pourtant, l'Afrique ne représente aujourd'hui que 5 % du commerce maritime mondial et 2 % des trafics conteneurisés. Entre 2005 et 2015, les capacités annuelles déployées par les armements de lignes régulières ont été multipliées par presque trois pour atteindre environ 5,5 millions d'EVP, un chiffre pourtant inférieur à ce qu'a enregistré le segment Europe-Méditerranée.

Les places portuaires dédiées en particulier aux expéditions de f&l sont très identifiées et situées principalement dans le golfe de Guinée, à l'exception notable de Dakar.

Selon le cabinet spécialisé Seabury, sur l'année 2014, l'Afrique de l'Ouest a expédié 23 154 t de bananes, de loin le fruit le plus exporté, ainsi que 3 974 t d'ananas et 3 470 t de mangues. En termes de destination, pratiquement 100 % des tonnages ont été expédiés vers l'Europe de l'ouest. La France a été le premier réceptionnaire (11 641 t), suivie par le duo Belgique-Luxembourg (10 324 t), le Royaume-Uni (5 654 t) et les Pays-Bas (1 416 t). A titre de comparaison, les simples flux mondiaux de pommes cette même année ont représenté 291 003 t et ceux d'oignons 284 145 t. Les expéditions sont donc très ciblées sur les fruits exotiques et, en termes de lignes maritimes, la relation avec l'Europe est primordiale. Les places portuaires dédiées en particulier aux expéditions de f&l sont très identifiées et situées principalement dans le golfe de Guinée, à l'exception notable de Dakar (cf. carte page 13).

Un développement entravé

Du point de vue de l'ensemble des opérateurs, le marché africain pourrait connaître une croissance importante. Mais, pour cela, les ports auront à trouver des solutions à certains problèmes d'infrastructure et d'organisation. Le manque de capacité de refroidissement (peu de groupes électrogènes disponibles) et d'entrepôts frigorifiques dans les ports entrave le développement des exportations de produits frais d'Afrique vers les grands bassins de consommation mondiaux. La congestion de certains ports (Douala par exemple) refroidit bien des velléités. De plus, les opérateurs doivent composer avec des frais de manutention et de documentation élevés. Pour certains, cela peut s'élever à 35 % des coûts de transport, ce qui n'encourage pas la confiance entre les producteurs et la communauté portuaire (ports et compagnies maritimes).

Les longues distances entre les stations fruitières et les ports sont aussi un handicap aggravé par la présence fréquente de barrières (points de contrôles, frontières...).

Les longues distances entre les stations fruitières et les ports sont aussi un handicap aggravé par la présence fréquente de barrières (points de contrôles, frontières quand il s'agit de pays enclavés producteurs comme le Mali ou le Burkina Faso).

Située sur le port du Havre, la Fondation Sefacil est un laboratoire de recherches sur les réseaux logistiques internationaux qui se penche depuis 2010 sur l'évolution des ports. Elle pose bien les données du problème : « L'Afrique subsaharienne atteste d'un retard historique. Il en résulte que les échanges commerciaux intra-africains enregistrent les plus faibles niveaux d'intégration. Les frontières demeurent avant tout des frontières politiques où la fluidité logistique souffre de l'aléatoire des contrôles, du zèle administratif et des ponctions illégales sans parler des coupeurs de routes qui anéantissent toute intégration logistique régionale performante. »

La France très présente

Impossible de dissocier la présence française sur les places portuaires d'Afrique de l'Ouest de l'histoire qui lie la France avec ses anciennes colonies. Deux mastodontes sont incontournables sur cette destination : le groupe Bolloré dans les infrastructures portuaires et la compagnie maritime CMA CGM.

Dunkerque et Dakar ensemble pour développer les flux Europe/Sénégal

C'est vers le 10 mai que sera signé officiellement un protocole d'accord entre les ports de Dunkerque et de Dakar qui va faciliter l'arrivée des f&l sénégalais en Europe « Le projet du port de Dakar de disposer d'une plate-forme avancée à Dunkerque pour ses exportations de f&l vers l'UE date de trois-quatre ans », rappelle François Soulet de Brugière, président du Conseil de surveillance de Dunkerque-Port. Situation politico-économique et remaniements sur la place portuaire sénégalaise avaient mis le projet en sommeil. Il est revenu sur la table au début de l'année grâce au ministre de l'Agriculture du Sénégal, Papa Abdoulaye Seck, qui a comme ambition d'assurer l'indépendance alimentaire du pays et de booster ses exportations de f&l. « Ce n'est pas qu'un projet portuaire, c'est un projet global, insiste François Soulet de Brugière. Le port de Dunkerque va accompagner Dakar dans ses contacts avec les opérateurs français et européens et participer à la formation des personnels du port pour développer leur expertise dans le transport multimodal, la connaissance du marché... » En tout cas, au Sénégal, l'annonce a ravi les opérateurs : « L'arrivée de Dunkerque va nous ouvrir d'autres débouchés, surtout vers les pays de l'Europe de l'est. Nous avons une diversité de produits qui peuvent voyager (mangue, oignon, pomme de terre, haricot vert, melon), qui sont demandés dans cette partie de l'Europe », s'est réjoui Mamour Guèye, secrétaire général de la Sénégalaise des producteurs et des services, dans les colonnes du journal Le Quotidien.

Créée en 2008, Bolloré Africa Logistics assure chaque année, que ce soit à l'import ou à l'export, la manutention de 6,5 Mt de marchandises diverses (dont les fruits). L'entreprise souligne qu'elle investit chaque année 300 M€ dans la construction et la valorisation des infrastructures portuaires qui lui sont confiées. Elle gère douze terminaux, dont un bon nombre dispose d'emplacements reefer : Abidjan (Côte d'Ivoire), Freetown (Sierra Leone), Douala (Cameroun), Lagos (Nigeria), Pointe-Noire (Congo), Tema (Ghana), même si tous n'entretiennent pas de flux à l'export en fruits.

CMA CGM se renforce

Présente historiquement sur la zone, via sa filiale Delmas aujourd'hui sous bannière commune, CMA CGM a fortement accéléré son développement sur la côte ouest africaine au mois de mars dernier. Les principaux services maritimes du groupe, qui relient la zone à ses partenaires économiques majeurs (Europe, Asie, Moyen-Orient et Inde), ont été renforcés. La fréquence de son service EURAF 5 est désormais hebdomadaire et fait escale à Anvers, au Havre et à Abidjan élargissant la couverture du service à l'Europe du Nord et offre un temps de transit parmi les plus rapides du marché, répondant ainsi à la demande croissante des transports de fruits frais au départ de ce pays. CMA CGM a aussi déployé une flotte de navires d'une capacité de 9 400 EVP entre la côte Ouest de l'Afrique et l'Asie depuis le 15 mars. Ces navires sont les plus grands à faire escale sur la zone. La compagnie est aussi très présente sur le transport intra-africain : plus de 35 % des conteneurs entre les côtes ouest-africaines.

Les deux entreprises marchent main dans la main sur certains projets. C'est le cas pour le port de Kribi au Cameroun. Fin août 2015, Bolloré Africa Logis-tics, CMA CGM et l'aménageur chinois CHEC ont remporté le contrat de gestion du terminal à conteneurs pour vingt ans. Cette concession verra d'ici à cinq ans la construction d'un quai supplémentaire de 700 m (en sus de celui de 300 m déjà existant).

Conquérir l'intérieur du continent

Pour assurer le transport des fruits depuis les stations de conditionnement vers les ports, il faut des routes et des rails. Bolloré Africa Logitics a posé de solides bases grâce à des concessions ferroviaires de long terme en Côte d'Ivoire et au Burkina Faso (jusqu'en 2030) ainsi qu'au Cameroun (jusqu'en 2034). De plus, l'entreprise investit dans la construction et le développement d'entrepôts clos et sécurisés ainsi que dans les entrepôts sous douane. Ces ports secs sont présents dans les pays enclavés producteurs de fruits : Bolloré Africa Logistics en gère ainsi trois au Mali (à Bamako) et le même nombre sur le Burkina Faso (Ouagadougou et Bobo-Dioulassou). Ce à quoi s'ajoute une forte présence dans les dessertes routières. Interconnectée à toutes les autres solutions de transports (maritime, aérien, ferroviaire ou fluvial), l'offre de la société (6 000 camions en propre et des contrats avec des partenaires locaux fiables), qui s'appuie sur une forte connaissance de la gestion des corridors d'acheminement et de l'ensemble des opérations douanières, peut proposer de bons temps de transport.

Faire avec la réalité du pays

Les opérateurs doivent composer avec la réalité politique des pays. Ainsi, courant mars, CMA CGM, tout aussi impliqué dans l'approche des ports, a dû suspendre son offre ferroviaire entre Bamako et Dakar, à cause d'un changement de gouvernance de la compagnie de chemin de fer local. Les envois se font du coup par route. De même, les troubles récurrents dans la zone peuvent affecter les services. Ainsi, la ligne entre Douala et Bangui n'est ouverte qu'au cas par cas, la sécurité sur le corridor ne pouvant être assurée à 100 %. Mais, on ne rencontre pas que ce type de situation. La ligne venant du Burkina Faso vers les ports de la côte marche particulièrement bien, que cela soit vers Abdijan pour laquelle elle offre des transit time avantageux alors que CMA CGM a lancé un service reefer, ou vers Tema (au départ de Ouagadougou), maintenue à 100 % malgré les attaques terroristes de janvier dernier.

Les prochains mois pourraient voir le maillage se renforcer. Les opérateurs attendent des travaux de deux lignes, une reliant le port de Lagos avec le nord du pays et l'autre celui de Calabar au sud-ouest qui devraient débuter en juin ou juillet. Elles viendront s'ajouter à celle reliant Aba avec Port Harcourt. « Il y a fort à parier que tous les ports vont rapidement améliorer la performance globale des prestations portuaires pour mieux servir la croissance économique, démographique et sociale du continent, souligne la Fondation Sefacil. Restera alors à investir les territoires terrestres africains avec des routes de qualité, des infrastructures et services ferroviaires et pourquoi pas la relance de solutions fluviales entre le Sénégal et le Mali et

Plus au sud...

Au-delà du golfe de Guinée, la plupart des ports – Libreville, Pointe-Noire, Luanda – sont équipés pour accueillir des conteneurs reefer mais il s'agit surtout de flux à l'import. Il faut descendre un peu plus bas pour arriver sur l'Afrique du Sud. Gros producteur, gros exportateur de fruits, le pays compte des ports d'importance (Le Cap, Port Elizabeth, Durban...). La tendance en 2015 a été plutôt positive pour l'origine sud-africaine comme le confirme Dirk Hoffmann, directeur général de la compagnie maritime Safmarine (Maersk) : « Le marché de l'exportation en reefer a montré une progression robuste de 7 %, sur le dernier trimestre 2015, qui doit être attribuée à une forte récolte en pommes, poires, agrumes et en raisins. L'Europe et le Moyen-Orient sont deux principales destinations en reefer. » Pour 2016, la sécheresse dans le pays pourrait faire fléchir le potentiel exportable en fruits. « Le marché du conteneur fait face à des obstacles économiques qui laissent anticiper une contraction du marché à l'export comme à l'import d'environ 5 % sur le premier trimestre, analyse-t-il. Cependant, le climat économique offre des opportunités à l'export sur lesquelles les filières devraient capitaliser. »

La décision du régulateur des ports d'Afrique du Sud (le 17 mars dernier) de baisser de 10 % les droits de douane pour les cargos destinés uniquement à l'export aurait pu apporter une bouffée d'oxygène. Selon Fruit SA, interprofession fruitière sud-africaine, cette diminution devrait faire économiser 4,66 millions de rands (environ 268 000 €) à la filière fruits à pépins et à noyau sur la campagne 2016-2017. Mais, au même moment, l'office de contrôle à l'exportation des produits périssables a annoncé un relèvement des redevances d'inspection et du prélèvement à l'export (+ 16,1 % pour l'inspection des conteneurs), effective depuis le 1er avril. Comme quoi la relation producteurs exportateurs/places portuaires demeure toujours aussi compliquée.

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