EGalim
Une loi censée rétablir l’équilibre dans les relations commerciales
Le projet de loi Alimentation a été présenté par Stéphane Travert en Conseil des ministres le 31 janvier. La majorité du texte concerne les relations commerciales.
Le projet de loi Alimentation a été présenté par Stéphane Travert en Conseil des ministres le 31 janvier. La majorité du texte concerne les relations commerciales.

Portant le doux nom de “projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable”, le projet de loi post-EGalim « devrait aboutir en septembre », a assuré le ministre. La discussion parlementaire est prévue pour mars-avril. Tous les EGalim ne se retrouvent pas dans le projet de loi. Celui-ci constitue la « première brique » de la politique de l’alimentation voulue par le gouvernement. « La deuxième brique, ce seront les plans de filière, remis le 15 décembre, et qui sont déjà bien avancés », avait précisé le ministère la veille lors d’un brief informel.
Un bloc important du texte concerne les relations commerciales et la construction du prix (article 1 à 10) : le contrat et le prix associé seront proposés par celui qui vend, et le contrat devra contenir une clause de durée et des indicateurs de coût de production ou de marché pour la détermination du prix. Les interprofessions auront la possibilité de définir ces indicateurs. La conclusion de contrats de vente et d’accords-cadres sous forme écrite peut être rendue obligatoire soit par extension d’un accord interprofessionnel, soit par un décret en Conseil d’État. « Le choix est fait de ne pas rendre la contractualisation obligatoire par la loi mais bien de la rendre plus attractive », souligne le ministère. Le projet de loi habilite aussi le gouvernement à prendre sous six mois des mesures par ordonnance : relèvement du SRP de 10 % à titre expérimental pour deux ans, encadrement des promotions en valeur et en volume, sans plus de précision pour le moment. « On a encore du travail à faire dans l’écriture des ordonnances », a reconnu le ministère.
La deuxième partie (article 11 à 17) se focalise sur une “alimentation saine et durable”. L’article 11 fixe l’objectif de parvenir au plus tard le 1er janvier 2022 à une part significative (on parlerait de 50 %) de produits locaux, bio ou sous Siqo dans la restauration collective. « C’est vrai que le Code des marchés publics n’autorise pas que l’on parle d’origine mais nous pouvons parler du coût du cycle de vie du produit et des externalités positives pour l’environnement (sic) », envisage le ministère. Bref, de nombreuses dispositions demeurent encore floues. Côté réactions, si certains se sont exprimés assez vite, le plus souvent par voie de communiqué, les filières fruits et légumes et pommes de terre ont choisi la prudence et n’ont pour le moment pas souhaité faire de commentaires.
Des réactions mitigées :
LA FNSEA « satisfaite mais… »
« Nous sommes satisfaits de l’esprit général du texte et du fait qu’il arrive au tout début 2018 comme promis par le président, mais nous appelons à la vigilance jusqu’à l’obtention des vrais chiffres qui ne figureront que dans les ordonnances », a déclaré à l’AFP Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Autre point de vigilance pour la FNSEA : « L’interdiction des prix abusivement bas, qui est renvoyée dans le texte à une ordonnance à prendre dans un délai de neuf mois ».
APCA : « Des espoirs et des attentes »
L’APCA se félicite « de retrouver inscrites dans la loi deux mesures phares » [SRP et promotions] mais regrette « que les seuils fixés ne soient pas plus exigeants, limitant ainsi l’impact de la mesure ». Elle invite les agricultures à « se saisir des nouvelles règles de contractualisation quitte à renforcer leur organisation ».
Les syndicats agricoles minoritaires, déçus et dubitatifs
« Les engagements pris à la suite de l’opération de communication des EGalim sont une fois de plus reniés », regrette la Coordination rurale. Elle compte maintenant sur les parlementaires pour le transformer « en outil efficace et sauver ainsi les agriculteurs du naufrage ». Pour le Modef, « la loi laisse un goût amer car les producteurs pourront proposer leur prix aux distributeurs, mais ces derniers ne sont pas dans l’obligation de les accepter ». La Confédération paysanne exprime ses doutes que « paysans et consommateurs sortent vraiment gagnants ».
Coop de France appelle à l’efficacité et au réalisme
Coop de France a salué la publication du projet de loi mais restera « vigilant ». « Il est absolument indispensable que les nombreuses dispositions portées par voie d’ordonnance fassent aussi, et surtout, l’objet d’un véritable débat sur le fond. Nos entreprises doivent être associées à ces travaux qui les concernent directement. »
La Feef : « Ne rien attendre de la loi »
La fédération des fournisseurs PME s’est inquiétée dans un communiqué que « la grande majorité des propositions ne permettront pas de relancer la création de valeur sur le long terme […] Il ne faut rien attendre de la loi mais développer la voie contractuelle et les relations collaboratives ».
La FC2A : « Une remise en cause de la liberté du commerce »
« Les dispositions nouvelles de l’article 1er [contrat et prix, NDLR] interpellent et inquiètent car elles remettent en question la liberté du commerce en gravant dans la loi des pratiques qui n’ont de valeur qu’avec la souplesse qui les accompagne », déclare Frédéric Carré, président de la Fédération du commerce agricole et agroalimentaire, cité dans un communiqué.
Serge Papin, « très satisfait »
« Je suis très satisfait, a affirmé à l’AFP le patron de Système U, car ce sont les conclusions de l’atelier 5 qui ont été prises comme base du projet de loi […] Dans tout ce contexte un peu passionné, ce texte de loi va ramener de la paix. Il y en a besoin. Combien faut-il vendre de kilos de pommes pour financer la démarque du Nutella ? On marche sur la tête, c’est de la provocation ».
UFC-Que Choisir : le SRP « sur le dos du consommateur »
Le relèvement du SRP est un « cadeau offert à la grande distribution sur le dos du consommateur, avec un bénéfice très hypothétique pour le producteur », a regretté Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation pour l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, au Télégramme. Il chiffre la charge supplémentaire pour les consommateurs « à 1 Md€ sur les deux ans que durera l’expérience ». Ce que Stéphane Travert a démenti : « Le panier moyen de nos consommateurs n’augmentera pas de la manière dont certains le voient, car il y aura un lissage entre les différents produits. »
WWF France veut plus de bio
WWF France a déploré le 2 février que le projet de loi ne soit pas « à la hauteur des enjeux ». Pour la restauration collective, WWF France demande notamment un objectif de 30 % de produits bio en 2022. (Agra)
Guillaume Garot : promesses non tenues
S’il voyait un « réel espoir », selon l’AFP, Guillaume Garot estime que le projet de loi « hélas, ne tient pas les promesses des EGalim ». Si le député se félicite des dispositions contre le gaspillage alimentaire, pour lui le texte est « marqué par de profondes lacunes », et « ne dit rien des nécessaires mutations à engager pour mieux produire et mieux transformer l’alimentation. Qualité nutritionnelle des aliments, encadrement de la publicité, éducation à l’alimentation : les attentes étaient fortes, et restent aujourd’hui sans réponse ».