Anniversaire - Fruits rouges
Val de Nesque : la quarantaine bien remplie
La Sica Val de Nesque est née de la volonté d’une poignée d’agriculteurs visionnaires. Les responsables successifs en ont préservé les fondamentaux.
Alain Salignon est le second président de la Sica Val de Nesque (Malemort du Comtat, Vaucluse), succédant à Gilbert Espenon, membre fondateur et président durant trente ans. Il se souvient des circonstances qui ont prévalu en 1971 à la création de ce qui fut à son origine un GIE. « Nous sortions d’une décennie, les années soixante, fertile en événements. Les Min venaient d’être créés ; un embryon de centrales d’achat en fait des groupements de grossistes désireux de servir la distribution, se mettaient en place ; les expéditeurs locaux se regroupaient également et rien ne se produisait au niveau des producteurs. Le mois de mai 68 a secoué nos consciences. Nous subissions les aléas des marchés physiques. Les premiers CETA s’étaient fixés pour mission l’amélioration de la qualité des productions mais pas celles de l’amélioration du revenu des producteurs, ni de la maîtrise commerciale. C’est là que la nécessité d’un regroupement de producteurs nous est apparue, sans vraiment savoir où nous allions. Quarante ans plus loin, je me dis que nous avons été le premier groupement de producteurs, sans attendre Bruxelles et ses OP ! » Alors ils sont douze producteurs avec un potentiel de 100 t de cerises, 150 t de raisin de table et un capital social de 3 600 francs pour fonder le GIE car à l’époque les coopératives traînaient une réputation sulfureuse. Douze à connaître un départ épique. « C’est un des membres fondateur, qui a mis à disposition un petit hangar pour démarrer l’activité… et son épouse pour effectuer la comptabilité. A l’origine, nous n’avions pas l’intention de commercialiser en direct. Nous pensions plutôt à un partenariat avec une ou des structures d’expédition. Mais la fin de non-recevoir de la part des expéditeurs locaux, à l’issue d’une réunion mémorable durant l’hiver 70, nous a conduit à réviser notre stratégie. Un peu d’inconscience, l’énergie de nos trente ans qui nous donnait envie de renverser les montagnes ont fait que nous nous sommes lancés. Nous avons commencé avec un client à Paris puis nous avons visé le Min de Rungis dès son ouverture. Nous avons fait beaucoup de voyages et de tournées commerciales pour faire connaître notre marchandise. Ceci étant, le bouche-à-oreille nous a énormément aidés. La démarche ‘direct’producteurs plaisait car permettant de shunter les intermédiaires. Dans le même temps, nous nous sommes rapprochés de groupeurs, des opérateurs qui louaient des wagons pour différentes destinations. Cette manière de procéder nous a permis de travailler jour A pour B avec une marchandise de qualité irréprochable, voire de gagner jusqu’à 48 heures sur les circuits majoritairement utilisés. ». “Partant de rien” le GIE a connu une évolution progressive et constante. « Dès 1977, les “murs” du GIE sont devenus trop exigus. Nous avons modifié notre statut pour acquérir celui de SCI permettant à tous les adhérents des revenus sur les parts sociales, égaux sinon supérieurs à ceux que procure la Caisse d’épargne ! Simultanément, la Sica a été créée pour accueillir de nouveaux adhérents et augmenter les volumes. Nous nous sommes installés dans de nouveaux locaux qui progressivement ont acquis leur configuration actuelle. »
L’avenir de la Sica est entre les mains de la seconde génération
En 2011, les administrateurs de la Sica continuent de faire fructifier le legs des fondateurs : « Les fondamentaux sont toujours en place, souligne Alain Salignon. Répondre aux exigences du marché, pérenniser les exploitations de nos adhérents tout en améliorant la qualité des produits. La qualité de nos produits a toujours été une ambition majeure. Cette intention, nous l’avons formalisée en 1991, pour les vingt ans de la Sica, par la rédaction de notre “charte de qualité”. Son lancement a été une véritable remise en cause mais surtout un nouvel élan pour les cinquante-six adhérents de cette époque. Depuis, la charte a été révisée en 2001 pour aboutir en 2002 à la certification Iso 9001 de la Sica. La pratique de la production raisonnée a été un virage. Un nouvel objectif se dessine avec la vulgarisation via le prochain programme opérationnel 2012-2017 de la production fruitière intégrée pour répondre aux attentes sociétales et améliorer encore la qualité de nos productions. »
Alain Salignon ne boude pas son plaisir à se remémorer les étapes qu’il considère comme majeures dans la vie de la Sica et de son environnement. « Il s’agit pêle-mêle, de la création du GIE puis de la Sica, de son 20e anniversaire puis de l’arrivée de la relève. Ensuite, je n’omettrais pas en 1997 la réforme de l’OCM, venue à point pour nous ouvrir de nouvelles perspectives et contribuer à asseoir la structure d’une manière plus pérenne. Je tiens d’ailleurs à souligner que nous avons été reconnus OP dès la première année. Enfin, le dernier dossier que j’aurai à gérer, car je compte me retirer prochainement (cf. encadré ci-dessous), sera l’équipement photovoltaïque dont la Sica est en cours d’être équipée. »
Sans jamais prendre le train en marche, la Sica a pourtant été fidèle aux règles édictées par ses fondateurs : « Nous avons toujours conservé notre marque phare Val de Nesque et le fonctionnement de la Sica. Par ailleurs si de nouvelles espèces (prunes, abricots figues) ont été ajoutées à notre catalogue à la demande de nos adhérents, nous n’avons jamais cherché une activité commerciale annuelle. La Sica ferme ses portes durant trois ou quatre mois, mais ne me faites pas dire que nous ne travaillons pas : ce sont des mois qui sont réservés aux tâches administratives ou de prospection commerciale auxquelles nous nous consacrons à plein-temps. » Aujourd’hui, la Sica Val de Nesque réunit soixante-sept adhérents proposant 1 300 t de cerises, 2 600 t de raisin (soit au total 20 % des volumes des productions du Ventoux) et 500 t de fruits de saison. Et l’avenir est aux mains de la seconde génération : « Il est évident que les jeunes vont avoir à relever de nouveaux défis. Ils vont devoir s’accrocher pour résister et inventer de nouveaux modes de fonctionnement. Seule, la Sica n’a pas les moyens d’accéder à certains marchés nationaux. Ils auront besoin de démarches collectives. Ils devront se réapproprier les marchés locaux pour répondre aux grandes tendances de la consommation. »
Sans une once de nostalgie, Alain Salignon conclut : « J’ai le sentiment d’avoir participé au rayonnement du Piémont du Ventoux et contribué à la pérennisation de nombreuses exploitations. Nous avons été en quelque sorte une locomotive, puisqu’après nous quatre Sica ont vu le jour. » Quant à la notoriété du Val de Nesque, elle se résume en quelques mots : « Qualité, rigueur et compétences. Je suis fier d’y avoir participé. S’il fallait le refaire je recommencerais. ».