« Une vision holistique de la chaîne logistique est nécessaire »
Consultant indépendant dans le secteur de la logistique des produits frais, Alex von Stempel dresse, pour fld, le panorama du transport international des f&l.
FLD : Vous avez conçu et organisé Logistics Hub. Quel en est l'objectif ?
« Il existe une divergence de plus en plus forte entre la tendance aux porte-conteneurs géants – qui s'explique par la volonté de réduire le coût à l'unité – et la demande soutenue des consommateurs pour de petits emballages, la livraison à domicile. »
ALEX VON STEMPEL : C'est de tenter de répondre au besoin des opérateurs fruits et légumes d'avoir une meilleure connaissance des risques et des coûts qu'entraîne une supply chain de plus en plus longue. Des intervenants d'Afrique du Sud, du Kenya, du Brésil, du Royaume-Uni, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, viendront apporter leur expertise, alors que l'on assiste à un déséquilibre marqué des flux de fruits et légumes au niveau mondial.
FLD : La conteneurisation des marchandises poursuit sa progression. Reste-t-il encore une place pour le reefer conventionnel ?
A. S. : Pas sur ce point. On ne peut pas remonter les aiguilles de l'horloge. Dans le passé, il existait des trains entre Brême et Hambourg pour transporter les bananes en vrac, parce que celles-ci arrivaient au port en vrac. Avec le déclin du conventionnel, ce type de transport n'a plus la masse critique suffisante pour perdurer. En plus, les conteneurs reefer sont rarement envoyés dans l'intérieur du pays car les transporteurs veulent les récupérer le plus rapidement possible. Les opportunités multimodales sont de ce fait très limitées.
FLD : Et le transport aérien ? Face au maritime, peut-on considérer qu'il est appelé à disparaître ?
A. S. : La tendance pour les fruits et légumes continue à être au transfert de l'aérien vers le maritime. Cependant, des pays enclavés, surtout en Afrique, ont toujours des besoins en fret aérien. Certains fruits – je pense à la mangue jaune indienne – ne peuvent pas être transportés par mer. L'aérien est utilisé en début de campagne, comme pour le raisin d'Afrique du Sud ou pour des tonnages plus confidentiels comme les myrtilles de cette même origine. Le basculement vers le maritime s'opère dans la suite de la saison. Mais, par exemple, les myrtilles du Chili sont de plus en plus transportées par mer.
FLD : Il y a une demande forte des consommateurs pour des produits rapidement livrés. Le monde du transport en est-il conscient ?
A. S. : Le secteur de la logistique des denrées périssables doit se pencher sur le sujet. Il existe une divergence de plus en plus forte entre la tendance aux porte-conteneurs géants – qui s'explique par la volonté de réduire le coût à l'unité – et la demande soutenue des consommateurs pour de petits embal-lages, la livraison à domicile. Et il faut aussi compter sur l'e-commerce qui, logistiquement parlant, se déverse sur des infrastructures routières déjà saturées. En termes de congestion, cela concerne aussi les ports. Vlissingen, avec son expérience de la manutention des navires conventionnels et le fait qu'il est moins saturé, peut concurrencer les grandes places portuaires. En fait, ce dont nous avons besoin, c'est d'une vision holistique de la chaîne logistique.
FLD : Paris a accueilli l'an dernier la Cop21. Comment le transport reefer maritime réagit-il au sujet du dossier “Environnement” ?
A. S. : Une réponse un peu rapide serait : plus les bateaux sont gros, moins l'empreinte carbone par unité transportée est importante. Cependant, prendre en considération l'ensemble de la chaîne de transport remet en perspective l'affirmation des transporteurs comme quoi le transport maritime est vert. Néanmoins, on assiste au renforcement de la législation sur les émissions générées, à travers l'annexe IV de Marpol*. De plus, il y a des efforts continus pour réduire la consommation d'énergie des conteneurs reefer à bord. Les compagnies de leasing (42,4 % de l'ensemble du parc de conteneurs reefer dans le monde) n'utilisent pas de matériel de plus de cinq-sept ans. Il y a un cercle vertueux ici : des économies sur les coûts opérationnels plus des économies sur l'environnement !
* Convention internationale pour la prévention de la pollution marine par les navires, élaborée par l'OMI (Organisation maritime internationale).