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DÉBUT DE CAMPAGNE
Un véritable sésame pour de nouveaux marchés

Après Lautrec en 1996, Lomagne et l'ail de la Drôme en 2008, l'ail fumé d'Arleux vient d'obtenir l'IGP en mai. Une démarche longue de plus de onze années et accompagnée par une poignée de producteurs, le maire d'Arleux en tête !

Ce n'est pas un aboutissement mais le début d'une grande aventure qui commence ! Avec l'obtention de l'IGP le 17 mai 2013, les producteurs d'ail fumé d'Arleux (région Nord-Pas-de-Calais), dont les premières mentions apparaissent en 1804 dans les statistiques départementales, ont désormais un précieux sésame entre leurs mains. C'est en effet un fameux argument marketing pour la valorisation d'une production régionale plus que centenaire dont la culture est unique au Nord de Paris. C'est aussi une clé leur permettant d'ouvrir des marchés dans les différents circuits de commercialisation, notamment dans la grande distribution toujours friande de mettre en avant labels, marques et produits à forte identité régionale. Mais voilà, il ne faudra pas se tromper ni de stratégie, ni de cible ! Avec la reconnaissance de l'ail fumé d'Arleux en IGP, « tout n'est pas gagné, tout ne fait que commencer », insistait Patrick Masclet, maire d'Arleux et ardent défenseur de la première heure de cette alliacée régionale. Celui-ci saluait lors de la dernière assemblée générale du groupement de producteurs qui s'est déroulée le 10 juin l'aboutissement de onze années de démarches et « un véritable parcours sans faute » ! Car même s'il a fallu attendre plus de dix ans pour voir aboutir les démarches initiées en région par le Conservatoire régional et le groupement Qualité, « c'est un dossier qui a été extrêmement vite », relevait de son côté Eric Champion, directeur régional de l'Inao de Châlons-en-Champagne (Marne). Ce dernier a en effet instruit « un dossier passé en première lecture et adopté à l'unanimité ». Plutôt rare pour un dossier présenté à l'Institut ! « Vous avez entre les mains un outil de promotion et de communication formidable et c'est votre dynamique collective qui vous permettra d'accroître l'audience de votre produit », ajoutait-il à l'occasion de l'assemblée. C'est aussi le sentiment de l'un des sept producteurs adhérant aujourd'hui au groupement et qui peut désormais commercialiser de l'ail fumé d'Arleux sous IGP, identifiée par un numéro de lot. Pour Frédéric Tricart qui produit avec son frère Jean et ses parents de l'ail sous IGP à Lécluse (Nord), une des soixante-deux communes du périmètre défini par l'IGP, « cette obtention est un formidable argument marketing qu'il faut absolument utiliser. »

Eric Potdvin a été l'un des premiers producteurs à révolutionner les circuits de distribution. Ce producteur de Cuiny-les-Douai en a débuté la culture dès 1987 sur l'exploitation familiale spécialisée dans l'élevage allaitant. « N'étant pas d'Arleux, j'ai attaqué le marché des GMS », se souvient-il. Depuis son référencement au magasin Carrefour de Flers en Escrebieux (Nord), il développe progressivement sa petite entreprise. Il construit actuellement un bâtiment de 5 000 m2 , un investissement de 400 000 € pour le conditionnement et le stockage de l'ail qui lui permettra de satisfaire au référencement GlobalGap en cours. De son côté, le maire d'Arleux plaide pour que tout le monde « puisse jouer collectif et adhère pleinement à cette démarche plutôt que de jouer solo ». Car c'est en effet le péché mignon des producteurs de ce bassin d'Arleux, situé entre Val de Scarpe et Val de Sensée, à mi-chemin entre Douai et Cambrai.

La Foire à l'ail

Individualiste forcené, le producteur d'ail traditionnel n'a guère envie de parler surface, tonnage, chiffre d'affaires… A Arleux le silence est d'or, à l'image des couleurs des tresses qui sortent des fumoirs après sept jours d'enfumage. Un manque de transparence qui se perpétue dans les familles de producteurs et qui a souvent fait dire à certains qu'une proportion de l'ail cultivé et vendu à Arleux empruntait des circuits de vente sans pour autant s'acquitter toujours des charges dues. Aujourd'hui, la traçabilité, l'étiquetage obligatoire et les numéros de lot figurant sur chaque tresse d'ail fumé d'Arleux devraient vite mettre de l'ordre dans le bassin.

Le premier magistrat a bataillé ferme pour faire en sorte de sauver cette production qui participe grandement, d'abord à l'image de sa ville, mais aussi à celle de toute la région du Nord de la France. Lucien Merlin est l'un des deux producteurs encore en activité dans le village. Le président du groupement de producteurs cultive de l'ail depuis plus de cinquante ans. C'est l'une des mémoires vivantes de la commune qui n'hésite jamais à rappeler que l'ail se cultivait dans les anciens marais entourant la ville. A l'époque, c'étaient souvent des ouvriers ou des jardiniers qui arrondissaient leurs fins de mois en vendant cet ail de porte-à-porte.

Le seul ail fumé d'Europe CAHIER DES CHARGES

Dans la zone protégée des soixante-deux communes délimitée par l'IGP, le producteur doit faire la culture et le fumage. Il doit respecter un intervalle de huit ans minimum entre deux cultures d'ail sur la même parcelle. Les variétés sont bien définies (Arno, Gayant et plant de qualité CE). Le tressage, de type tresse à cheveux, doit comporter un écart maximum de 20 mm entre deux têtes. Mais l'un des points essentiel du cahier des charges concerne le fumage. Celui-ci a lieu après le tressage et est réalisé dans un fumoir d'une température inférieure à 42 °C. Il dure au moins sept jours. La très longue conservation de l'ail, allant jusqu'à un an, est obtenue par ce fumage lent issu de matériaux comme tourbe, lignite, courte paille et sciure, qui étaient utilisés historiquement dans le bassin d'Arleux. Chaque producteur choisit parmi ces matériaux répertoriés dans le cahier des charges pour constituer son mélange, donnant à son ail un fumage qui lui est propre. Enfin, chaque tresse doit comporter la mention “Ail fumé d'Arleux” sur une étiquette.

La foire à l'ail (les premiers week-ends de septembre) a largement dépassé les frontières régionales. « Ces jours-là, on vient acheter des tresses d'ail de toute la France mais aussi des pays voisins », relève Frédéric Tricart. Mais si la fréquentation de cette foire à l'ail créée en 1962 est toujours en hausse, le nombre de producteurs locaux baissait régulièrement depuis plusieurs années. Pour pallier un tel manque de production alors que la demande s'accroissait, il n'était donc pas rare de voir de l'ail fumé d'Arleux tressé avec des aulx du Sud du pays ou de l'étranger, nuisant à la réputation du produit.

C'est l'une des raisons du combat du maire d'Arleux mené avec le Centre régional de ressources génétiques et le groupement Qualité qui constataient que beaucoup de choses n'allaient plus dans cette production emblématique du bassin d'Arleux.

Rendez-vous le 31 août

« La qualité des produits se dégradait et si on recensait 130 producteurs installés sur la foire d'Arleux voici trente ans, il n'en reste plus que vingt aujourd'hui », n'hésitait pas à rappeler le 10 juin Patrick Masclet qui prône depuis fort longtemps « le retour aux sources d'une production de qualité » dans cet ancien marais.

Avec l'obtention de l'IGP, la dynamique est enclenchée, et dans la famille Tricart, qui produit de l'ail depuis quatre générations, on reste confiant sur le nombre de nouveaux producteurs qui pourraient rejoindre les sept producteurs initiaux. « Les producteurs d'ail ne se sont pas beaucoup livrés lors de l'assemblée générale mais je peux vous dire que certains producteurs du bassin sont prêts à nous rejoindre pour la prochaine campagne », n'hésitait pas à affirmer Frédéric Tricart quelques jours après cette réunion. L'enjeu ? Faire adhérer de nouveaux producteurs et principalement des jeunes, ouvrir de nouveaux marchés autres que les marchés traditionnels (foires, marchés et porte-à-porte) et accroître la notoriété d'un légume qui participe largement à la renommée de la palette des produits de qualité du Nord-Pas-de-Calais. Pour son développement, « il faudra en outre que l'ail fumé d'Arleux soit payé à son juste prix », insistait Patrick Masclet en faisant allusion à la baisse des prix enclenchée par certains producteurs entre eux… Rendez-vous est déjà pris pour les 31 août et 1er septembre au moment où la 51e Foire à l'ail devrait célébrer comme il se doit l'IGP de son produit phare. Ce week-end-là, il ne sera plus question de commercialiser de l'ail fumé d'Arleux sans étiquette ni sans numéro de lot !

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