Contre-saison
Un outil indispensable à la production : le calendrier
Produire du melon en contre-saison ou sur le créneau très précoce est devenu partie intégrante de la stratégie des entreprises spécialisées. Et même le bio s’en mêle.
« Nos premiers arrivages seront prêts début avril, explique Sébastien Durrot, responsable des achats de melons chez ProNatura Cavaillon. Notre potentiel est d’environ 200 t, mais nous avons une marge de manœuvre avec notre producteur associé, certifié bio depuis dix ans, de Marrakech qui a prévu des plantations supplémentaires pour éviter les aléas de la production. Mais le marché est capable d’absorber un surplus de volumes. » Ce sont des melons de type brodé et un plan d’échantillonnage a été mis en place afin de sélectionner les meilleurs. « La réglementation fixe le taux de sucre à 10° Brix, mais nous les sélectionnons à partir de 12. » La production se terminera mi ou fin mai. « Nous n’avons pas de velléités d’allongement du calendrier. Trop précoce, le melon n’entre pas en consommation. En revanche en avril, nous avons une clientèle – marché intérieur, GMS, RHF ou grossistes – intéressée par cette production. Et puis, être présent avec une production précoce, c’est un gain de temps pour préparer l’arrivée du melon français sur le marché. »
Les Corses s’y mettent aussi. Associé à un producteur marocain dans la région de Taroudant, près d’Agadir, un des adhérents d’Agrucorse lance un essai sur 5 ha. « C’est un test, explique Mathieu Donatti. A la demande d’un opérateur français du Sud-Est, nous avons planté en janvier pour une production de Charentais verts en avril. Les melons seront ramenés sur notre plate-forme de Plan d’Orgon mais la commercialisation sera réalisée par notre partenaire commercial, pour un volume d’une centaine de tonnes. Encore une fois c’est un essai mais qui pourrait amener à une augmentation des superficies grâce à nos réserves foncières. »
Chez Idyl, spécialiste du Maroc, Philippe Puech indique : « Nous sommes sur le même calendrier, soit fin février-début mars et jusqu’à début mai, et le pic de production se situera pour Pâques. » Le site de Dakhla compte près de 130 ha de serres, sous lesquelles « les melons sont palissés pour un aspect plus net. » Le conditionnement est réalisé à Agadir puis transféré à Châteaurenard avant d’être dispatché. « Nous n’avons pas trouvé de meilleure solution. » En revanche Idyl a nettement modifié sa logistique car « désormais 40 % du volume global de l’entreprise arrive par bateau. » La production est commercialisée sous les marques Idyl ou Etoile du Sud. Philippe Puech le reconnaît toutefois : « Nous ne sommes pas des spécialistes du melon, mais spécialistes d’une origine, le Maroc. Il est vrai que notre politique pour le melon, c’est-à-dire monovariétale (brodé) et monocréneau, présente des avantages et des inconvénients. Néanmoins, c’est une stratégie claire bien comprise de nos clients. » En changer ? Philippe Puech reconnaît y avoir pensé : « Nous n’avons pas franchi le pas d’une nouvelle localisation de la production de melons, mais j’admets que nous y réfléchissons. »
Les producteurs s’intéressent au Sénégal
Spécialiste des Antilles, la société Boyer annonce pour cette campagne 160 ha en production pour le Guadeloupe (dont 2 000 t pour l’export de melons lisses et écrits) et 130 ha pour la Martinique mais seulement 1 200 t pour l’export. « Car le marché local est très porteur », précise Jean-Marc Boyer. Actuellement, la production est au ralenti, mais la montée en puissance est en cours et la campagne devrait se terminer en mai, avec « une présence affirmée en avril ». Le melon de la Guadeloupe a reçu sa reconnaissance d’IGP en décembre dernier. « L’IGP raconte toute l’histoire de la Guadeloupe et c’est la seule des Dom-Tom. » C’est un Charentais jaune, d’un poids et d’un taux Brix minimum, respectivement de 450 g et 12°. Dix communes seulement de la façade atlantique des îles de Grande-Terre et Marie-Galante aux conditions pédoclimatiques favorables à sa culture de plein champs sans abris, sont inscrites dans l’aire géographique de l’IGP. « Cette année, nous disposons d’un stock d’eau suffisant et les cendres volcaniques déposées en début d’année font de belles plantations », ajoute Jean-Marc Boyer. La famille Boyer a cependant refranchi l’Atlantique pour s’installer au Maroc, après avoir quitté l’Espagne « sans regrets ». La société est installée dans la zone de Kenitra, sur deux sites, des « zones non inondables ». La production du vrai plein champ marocain arrivera en mai, faisant suite aux Antilles. Les surfaces représentent 130 ha, pour un prévisionnel de 2 500 t de melons lisses et écrits. Plus au Sud, l’entreprise a « fait une approche au Sénégal qui a été plutôt positive. C’est pourquoi nous réalisons un nouveau test avec des plantations en février. Si les résultats sont confirmés, nous pourrions effectivement envisager de nous développer, afin d’avoir une meilleure répartition de la production sur les différents sites sur des périodes plus adaptées. »
Installé depuis trois ans à Guelmim au Sud d’Agadir, Bernard Chiron a des états d’âme, reliquats d’une année 2010 difficile pour le melon. « On ne connaît plus le prix du melon et je crains que ce ne soit pas terminé. On le ressent même avec des marques avec notoriété et des produits de qualité, alors je me demande comment cela se passe pour les autres. Je me pose des questions sur la suite à donner à la production, mais ne me faites pas dire que je n’en ferai plus ! Néanmoins, je pense que, désormais, au Maroc il devient dangereux de ne faire que du melon. » Avec son associé producteur, Bernard Chiron a planté 60 ha de melons « un peu moins que l’an dernier et nous abandonnons le Galia », sur la ferme qui compte 130 ha. Le début de campagne débutera en mars, avec un pic en avril et une fin de saison au 20 mai, soit « une campagne plus étalée ». Pour le reste, Bernard Chiron ne met plus tous ses œufs dans le même panier. « Au Maroc, j’ai fait le choix de la diversification. Les tests sur l’asperge verte continuent et nous attendons le mois de mars pour planter avec une augmentation des surfaces. Nous produisons également des pommes de terre nouvelles, des potimarrons, et nous cherchons une quatrième espèce dans la catégorie des petits produits. » En juin, Bernard Chiron retourne en Espagne « car il n’y a pas assez de melons ici pour en vivre. Cela me permet de proposer un 1er prix et de mieux valoriser la production locale. » Près de 40 ha de melons Charentais ont été plantés mais, dit-il « J’ai préféré en faire moins cette année. Je veux continuer à faire de la qualité et continuer à le dire. »
Du melon toute l’année
A Monteux, la société Meffre commercialise du melon 12 mois sur 12. « Nous commençons avec la République Dominicaine, sur des sols vierges car récemment défrichés, ce qui améliore la qualité du melon, explique Alain Meffre, PDG de la société. Nous travaillons sur le type Charentais jaune, avec des producteurs locaux, tous certifiés GlobalGap. Les volumes varient selon les années, mais je n’ai pas de velléités de développement, car le système fonctionne bien comme cela et correspond à un marché de niche. » La production s’étale de décembre à avril, après quoi l’entreprise se tourne vers le Maroc. « Les producteurs, qui sont suivis par notre technicien, avec lesquels nous travaillons sont installés à Agadir, Dakhla, Marrakech, un site pour lequel nous avons créé la marque Meffrakech. La production globale s’étalera de fin février au 1er juin avec un pic en avril-mai. Je considère personnellement qu’avec un produit de qualité, on s’en sort avec l’origine Maroc. » La production est composée de Charentais jaunes à Marrakech et de Charentais verts à Agadir et Dakhla. Cette année, l’entreprise va tenter de réduire les temps de transport, en mettant deux chauffeurs par camion pour gagner Perpignan. « Il faut gagner du temps, explique Alain Meffre. Nos melons sont emballés le matin et ils doivent impérativement partir le soir. » Alain Meffre travaille également avec l’Espagne à partir du 20 mai jusqu’à l’arrivée de la production locale. Mais il regarde ailleurs. « Nous avons fait un essai au Sénégal qui ne s’est pas avéré concluant. Nous regardons également vers la Tunisie, qui est un très bon terroir pour le melon, mais les événements actuels nous laissent dans l’expectative. » Globalement, les volumes traités varient selon les années entre 4 000 et 5 000 t.
Installée au Maroc, Azura produit sur son site de Dakhla 1 400 t de Charentais verts entre mi-février et mi-mai. C’est une stratégie qui permet de faire le lien entre l’hiver et le début de la production française et qui répond aux demandes des acheteurs. De ce fait, le groupe n’a pas l’intention de modifier son calendrier de production. Son positionnement est sur le haut de gamme. Les melons Azura sont commercialisés sur le marché français sur les circuits GMS et grossistes. Azura segmente sa production entre “Charentais classique” et “Gourmet” dont le cahier des charges est plus strict notamment pour le taux de sucre.
Essais de melons jaunes au Nord de Gabès
En revanche, ça bouge du côté de Force Sud. Franck Muret, qui gère une ferme à Marrakech, est sorti du groupe. Mais Force Sud a repris une exploitation à proximité de Marrakech qui sera pilotée par Jérôme Jausseran. Sur 75 ha, elle est destinée à produire des Charentais jaunes et verts. « Nous n’aurons donc pas de pertes de volumes au Maroc, souligne Jérôme Jausserand. La récolte débutera fin mars pour les serres et le 20 avril pour le plein champ. » L’autre actualité du groupe, c’est l’installation de Gilles et François Biscarrat, producteurs à Piolenc (Vaucluse), en Tunisie. « C’est une exploitation de 25 ha située au Nord de Gabès où sera plantée cette année des Charentais verts, mais nous faisons également des essais sur les jaunes, sous serres et en plein champ. Son plus grand avantage est qu’elle possède des équipements géothermiques qui sont l’avenir du melon. Pour cette raison, nous n’avançons aucun chiffre de production car nous sommes en phase de test de températures. Mais quand nous serons au point, nous devrions gagner un ou deux mois de précocité sur Marrakech. » Au total, Force Sud est donc installé sur 95 ha au Maghreb. « Ces melons seront commercialisés sous la marque Goût du Sud, dans des cartons de couleur différente assortis d’un slogan “Leader de l’Atlas”. » Les fermes ont été certifiées GlobalGap le 29 janvier pour le Maroc et le seront début mars pour la Tunisie. Cette production sera transportée par bateau. « En raison des événements récents, il faut s’attendre encore à quelques soubresauts, notamment sur le plan logistique. Nous avons prévu un transfert Tunis-Marseille repris par camion jusqu’à Piolenc, voire Tunis-Sète à l’ouverture du terminal fruitier pour diriger la marchandise vers St Thibery. En Espagne, le potentiel Charentais jaune de Force Sud est en légère augmentation, mais sans aucune velléité d’allongement du calendrier pour éviter le télescopage avec les melons que nous avons déjà en mai en France. »
Rester sur ses acquis
A Carpentras, Bernard Gérin s’est associé avec Teradelis pour une production de 4 000 t, soit 2 000 t chacun. « L’idée est de réaliser des économies d’échelle avec le même personnel, le même technicien, le même cahier des charges, des installations ou encore des lignes de conditionnement communes, mais une commercialisation indépendante. » La majorité des maraîchers marocains qui travaillent pour les deux entreprises sont installés près de Marrakech et quelques-uns à Agadir et Dakhla. Seul le type Charentais vert est cultivé, en plein champ à Marrakech, sous serres froides à Agadir et sous serres de protection contre la chaleur (type espagnol) à Dakhla. La récolte démarre début mars et va jusqu’à début juin avec un pic entre le 15 avril et le 20 juin. Mais les deux partenaires n’ont pas l’ambition de s’agrandir. « Nous avons des relations marginales avec le Sénégal où la production est irrégulière, le marché intérieur porteur, donc peu de volumes pour l’export. C’est seulement une solution opportuniste. En ce qui concerne le Maroc, nous n’avons pas non plus l’intention de nous agrandir. Il est déjà difficile de commercialiser 4 000 t en soixante jours. » Selon lui, d’ailleurs, les superficies auraient tendance à se stabiliser notamment à Marrakech. « Il y a un important turn-over lié à l’arrêt de certains producteurs locaux ou étrangers qui me font penser que les surfaces sont stables. » Bernard Gérin s’approvisionne aussi en Espagne, mais de manière sporadique. « Cela devient compliqué de travailler en Espagne, car la marchandise devient trop chère. De plus, je n’ai pas de gros marchés, tout au plus, des demandes une semaine par an, donc je n’ai aucun intérêt à chercher des producteurs réguliers. »