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ROBOTISATION
Une timide révolution robotique

Les robots font le buzz dans les salons. Pourtant, leurs technologies sont loin d’être assez avancées pour envisager une robotisation rapide de toutes les tâches à effectuer en maraîchage ou arboriculture.

Les cultures spécialisées s’ouvrent à l’ère robotique. Une cinquantaine de robots maraîchers Oz, de Naïo Technologies, commence à être utilisée. Et l’entreprise franco-néerlandaise Priva a remporté le premier prix Greentech de l’innovation à Amsterdam, aux Pays-Bas, pour un prototype d’effeuilleuse de tomate. Les premières commercialisations ont lieu cette année. « Mais il faut rester lucide et ne pas se laisser subjuguer par les effets d’annonce. Les projets présentés sont pour une large part des résultats de recherche et développement encore en cours, pour certains mis en avant pour observer les réactions », a tempéré Michel Berducat, de l’Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture), au cours de la journée technique de la Morinière début juillet.

L’ère du tout robotisé est donc encore loin d’être là ! « La robotisation en agriculture fait face à plusieurs challenges techniques », a souligné Avital Bechar, du centre de recherche agricole Volcani en Israël, lors du Vegepolys symposium au Sival en janvier dernier. Les premiers robots ont été développés pour un objet cible stabilisé dans un environnement constant. C’est le cas des robots en milieux industriels ou même des robots de traite. Le milieu militaire a développé des robots pour manipuler des objets invariables dans un environnement instable. Et la médecine des robots pour manipuler des objets variables dans un environnement stable. « Mais l’agriculture de plein champ relève les deux défis : faire actionner un robot dans un environnement variable sur des objets changeants », continue Avital Bechar. Le changement de lumière est par exemple une des difficultés à relever pour le repérage d’objets par les robots.

L’étape du contact physique est atteinte

Le deuxième obstacle est la quantité d’actions à mener pour effectuer une tâche. La première étape technologique atteinte a permis à des robots de se déplacer dans des espaces ouverts plats et structurés mais sans contact physique avec la rangée de cultures. Les robots de collecte de données ou de transport ont seulement besoin de se déplacer entre des rangées de vignes, d’arbres, de légumes. Le robot EffiBOT, de la société Effidence, avec le transport de caisses en est un exemple. Les robots de pulvérisation répondent aux mêmes critères avec l’étape de l’action en plus. Certains sont en début de commercialisation comme Cäsar de Raussendorf ou Ted de Naïo Technologies. « Les robots de désherbage mécanique des adventices, eux, rentrent en contact physique avec le milieu, analyse Avital Bechar. Ils ont besoin de se repérer dans un environnement instable, de suivre une trajectoire planifiée, de détecter des objets et d’agir ». Avec les robots de ce type, c’est un deuxième niveau de complexité des tâches qui est atteint. Tous nouveaux sur le marché, les robots Anatis (société Carré) ou Pumagri (société Sitia) désherbent mécaniquement et Greenbot broie l’herbe. « Mais leur problème reste leur vitesse d’exécution, souligne Michel Berducat de l’Irstea. Pour augmenter leurs performances, les robots proposés à la vente ont intérêt à coupler les opérations ».

L’autre solution proposée par le spécialiste est d’associer les machines, avec soit des essaims de petits robots, soit un robot leader et des robots suiveurs de tailles moyennes. « Mais alors la problématique de la logistique apparaît, note le chercheur français. Comment amener tous ces robots sur une parcelle ? Comment remplir leurs réservoirs de carburant ou recharger leurs batteries électriques ? Et ce, sans augmenter le temps de travail ? »

Le développement des robots de cueillette freiné

La troisième étape sera la manipulation de la production. De nombreux projets existent de par le monde sur des robots récolteurs. Mais pour effectuer cette tâche un robot doit pouvoir se déplacer dans un environnement instable, repérer et entrer en contact avec le fruit ou le légume et manipuler ce produit. Le robot a besoin pour cela de collecter des données, de prendre une décision et d’agir en fonction de cette décision dans un espace en trois dimensions. Or, la détection de la profondeur reste difficile avec nos technologies actuelles. Les prototypes existants ont tous des taux de repérage trop faible et une vitesse d’exécution bien trop lente. « Il faudrait co-concevoir agro-systèmes et robots pour arriver à effecteur ces tâches de façon optimale et économiquement viable », affirme Michel Berducat.

Des robots en interaction entre eux et avec l’utilisateur

Le challenge des robots ne s’arrête pas là, car il leur faut aussi être robuste, permettre de réduire la consommation d’énergie, pouvoir interagir à distance facilement avec l’humain, tout en contrôlant des outils dédiés. Leur sécurité, sûreté de fonctionnement et intégrité en cas de chute sont les challenges les plus coriaces à surmonter (voir encadré). « A terme, ils devront sans doute interagir en essaim ou en grappe et coopérer entre eux, note Michel Berducat. On peut aussi imaginer qu’ils auront à s’intégrer dans un système de production global et un système d’information multi-échelle ».

Les enjeux de la robotique

La solution robotisée répond à la raréfaction de la main d’oeuvre qualifiée. « Le secteur pourrait retrouver une attractivité par l’intégration de ces nouvelles technologies », analyse Michel Berducat, de l’Irstea. La pénibilité du travail serait réduite en améliorant ainsi la santé des opérateurs et les risques de troubles musculo-squelettiques. D’un point de vue agronomique, l’utilisation de petits robots (voir encadré sécurité) a l’avantage de diminuer le tassement des sols. La collecte d’informations par ces robots permet une agriculture de précision et la maîtrise fine des intrants.

Trois robots bineurs de constructeurs français

  1. Dino de Naïo Technologies

    Après le relatif succès de son robot Oz, l’entreprise Naïo Technologies commercialise pour la première année un robot enjambeur pour le désherbage mécanique en plein champ : Dino. Une dizaine est livrée ou commandée pour 2017. Haut de 1,3 m, long de 2,5 m, la largeur de sa voie est réglable de 1,4 m à 1,8 m pour une largeur de planche travaillée entre 1,2 m et 1,6 m. Il travaille à la vitesse de 3 à 4 km/h selon les outils attelés : socs, bineuse à ressort ou herse étrille. Soit un débit de chantier de 3 à 5 ha/ jour. A propulsion électrique, il a une autonomie de 4 à 8 h. Son guidage par GPS, laser et caméra permet de coupler les informations.

  2. Anatis de Carré

    Le constructeur vendéen Carré a conçu Anatis, un robot bineur capteur. Les premiers exemplaires ont été commercialisés cette année. Il s’agit d’un porte-outil capable de biner trois à six rangs à la fois. Utilisant les données GPS acquises par ailleurs par l’exploitant sur sa parcelle et couplé à un système de caméra, Anatis est capable de se remémorer tous les travaux effectués. « La machine est commercialisée à partir de 60 000 euros, affirme Charles Adenot, responsable commercial chez Carré. Aujourd’hui, il est difficile d’en estimer véritablement le prix car les besoins exprimés permettront de choisir son matériel avec de nombreuses options ».

  3. PUMAgri de Sitia

    Le robot porte-outil PUMAgri développé par Sitia est capable de travailler en autonomie sur une large variété de cultures. Véhicule hybride, électrique et thermique, il a une autonomie quasi-permanente. Avec une vitesse de 10 km/ h, il peut désherber 15 ha / jour. Equipé d’un attelage trois points, il permet d’embarquer n’importe quel type d’outil de désherbage, de broyage ou de tonte. Sa sortie est prévue pour 2018. Pour faciliter son utilisation, l’entreprise française propose un accompagnement de l’exploitant. « Nos outils sont pensés par et pour les agriculteurs », souligne Sébastien Rubrecht de la PME industrielle Sitia.

Le problème de la sécurité

Comme pour la voiture autonome, un des freins majeurs au développement des robots en agriculture est la sécurité. La législation est encore lacunaire dans le domaine mais un projet de norme française est en cours d’élaboration. « Le déplacement et le maintien de l’intégrité du robot dans son environnement doivent faire l’objet de standards, tant dans les modalités de communication que d’arrêt, mais restent pour le moment à la discrétion des concepteurs », analyse Roland Lenain, chercheur à l’Irstea. « Nous avons imaginé différents scénarii pour un engin de 800 kg qui devra s’arrêter très rapidement si par exemple un enfant s’introduit dans le champ en cours de binage », témoigne Charles Adenot, responsable commercial chez Carré qui développe Anatis. La sécurité est une des raisons pour laquelle les outils ne peuvent être surdimensionnés comme aux Etats-Unis où la réglementation sécuritaire est différente. Mais en réduisant la taille, on réduit aussi le nombre d’outils embarqués. « Nous devons travailler ensemble sur la problématique réglementaire », affirme Sébastien Rubrecht de Sitia, porteur du projet PUMagri.

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